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31/05/2017 | FRANCE | N°390132

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 31 mai 2017, 390132


Vu la procédure suivante :

La société Saupiquet a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 8 décembre 2010 par le trésorier-payeur général du Finistère, d'un montant de 3 009 911,01 euros, établi en vue du remboursement d'aides octroyées par le fonds de prévention des aléas de la pêche (FPAP) et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la validité de la décision de la Commission européenne n° 2008/936/CE du 20 mai

2008 concernant les aides octroyées par la France au FPAP.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

La société Saupiquet a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 8 décembre 2010 par le trésorier-payeur général du Finistère, d'un montant de 3 009 911,01 euros, établi en vue du remboursement d'aides octroyées par le fonds de prévention des aléas de la pêche (FPAP) et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la validité de la décision de la Commission européenne n° 2008/936/CE du 20 mai 2008 concernant les aides octroyées par la France au FPAP.

Par un jugement n° 11-3057 du 24 mai 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13NT02175 du 12 mars 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 mai et 12 août 2015 et le 15 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Saupiquet demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement n° 659/1999/CE du Conseil du 22 mars 1999 ;

- la décision n° 2008/936/CE de la Commission européenne du 20 mai 2008 ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Saupiquet ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le fonds de prévention des aléas de la pêche (FPAP) a été constitué en 2004 afin notamment d'assurer la prise en charge du coût du combustible utilisé par les navires armés par les entreprises de pêche lorsque le prix d'achat de celui-ci excédait un prix de référence, cette prise en charge partielle prenant la forme d'une indemnité proportionnelle aux volumes de gazole acheté par ces entreprises. Le FPAP a ainsi bénéficié d'avances remboursables de l'Etat pour un montant total d'environ 65 millions d'euros. Par une décision n° 2008/936/CE du 20 mai 2008, la Commission européenne a toutefois déclaré que cette prise en charge partielle revêtait le caractère d'une aide d'Etat illicite et a enjoint aux autorités françaises de recouvrer auprès de leurs bénéficiaires les sommes déjà versées à ce titre.

2. Il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en application de la décision de la Commission européenne mentionnée au point 1 le trésorier-payeur général du Finistère a émis à l'encontre de la société Saupiquet un titre de perception d'un montant de 3 009 911,01 euros en recouvrement des aides qu'elle avait indûment perçues. La société Saupiquet a demandé l'annulation de ce titre de perception au tribunal administratif de Rennes, qui a rejeté cette demande par un jugement du 24 mai 2013. La même société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 mars 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

3. Aux termes de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation ". Il résulte de ces dispositions que l'Etat ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et éléments de calcul sur lesquels l'autorité administrative émettrice du titre de perception s'est fondée pour déterminer le montant de la créance.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment des paragraphes 137 et suivants de la décision de la Commission européenne du 20 mai 2008, que le montant à recouvrer auprès de chacune des entreprises de pêche en cause avait été déterminé par référence, d'une part, au produit de la part des avances remboursables effectivement transférées aux entreprises de pêche, elle-même égale à la différence entre le produit total des avances remboursables et la part des avances ayant couvert les coût de fonctionnement ou restées dans la trésorerie du FPAP, et, d'autre part, au rapport entre l'indemnité perçue par chaque entreprise au titre de l'assurance gazole et le montant total des indemnités versées à ce titre par le FPAP.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'auteur du titre de perception litigieux s'est borné à mentionner le montant total de la somme due par la société Saupiquet, ainsi que les montants réclamés respectivement au titre du principal et des intérêts de retard. Il est toutefois constant que ni ce titre de perception lui-même, ni la décision de la Commission européenne du 20 mai 2008 à laquelle les juges d'appel font référence, ni aucun autre document adressé à la société Saupiquet avant l'émission du titre de perception n'ont porté à la connaissance de celle-ci les éléments relatifs à la part des avances remboursables effectivement transférées aux entreprises de pêche et au montant total des indemnités versées par le FPAP sur lesquelles le trésorier-payeur général s'est fondé pour déterminer le montant d'aide à récupérer auprès de la société en cause. Dès lors en jugeant que les mentions figurant sur le titre de perception litigieux satisfaisaient aux exigences de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi de la société Saupiquet, l'arrêt attaqué doit être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la société Saupiquet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 12 mars 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à la société Saupiquet la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Saupiquet, au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 390132
Date de la décision : 31/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2017, n° 390132
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Monteagle
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:390132.20170531
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