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24/05/2017 | FRANCE | N°395914

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 24 mai 2017, 395914


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour lui de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ardèche, ayant versé des prestations à M. B...au titre des troubles imputés à sa contamination, est intervenue à l'instance pour demander la mise en cause de l'Etablissement français du sa

ng (EFS) et a formé un recours subrogatoire contre cet établissement....

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour lui de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ardèche, ayant versé des prestations à M. B...au titre des troubles imputés à sa contamination, est intervenue à l'instance pour demander la mise en cause de l'Etablissement français du sang (EFS) et a formé un recours subrogatoire contre cet établissement. Par un jugement n° 1205607 du 26 novembre 2013, le tribunal administratif a rejeté les demandes de M. B... et de la CPAM de l'Ardèche.

Par un arrêt n° 14LY00275 du 5 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de la CPAM de l'Ardèche contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 janvier et 5 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CPAM de l'Ardèche demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'EFS la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Etablissement français du sang, à la SCP Sevaux Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, issu de la loi visée ci-dessus du 17 décembre 2008, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) assure, au titre de la solidarité nationale, l'indemnisation des victimes de préjudices résultant d'une contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou par une injection de médicaments dérivés du sang ;

2. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et du I de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en responsabilité civile de l'Etat, ainsi que des articles 28 et 29 de la loi du 5 juillet 1985 visée ci-dessus, que les recours des tiers payeurs, subrogés dans les droits d'une victime d'un dommage qu'ils indemnisent, s'exercent à l'encontre de l'auteur responsable de l'accident ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage entrant dans les prévisions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique ne peuvent exercer contre l'ONIAM, qui n'est pas le responsable du dommage mais doit seulement en assurer la réparation au titre de la solidarité nationale, les recours subrogatoires prévus par les textes rappelés au point 2 ; qu'ils peuvent, en revanche, exercer ces recours contre l'Etablissement français du sang (EFS) en sa qualité de fournisseur des produits à l'origine de la contamination et, par suite, de responsable du dommage, ou en sa qualité de repreneur des obligations des établissements de transfusion sanguine qui ont fourni ces produits ; que l'ONIAM, lorsqu'il a indemnisé la victime de la contamination, peut lui-même exercer une action subrogatoire contre l'EFS ; qu'il résulte des dispositions du huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, issu de la loi visée ci-dessus du 17 décembre 2012, que le recours subrogatoire dirigé contre l'EFS venu aux droits et obligations d'un établissement de transfusion sanguine est soumis à la condition que cet établissement ait été assuré, que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture ne soit pas expiré ; qu'en revanche, aucune disposition ne subordonne l'exercice du recours subrogatoire à l'existence d'une faute du fournisseur des produits à l'origine de la contamination ;

4. Considérant qu'eu égard à l'intérêt qui s'attache, en vue d'une bonne administration de la justice, à ce que les droits de la victime et du tiers payeur subrogé dans ses droits soient déterminés dans le même cadre procédural, au vu notamment d'une même appréciation de l'imputabilité de la contamination en cause à la transfusion de produits sanguins ou à l'injection de médicaments dérivés du sang, l'action qu'une personne porteuse du virus de l'hépatite C engage pour être indemnisée par l'ONIAM en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique au motif qu'elle aurait été contaminée par des produits sanguins ou par des médicaments dérivés du sang, d'une part, et l'action engagée par le tiers payeur qui lui a versé des prestations contre l'EFS pris en sa qualité d'auteur du dommage, d'autre part, ne constituent pas des litiges distincts, alors même que ces deux actions ne sont pas dirigées contre la même personne ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, qui était intervenue volontairement à l'instance engagée le 23 août 2012 par M. B...contre l'ONIAM en vue d'obtenir une indemnisation au titre des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, n'était pas recevable à demander au tribunal administratif de mettre à la charge de l'EFS le remboursement des prestations qu'elle avait versées à la victime, et en rejetant pour ce motif l'appel formé par cette caisse primaire d'assurance maladie contre le jugement du tribunal administratif en tant qu'il rejetait sa demande, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de son arrêt ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EFS le versement à la CPAM de l'Ardèche de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la CPAM de l'Ardèche, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 5 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : L'EFS versera la somme de 3 000 euros à la CPAM de l'Ardèche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'EFS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, à l'Etablissement français du sang, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 395914
Date de la décision : 24/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-07-01-03 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS GÉNÉRALES. CONCLUSIONS. - CONCLUSIONS CONSTITUANT UN LITIGE UNIQUE - ACTION D'UNE VICTIME CONTRE L'ONIAM À RAISON DES PRÉJUDICES CONSÉCUTIFS À UNE CONTAMINATION PAR LE VIRUS DE L'HÉPATITE C ET ACTION ENGAGÉE PAR LE TIERS PAYEUR LUI AYANT VERSÉ DES PRESTATIONS CONTRE L'EFS PRIS EN SA QUALITÉ D'AUTEUR DU DOMMAGE [RJ1].

54-07-01-03 Eu égard à l'intérêt qui s'attache, en vue d'une bonne administration de la justice, à ce que les droits de la victime et du tiers payeur subrogé dans ses droits soient déterminés dans le même cadre procédural, au vu notamment d'une même appréciation de l'imputabilité de la contamination en cause à la transfusion de produits sanguins ou à l'injection de médicaments dérivés du sang, l'action qu'une personne porteuse du virus de l'hépatite C engage pour être indemnisée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique au motif qu'elle aurait été contaminée par des produits sanguins ou par des médicaments dérivés du sang, d'une part, et l'action engagée par le tiers payeur qui lui a versé des prestations contre l'Etablissement français du sang (EFS) pris en sa qualité d'auteur du dommage, d'autre part, ne constituent pas des litiges distincts, alors même que ces deux actions ne sont pas dirigées contre la même personne.


Références :

[RJ1]

Cf. décision du même jour, CPAM du Rhône, n°395915, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 mai. 2017, n° 395914
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:395914.20170524
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