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31/03/2017 | FRANCE | N°403867

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 31 mars 2017, 403867


Vu la procédure suivante :

Mme A...B..., veuveC..., a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 24 juin 2015 par laquelle le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône a refusé de la rétablir dans ses droits au revenu minimum d'insertion puis au revenu de solidarité active de mars 2006 à septembre 2013. Par un jugement n° 1505626 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre et 28 décembre 2016 au secrétariat

du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B..., veuveC..., a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 24 juin 2015 par laquelle le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône a refusé de la rétablir dans ses droits au revenu minimum d'insertion puis au revenu de solidarité active de mars 2006 à septembre 2013. Par un jugement n° 1505626 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre et 28 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mars 2016 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 4 000 euros à verser à son avocat, la SCP Boré, Salve de Bruneton, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, le premier alinéa de l'article L. 134-2 du code de l'aide sociale dispose que : " Les décisions des commissions départementales sont susceptibles d'appel devant la commission centrale d'aide sociale " et le second alinéa de l'article L. 134-3 du même code prévoit que : " Les décisions de la commission centrale d'aide sociale peuvent faire l'objet d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat ". Les commissions départementales et la Commission centrale d'aide sociale revêtent ainsi le caractère de juridictions administratives.

2. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente ".

3. Le tribunal administratif de Marseille, après avoir estimé que la requête de Mme C...relevait de la compétence de la commission départementale d'aide sociale, l'a rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. En statuant ainsi, alors que, à supposer que tel soit le cas, il lui appartenait, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, de transmettre le dossier à la commission départementale d'aide sociale territorialement compétente, le tribunal a commis une erreur de droit.

4. Il suit de là que Mme C...est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l'instruction que MmeC..., dont les droits à l'allocation de revenu minimum d'insertion ont été suspendus à compter de mars 2006, a demandé au président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, qui a reçu sa demande le 26 mai 2015, de la rétablir rétroactivement dans ses droits au revenu minimum d'insertion puis au revenu de solidarité active jusqu'en septembre 2013. Une telle demande doit être regardée comme tendant au retrait de la décision par laquelle le département des Bouches-du-Rhône a suspendu les droits à l'allocation de revenu minimum d'insertion de Mme C...à compter de mars 2006.

7. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

8. Mme C...produit un courrier de la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône du 20 octobre 2008 attestant que son droit au revenu minimum d'insertion est suspendu depuis mars 2006. Il résulte de l'instruction qu'elle a formé une première réclamation auprès de la caisse contre cette suspension par un courrier de son conseil du 16 décembre 2008. Une telle circonstance révèle qu'elle avait nécessairement eu, au plus tard à cette date, connaissance de la décision de suspension. Mme C...a ainsi saisi le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de son recours plus de six ans après avoir eu connaissance de la décision attaquée. La seule circonstance que ce recours concerne son droit au revenu de minimum d'insertion ne constitue pas une circonstance particulière faisant obstacle à ce qu'il soit regardé comme présenté au-delà du délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé. Il suit de là, sans qu'y fassent obstacle les stipulations des articles 6, paragraphe 1, et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, que la demande dont Mme C...a saisi le tribunal administratif de Marseille était également tardive et doit, en conséquence, être rejetée.

9. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du département, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mars 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...à ce tribunal est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SCP Boré, Salve de Bruneton présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., veuveC..., et au département des Bouches-du-Rhône.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 403867
Date de la décision : 31/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2017, n° 403867
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:403867.20170331
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