Vu la procédure suivante :
Par une décision du 18 avril 2014, la chambre régionale de discipline de l'ordre des vétérinaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse a infligé à M. C...E...et M. B... du Crest, sur plainte de Mme D...A..., la peine de l'interdiction d'exercer la médecine vétérinaire sur tout le territoire national pour une durée de quatre mois dont deux mois assortis du sursis.
MM. E...et du Crest ont relevé appel devant la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires qui, par une décision du 10 juillet 2015, a ramené la sanction à une interdiction d'exercer leur profession sur tout le territoire national pour une durée de deux mois dont un mois et demi avec sursis.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 septembre et 25 novembre 2015 et le 7 octobre 2016, MM. E...et du Crest demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la plainte de MmeA... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 92-157 du 19 février 1992 ;
- le décret n° 2003-967 du 9 octobre 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. E...et de M. du Crest et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires.
1. Considérant que, pour sanctionner les requérants, la chambre supérieure de discipline a relevé que " le contrat de travail des docteurs vétérinaires du Crest et E...prévoit dans son article 4 dont 28-b) : "qu'il est interdit de donner des consultations gratuites ou payantes, dont peut tirer un bénéfice moral ou matériel une personne physique ou morale non habilitée légalement à exercer la profession de vétérinaire. Seules font exception les associations dont l'objet est la protection des animaux. Dans ce dernier cas, les vétérinaires concernés doivent obtenir la garantie de la gratuité de leurs actes pour le public ; leur rémunération sous quelque forme que ce soit ne peut être assurée que par l'établissement de soins. Les vétérinaires attachés à ces associations doivent obtenir des engagements de la part de celles-ci pour le respect des dispositions précédentes" " ; que la chambre supérieure a estimé que MM. du Crest et E...avaient agi en méconnaissance de ces stipulations contractuelles ; qu'elle a jugé que ceci constituait une violation des dispositions du IV de l'article R. 242-33 du code rural et de la pêche maritime, aux termes duquel : " Le vétérinaire respecte les engagements contractuels qu'il prend dans l'exercice de sa profession " ;
2. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le contrat de travail de M. du Crest ne renfermait pas de stipulations rédigées ainsi qu'il est indiqué au point 1 ci-dessus ; qu'ainsi, la décision attaquée repose, en ce qui le concerne, sur des faits matériellement inexacts ;
3. Considérant, d'autre part, qu'après avoir estimé que les soins dispensés par M. E...faisaient l'objet d'une tarification par son employeur, la chambre supérieure de discipline, qui a examiné cette situation au regard des stipulations du contrat de l'intéressé et non des dispositions du code de déontologie, a jugé qu'elle constituait une méconnaissance par l'intéressé des stipulations rappelées au point 1 ci-dessus ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ces stipulations visaient à garantir à M. E... le respect par son employeur du principe de gratuité des soins, mais ne faisaient peser sur l'intéressé aucune obligation de veiller à ce que son employeur respecte ce principe, la chambre supérieure a dénaturé la portée de ces stipulations ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la décision attaquée doit être annulée ;
5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme que les requérants demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 10 juillet 2015 de la chambre supérieure de discipline du conseil de l'ordre des vétérinaires est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la chambre nationale de discipline du conseil de l'ordre des vétérinaires.
Article 3 : Les conclusions présentées par MM. E...et du Crest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C...E..., à M. B...du Crest, à Mme D...A...et au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.
Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.