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26/04/2017 | FRANCE | N°397926

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 26 avril 2017, 397926


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 397926, par une requête et un mémoire enregistrés les 14 mars 2016 et 14 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Val-de-Reuil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, sur sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 27 janvier 2015 relatif aux péages autoroutiers ;

2°) de mettre

à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code ...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 397926, par une requête et un mémoire enregistrés les 14 mars 2016 et 14 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Val-de-Reuil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, sur sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 27 janvier 2015 relatif aux péages autoroutiers ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Val-de-Reuil soutient que la décision attaquée est illégale en ce qu'elle refuse d'abroger l'arrêté du 27 janvier 2015 qui prévoit le caractère payant du péage d'Incarville alors que ce péage méconnaît le principe d'égalité des usagers devant le service public, la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu, ainsi que l'article 25-3 du contrat de concession.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, conclut au rejet de la requête.

2° Sous le n° 397927, par une requête et deux mémoires enregistrés les 14 mars 2016, 14 février et 28 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Val-de-Reuil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat sur sa demande tendant à la modification des clauses réglementaires de la concession et du cahier des charges liant l'Etat à la société des autoroutes Paris-Normandie relatives aux tarifs des péages ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la société des autoroutes Paris-Normandie sur sa demande tendant à la modification des clauses réglementaires de la concession et du cahier des charges liant l'Etat à cette société ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société des autoroutes de Paris-Normandie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 398390, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire, enregistrés les 31 mars, 30 juin 2016 et le 14 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Val-de-Reuil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 janvier 2016 relatif aux péages applicables sur les réseaux autoroutiers concédés aux sociétés SANEF et SAPN ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de la voirie routière ;

- le décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Val-de-Rueil ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 31 mars 2017, présentée sous les n° 397926, 397927 et 398390 par la commune de Val-de-Reuil ;

1. Considérant que les requêtes de la commune de Val-de-Reuil visées

ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers, pris sur le fondement des dispositions aujourd'hui codifiées à l'article L. 410-2 du code de commerce : " Les tarifs de péages autoroutiers sont fixés chaque année par les sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les conditions définies ci-après. / Le cahier des charges de la société concessionnaire prévu par l'article L. 122-4 du code de la voirie routière définit les règles de fixation des tarifs de péages (...) / Le contrat de plan, conclu pour une durée maximale de cinq années renouvelable entre l'Etat et la société concessionnaire, fixe les modalités d'évolution des tarifs de péages pendant la période considérée " ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " Jusqu'à la conclusion d'un contrat de plan conforme aux dispositions de l'article 1er ci-dessus, les tarifs de péages sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'équipement, après consultation de la société concessionnaire concernée (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la construction, l'entretien et l'exploitation de l'autoroute A13 a été concédée à la société des autoroutes

Paris-Normandie par une convention du 24 mars 1995 ; que cette concession et le cahier des charges qui y est annexé prévoient que les trajets effectués sur certaines sections de référence sont facturés sur une base forfaitaire quelle que soit la distance parcourue ; que tel est notamment le cas pour les trajets effectués entre la gare de péage d'Incarville et la gare de péage suivante ; que les tarifs des péages applicables à compter du 1er février 2015 ont été fixés par un arrêté conjoint de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et du secrétaire d'Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche du 27 janvier 2015 relatif aux péages autoroutiers et ceux applicables à compter du 1er février 2016 ont été fixés par un arrêté interministériel signé des mêmes ministres du 29 janvier 2016 relatif aux péages applicables sur les réseaux autoroutiers concédés aux sociétés SANEF et SAPN ; que la commune de Val-de-Reuil a demandé à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, d'abroger l'arrêté du 27 janvier 2015 et a demandé à la ministre et à la société des autoroutes Paris-Normandie la modification des clauses réglementaires de la convention du 24 mars 1995 et de son cahier des charges aux fins de prévoir la gratuité de la barrière de péage d'Incarville, située sur l'autoroute A13 ; que la commune demande l'annulation pour excès de pouvoir des décisions implicites de refus nées du silence gardé sur ces demandes ainsi que de l'arrêté du 29 janvier 2016 ;

Sur les conclusions dirigées contre les refus de modifier les clauses réglementaires de la concession et du cahier des charges liant l'Etat à la société des autoroutes Paris-Normandie relatives aux tarifs des péages et contre l'arrêté du 29 janvier 2016 relatif aux péages applicables sur les réseaux autoroutiers concédés aux sociétés SANEF et SAPN :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " (...) peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale (...) " ; que, par suite, le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, étaient compétents pour signer l'arrêté attaqué du 29 janvier 2016 ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de cet acte ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les trajets effectués sur une portion de l'autoroute A13 comprise entre la gare de péage d'Incarville et la gare de péage suivante sont facturés à l'usager 2,10 € sur une base forfaitaire, quelle que soit la distance parcourue ; que, compte tenu de la longueur de la portion d'autoroute en cause, qui n'est que d'une vingtaine de kilomètres, et du montant du tarif pratiqué, le caractère forfaitaire du péage est d'ampleur limitée ; que l'instauration d'un péage à tarification forfaitaire à Incarville, à la jonction de l'autoroute A13 et de l'autoroute A154, trouve sa justification dans des motifs d'intérêt général de fluidité du trafic et de rationalisation de l'exploitation de l'autoroute, compte tenu de la rareté des emprises foncières existantes dans le secteur qui rendraient possible l'installation de péages permettant une tarification en fonction de la distance réellement parcourue sur la portion en cause ; qu'il était loisible au contrat de concession et au cahier des charges qui y est annexé de prévoir, pour des motifs d'intérêt général, la gratuité de l'autoroute A13 entre les échangeurs situés à l'intérieur d'une même agglomération, et notamment de celle de Rouen, sans étendre cette gratuité à l'ensemble de l'autoroute ; que la différence de traitement qui existe entre les personnes qui résident à proximité des échangeurs gratuits, et peuvent ainsi les utiliser, et celles qui résident à proximité de l'échangeur d'Incarville, qui peuvent choisir d'utiliser cet échangeur en acquittant le péage de 2,10 € ou d'utiliser les échangeurs gratuits en rallongeant leur trajet, n'est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par cette tarification ; qu'il en va de même pour la différence de traitement entre les usagers de l'autoroute qui effectuent de long trajet et qui sortent temporairement de l'autoroute aux échangeurs gratuits ou à l'échangeur d'Incarville ; que la seule circonstance que le contournement de l'échangeur d'Incarville créerait des phénomènes de congestion de trafic n'est pas de nature à justifier que la gratuité qui s'applique à d'autres échangeurs de l'agglomération rouennaise soit étendue à cet échangeur ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la tarification forfaitaire pratiquée pour la section de l'autoroute A13 en cause serait contraire au principe d'égalité des usagers devant le service public et ne respecterait pas la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 25-3 de la convention du 24 mars 1995, " les taux kilométriques appliqués aux véhicules d'une même catégorie ne peuvent, sur aucun parcours, s'écarter de plus de 50 % du taux kilométrique moyen de cette catégorie... " ; qu'eu égard au montant du tarif perçu au péage d'Incarville et à la longueur totale de la portion d'autoroute concernée, le taux kilométrique moyen relatif à la section d'Incarville ne méconnaît pas cette stipulation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la commune de Val-de-Reuil n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions implicites de rejet opposées à sa demande tendant à la modification des clauses réglementaires de la concession et du cahier des charges liant l'Etat à la société des autoroutes Paris-Normandie relatives aux tarifs des péages et de l'arrêté du 29 janvier 2016 relatif aux péages applicables sur les réseaux autoroutiers concédés aux sociétés SANEF et SAPN ;

Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger l'arrêté du 27 janvier 2015 relatif aux péages autoroutiers :

8. Considérant que l'arrêté du 27 janvier 2015 relatif aux péages autoroutiers a cessé d'être applicable, en ce qui concerne les réseaux autoroutiers concédés à la société des autoroutes Paris-Normandie, à compter de l'entrée en vigueur de l'arrêté du 29 janvier 2016 relatif aux péages applicables sur les réseaux autoroutiers concédés aux sociétés SANEF et SAPN ; que les conclusions tendant à l'annulation du refus d'abroger l'arrêté du 27 janvier 2015 sont par suite dépourvues d'objet ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Val-de-Reuil, sous le n° 397327, la somme de 3 000 euros à verser à la société des autoroutes Paris-Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la société des autoroutes Paris-Normandie, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la commune de Val-de-Reuil sont rejetées.

Article 2 : La commune de Val-de-Reuil versera la somme de 3 000 euros à la société des autoroutes Paris-Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Val-de-Reuil, à la société des autoroutes Paris-Normandie et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Copie sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 397926
Date de la décision : 26/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2017, n° 397926
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:397926.20170426
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