Vu la procédure suivante :
Le préfet du Nord a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion du centre d'accueil pour demandeurs d'asile " Eole " de Lille, au besoin avec le concours de la force publique, de M. B...C...et de Mme A...C....
Par une ordonnance n° 1607012 du 25 octobre 2016, le juge des référés a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi, enregistré 8 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande du préfet du Nord ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Benabent, Jehannin, avocat de M. et Mme C...;
1. Considérant, d'une part, que selon l'article L. 744-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, les lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile " accueillent les demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile ou jusqu'à leur transfert effectif vers un autre Etat européen. Cette mission prend fin à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou à la date du transfert effectif vers un autre Etat, si sa demande relève de la compétence de cet Etat. (...) / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles les personnes s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et les personnes ayant fait l'objet d'une décision de rejet définitive peuvent être maintenues dans un lieu d'hébergement mentionné au même article L. 744-3 à titre exceptionnel et temporaire. / Lorsque, après une décision de rejet définitive, le délai de maintien dans un lieu d'hébergement mentionné audit article L. 744-3 prend fin, l'autorité administrative compétente peut, après mise en demeure restée infructueuse, demander en justice qu'il soit enjoint à cet occupant sans titre d'évacuer ce lieu. / Le quatrième alinéa du présent article est applicable aux personnes qui ont un comportement violent ou commettent des manquements graves au règlement du lieu d'hébergement. / La demande est portée devant le président du tribunal administratif, qui statue sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative et dont l'ordonnance est immédiatement exécutoire " ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, saisi par le préfet d'une demande tendant à ce que soit ordonnée l'expulsion d'un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile d'un demandeur d'asile dont la demande a été définitivement rejetée, le juge des référés du tribunal administratif y fait droit dès lors que la demande d'expulsion ne se heurte à aucune contestation sérieuse et que la libération des lieux présente un caractère d'urgence et d'utilité ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. et MmeC..., respectivement de nationalité azerbaidjanaise et ukrainienne, ont formé une demande d'asile qui a été rejetée par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 juillet 2015 ; que les recours qu'ils ont formés contre le rejet de leur demande d'asile ont été rejetés par des décisions rendues par la Cour nationale du droit d'asile le 6 janvier 2016 ; que le directeur du centre d'accueil pour demandeurs d'asile " Eole " de Lille qui les hébergeait depuis le 3 septembre 2015 a demandé aux intéressés, par lettre du 22 juin 2016, de quitter ce lieu d'hébergement ; qu'après avoir mis en demeure M. et MmeC..., le 16 août 2016, de quitter les lieux dans un délai de quinze jours, le préfet du Nord a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement des dispositions précédemment citées de l'article L. 744-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux fins d'ordonner l'expulsion des intéressés au besoin avec le concours de la force publique ; que le juge des référés, par une ordonnance du 25 octobre 2016, a enjoint à M. et Mme C...d'évacuer le logement qu'ils occupent au centre d'accueil pour demandeurs d'asile ; que les intéressés se pourvoient en cassation contre cette ordonnance ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence de disposition transitoire en disposant autrement, l'article L. 744-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entré en vigueur le lendemain de la publication au Journal officiel de la République française de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile dont il est issu ; que les dispositions de cet article sont applicables en cas de maintien dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile postérieurement à leur entrée en vigueur, et ce quelle que soit la date à laquelle a été initialement présentée la demande d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'expulsion prévue par l'article L. 744-5 n'aurait pas été applicable à M. et Mme C... au motif qu'ils avaient présenté leur demande d'asile avant l'entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2015 ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que le juge des référés a relevé, pour retenir que la mesure d'expulsion sollicitée présentait un caractère d'urgence, que le maintien dans les lieux de M. et Mme C...faisait obstacle à l'accueil de nouveaux arrivants et au bon fonctionnement du service de l'hébergement des demandeurs d'asile, alors même que le centre devait être fermé à la fin de l'année 2016 pour être aménagé en centre d'hébergement d'urgence hivernal et qu'il n'était dans cette attente que partiellement occupé ; qu'en jugeant ainsi que la mesure sollicitée présentait un caractère d'urgence, le juge des référés s'est livré, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des faits de l'espèce ;
7. Considérant, enfin, qu'en jugeant que la situation familiale de M. et Mme C... ne constituait pas une situation exceptionnelle impliquant que les autorités de l'Etat les fassent bénéficier d'un hébergement d'urgence, alors qu'ils n'ont pas vocation à en bénéficier du fait du rejet définitif de leur demande d'asile qui implique leur départ du territoire en vertu des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des référés s'est livré à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme C...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...et Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.