Vu la procédure suivante :
Par un mémoire enregistré 23 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la communauté de communes du Pays roussillonnais demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi formé contre l'arrêt n° 15LY04084 du 27 septembre 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 133 de la loi n° 2016-1918 de finances rectificative pour 2016 du 29 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Lombard, auditeur,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la communauté de communes du pays roussillonnais ;
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 133 de la loi de finances rectificatives pour 2016 : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les arrêtés préfectoraux pris au titre des exercices 2012, 2013 et 2014 constatant le prélèvement opéré sur le montant de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l'article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce qu'il aurait été fait application au-delà de 2011 des dispositions du paragraphe 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ".
3. La communauté de communes du Pays roussillonnais soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent le principe de la garantie des droits proclamé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi que le principe de libre administration des collectivités territoriales protégé par l'article 72 de la Constitution.
Sur l'intervention :
4. La communauté d'agglomération Carcassonne Agglo a présenté, à l'occasion d'un litige pendant devant le tribunal administratif de Montpellier, une question prioritaire de constitutionnalité mettant également en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions législatives contestées par la communauté de communes du Pays roussillonnais. Le tribunal administratif de Montpellier, saisi de cette question, a différé sa décision en application des dispositions de l'article R. 771-6 du code de justice administrative, selon lesquelles une juridiction peut procéder ainsi, lorsqu'elle est saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil d'Etat est déjà saisi, jusqu'à ce qu'elle soit informée de la décision du Conseil d'Etat ou, le cas échéant, du Conseil constitutionnel. Dès lors, la communauté d'agglomération Carcassonne Agglo justifie d'un intérêt la rendant recevable à intervenir devant le Conseil d'Etat au soutien de la demande de renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par la communauté de communes du Pays roussillonnais.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
5. L'article 133 de la loi de finances rectificatives pour 2016 est applicable au litige. Cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la communauté d'agglomération Carcassonne Agglo est admise.
Article 2 : La question de la conformité à la Constitution de l'article 133 de la loi de finances rectificatives pour 2016 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes du Pays roussillonnais, à la communauté d'agglomération Carcassonne Agglo et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre.