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31/05/2017 | FRANCE | N°390133

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 31 mai 2017, 390133


Vu la procédure suivante :

La société Saupiquet a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 23 juin 2010 par le trésorier-payeur général du Finistère, d'un montant de 377 977,09 euros, établi en vue du remboursement des aides qu'elle a perçues à la suite du naufrage du pétrolier " Erika " et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la validité de la décision de la Commission européenne n° 2005/239/CE du 14 juillet 20

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Vu la procédure suivante :

La société Saupiquet a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 23 juin 2010 par le trésorier-payeur général du Finistère, d'un montant de 377 977,09 euros, établi en vue du remboursement des aides qu'elle a perçues à la suite du naufrage du pétrolier " Erika " et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la validité de la décision de la Commission européenne n° 2005/239/CE du 14 juillet 2004 concernant certaines mesures d'aide mises à exécution par la France en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs.

Par un jugement n° 10-5431 du 24 mai 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13NT02183 du 12 mars 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 mai et 12 août 2015 et le 15 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Saupiquet demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement n° 659/1999/CE du Conseil du 22 mars 1999 ;

- la décision n° 2005/239/CE de la Commission européenne du 14 juillet 2004 ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Saupiquet ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite des sinistres occasionnés par le naufrage du pétrolier " Erika " le 12 décembre 1999 et par la tempête survenue les 27 et 28 décembre de la même année, ont été mises en place des mesures d'aide en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs des départements du Finistère, du Morbihan, de la Loire-Atlantique, de la Vendée, de la Charente-Maritime et de la Gironde, le bénéfice de certaines de ces aides ayant été ensuite étendu à tous les pêcheurs et aquaculteurs français. Ces mesures ont été notifiées à la Commission européenne le 21 juin 2000. Par une décision n° 2005/239/CE du 14 juillet 2004, la Commission européenne a notamment déclaré que les allégements de charges sociales, pour la période du 15 avril au 15 juillet 2000, et l'exonération de redevance domaniale pour l'année 2000 qui avaient été consentis en faveur des aquaculteurs des départements autres que les départements précités et les allégements de charges sociales bénéficiant aux pêcheurs pour la période du 15 avril au 15 octobre 2000 n'étaient pas compatibles avec les règles issues du droit de l'Union. Par la même décision, la Commission européenne a enjoint aux autorités françaises de recouvrer ces aides auprès de leurs bénéficiaires.

2. Il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en application de la décision de la Commission européenne mentionnée au point 1, le trésorier-payeur général du Finistère a notifié à la société Saupiquet un titre de perception d'un montant de 377 977,09 euros, en vue du recouvrement de sommes qu'elle avait indûment perçues. La société Saupiquet a demandé l'annulation de ce titre de perception au tribunal administratif de Rennes, qui a rejeté cette demande par un jugement du 24 mai 2013. La même société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 mars 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

3. Aux termes de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation ". Il résulte de ces dispositions que l'Etat ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et éléments de calcul sur lesquels l'autorité administrative émettrice du titre de perception s'est fondée pour déterminer le montant de la créance.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'auteur du titre de perception litigieux s'est borné à mentionner le montant total de la somme due par la société Saupiquet, ainsi que les montants réclamés respectivement au titre du principal et des intérêts de retard. Il est constant que ce titre de perception ne comporte aucun élément relatif aux allègements de cotisations sociales dont la même société a bénéficié. Dès lors, en jugeant que les mentions figurant sur le titre de perception litigieux satisfaisaient aux exigences de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962, alors qu'elles ne permettaient pas à la société de connaître les modalités de calcul de la créance invoquée par l'Etat, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi de la société Saupiquet, l'arrêt attaqué doit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la société Saupiquet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 12 mars 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à la société Saupiquet la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société Saupiquet, ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 390133
Date de la décision : 31/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2017, n° 390133
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Monteagle
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:390133.20170531
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