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01/06/2017 | FRANCE | N°406762

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 01 juin 2017, 406762


Vu les procédures suivantes :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 avril 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a suspendu de ses fonctions à compter de la date de notification de cet arrêté, de condamner le garde des sceaux, ministre de la justice à lui payer ses traitements pour la période du 1er août 2013 au 15 avril 2015, soit la somme de 50 116,76 euros, out

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Vu les procédures suivantes :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 avril 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a suspendu de ses fonctions à compter de la date de notification de cet arrêté, de condamner le garde des sceaux, ministre de la justice à lui payer ses traitements pour la période du 1er août 2013 au 15 avril 2015, soit la somme de 50 116,76 euros, outre la moitié de ses traitements depuis le 15 août 2015, soit la somme de 1 222,36 euros par mois jusqu'au prononcé du jugement à intervenir avec intérêt au taux légal, d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions de surveillant pénitentiaire avec règlement de son traitement intégral et de condamner le garde des sceaux, ministre de la justice à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par une ordonnance n° 1603712 du 26 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a suspendu l'exécution de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 13 avril 2015, enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de réintégrer M. A... dans ses services et de régulariser sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'ordonnance jusqu'à l'intervention du jugement au fond, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de M.A....

1° Sous le n° 406762, par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés les 10 janvier et 12 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire en référé, de rejeter la requête de première instance de M. A....

2° Sous le n° 406768, par une requête enregistrée le 10 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 26 décembre 2016.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A...;

1. Considérant que le pourvoi enregistré sous le n° 406762 et la requête à fin de sursis à exécution, enregistrée sous le n° 406768, sont dirigés contre la même ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur le pourvoi contre l'ordonnance du juge des référés :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ";

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M.A..., surveillant au centre pénitentiaire d'Avignon-Le Pontet, mis en examen du chef de corruption passive, a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer son activité professionnelle le 9 février 2013 ; que, par un arrêté du 8 février 2013, le garde des sceaux, ministre de la justice l'a suspendu de ses fonctions ; que, par un arrêt du 31 mars 2015, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes a fait droit à la demande de l'intéressé de mainlevée partielle de contrôle judiciaire et supprimé, sans restriction, l'interdiction d'exercer son activité professionnelle de surveillant pénitentiaire ; que, par un arrêté du 13 avril 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice a renouvelé la mesure de suspension prise à son encontre ; que, par une ordonnance du 26 décembre 2016, contre laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a suspendu l'exécution de cet arrêté et a enjoint au ministre de réintégrer M. A...dans ses services et de régulariser sa situation dans un délai de quinze jours en jugeant sérieux, en l'état de l'instruction, d'une part, le moyen d'atteinte au principe d'égalité et, d'autre part, le moyen d'erreur de droit et d'erreur de fait ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, les 19 et 20 décembre 2016, M. A...a, à la suite de l'audience et à la demande du juge des référés, produit les pièces auxquelles il s'était référé lors de l'audience publique, à laquelle étaient présents des représentants du ministre de la justice ; que, quand bien même ces pièces n'auraient pas toutes été communiquées au ministre, ainsi qu'il le soutient, le juge des référés a pu, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur ces éléments, dont il avait été fait état lors de l'audience publique en présence des représentants du ministre de la justice, pour faire droit à la demande de M. A...;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté litigieux : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline./ Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. " ;

6. Considérant que le juge des référés a jugé que le moyen soulevé par M. A..., tiré de ce que l'administration avait commis une erreur de droit en renouvelant, deux ans après les faits en cause, alors que l'interdiction d'exercer sa profession avait été levée, la mesure de suspension dont il avait fait l'objet sans justifier avoir saisi le conseil de discipline comme elle l'aurait dû pour se conformer aux exigences de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 rappelées plus haut, était en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux ; qu'il n'était pas contesté devant lui que, depuis la première mesure de suspension prise à l'encontre de M. A...le 8 février 2013, l'administration n'avait pas saisi le conseil de discipline ; que, dès lors, le juge des référés, qui a suffisamment motivé son ordonnance sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'après avoir relevé que la suspension de M. A... avait été renouvelée alors que trois autres surveillants pénitentiaires également impliqués dans les faits reprochés à ce dernier et ayant justifié les poursuites pénales à son encontre avaient été réintégrés dans leurs fonctions, le juge des référés a pu, sans entacher son ordonnance de dénaturation, estimer qu'était également de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux le moyen tiré de ce qu'il méconnaissait le principe d'égalité ;

8. Considérant, enfin, que, faute notamment d'avoir disposé d'éléments complémentaires portant sur les compétences et les qualifications de M.A..., le juge des référés n'a pas entaché son ordonnance de dénaturation en estimant qu'était de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux le moyen de tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le ministre dans l'appréciation de la possibilité d'affecter M. A... à une activité sans contact avec les détenus et hors du centre pénitentiaire d'Avignon ;

9. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;

Sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance :

10. Considérant que, par la présente décision, il est statué sur les conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution ;

Sur les conclusions présentées pour M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 3 500 à verser à la SCP Bouzidi, Bouhanna ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du garde des sceaux, ministre de la justice, est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 406768.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M.A..., une somme de 3 500 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 406762
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2017, n° 406762
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:406762.20170601
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