Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 392875, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 août 2015, 24 novembre 2015 et 9 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de la propriété privée rurale (FNPPR) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-713 du 22 juillet 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 393694, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 23 septembre 2015, 23 décembre 2015 et 9 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de la propriété privée rurale (FNPPR) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 20 juillet 2015 fixant le modèle d'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricoles ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la Fédération nationale de la propriété privée Rurale et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural.
1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les interventions de la Fédération nationale des SAFER :
2. Considérant que la Fédération nationale des SAFER a intérêt au maintien du décret et de l'arrêté attaqués ; que ses interventions sont donc recevables ;
Sur la légalité du décret attaqué :
En ce qui concerne l'article 4 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les conditions de mise en oeuvre " du chapitre Ier du titre III du livre III du même code, relatif au " contrôle des structures des exploitations agricoles " ; qu'aux termes du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication./ Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département./ (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a subordonné l'application de l'ensemble des dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives au contrôle des structures issues de la loi du 13 octobre 2014 à l'entrée en vigueur des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles ;
4. Considérant que le I de l'article 4 du décret attaqué du 22 juillet 2015, pris pour l'application de la loi du 13 octobre 2014, dispose que les articles 2 et 3 de ce décret, relatifs respectivement à la procédure d'autorisation des installations, agrandissements et réunions d'exploitations agricoles et à son application aux rétrocessions opérées par les SAFER entrent en vigueur, dans chaque région, à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles ; que le II du même article dispose que : " II. - Les demandes et déclarations déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 susvisée avant la date mentionnée au I, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions déposés après cette date, demeurent... " ; qu'en subordonnant ainsi l'entrée en vigueur de ses dispositions, dans chaque région, à celle du schéma directeur régional des structures agricoles, qui, en vertu de la loi, doit être arrêté dans le délai d'un an à compter de la publication de celle-ci, le Premier ministre s'est conformé aux dispositions du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 citées ci-dessus ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu les dispositions de l'article 1er du code civil relatives à l'entrée en vigueur des dispositions législatives doit, en tout état de cause, être écarté ;
En ce qui concerne l'article R. 331-1 du code rural et de la pêche maritime :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime : " Pour l'application du présent chapitre : / 1° Est qualifié d'exploitation agricole l'ensemble des unités de production mises en valeur, directement ou indirectement, par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1 ; / 2° Est qualifié d'agrandissement d'exploitation ou de réunion d'exploitations au bénéfice d'une personne le fait, pour celle-ci, mettant en valeur une exploitation agricole à titre individuel ou dans le cadre d'une personne morale, d'accroître la superficie de cette exploitation ; la mise à disposition de biens d'un associé exploitant lors de son entrée dans une personne morale est également considérée comme un agrandissement ou une réunion d'exploitations au bénéfice de cette personne morale " ; qu'aux termes de l'article R. 331-1 du même code, tel qu'il résulte du décret attaqué : " Pour l'application des dispositions du 1° de l'article L. 331-1-1, une personne associée d'une société à objet agricole est regardée comme mettant en valeur les unités de production de cette société si elle participe aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de ces unités de production " ; que ces dispositions, qui se bornent à préciser à quelles conditions l'associé d'une société à objet agricole peut être regardé comme mettant en valeur les unités de production de la société, n'ont ni pour objet ni pour effet de soumettre au contrôle des structures une simple prise de participation financière dans une exploitation ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions réglementaires méconnaîtraient la définition de l'agrandissement d'exploitation qui figure au 2° de l'article L. 331-1-1 cité ci-dessus doit, par suite, être écarté ;
En ce qui concerne l'article R. 331-7 du code rural et de la pêche maritime :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014 : " II. - Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies : / (...) 2° Les biens sont libres de location " ; que l'article R. 331-7 du même code, dans la rédaction issue du décret attaqué, dispose que, dans cette hypothèse, " la déclaration doit être préalable à la mise en valeur des biens " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque la transmission des terres selon l'une des modalités prévues par le II de l'article L. 331-2 s'accompagne de la délivrance d'un congé au preneur en place, l'exploitant qui bénéficie de la transmission peut valablement déposer sa déclaration avant le départ effectif du preneur, cette déclaration ne prenant effet, dans ce cas, qu'après ce départ ; que la suppression, par le décret attaqué, de la disposition de l'article R. 331-7 qui prévoyait qu'en cas de reprise des biens par l'effet d'un congé le bénéficiaire devait adresser sa déclaration dans le mois qui suivait le départ effectif du preneur en place, ne fait pas obstacle à ce que le bénéficiaire d'une transmission attende le départ du preneur pour déposer sa déclaration ; que la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article R. 331-7, dans sa rédaction résultant du décret attaqué, méconnaîtrait l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme et le principe de sécurité juridique ;
En ce qui concerne le premier alinéa de l'article R. 331-14 du code rural et de la pêche maritime :
7. Considérant que l'article L. 142-2 du code rural et de la pêche maritime dispose que les opérations immobilières réalisées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) s'effectuent " sous réserve des dispositions du titre II relatives à l'aménagement foncier rural et, en ce qui concerne la rétrocession des terres et exploitations, sous réserve des dispositions des articles L. 331-1 à L. 331-16 du code rural et de la pêche maritime relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles " ; qu'aux termes du III de l'article L. 331-2 du même code : " Lorsque la mise en valeur de biens agricoles par le candidat auquel la société d'aménagement foncier et d'établissement rural entend les rétrocéder est soumise à autorisation d'exploiter en application du I, l'avis favorable donné à la rétrocession par le commissaire du Gouvernement représentant le ministre chargé de l'agriculture tient lieu de cette autorisation./ Dans ce cas, la publicité du projet de rétrocession tient lieu de la publicité prévue au premier alinéa de l'article L. 331-3./ S'il estime que, compte tenu des autres candidatures à la rétrocession ou à la mise en valeur des biens et des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, le candidat à la rétrocession ne doit pas être autorisé à exploiter les biens qu'il envisage d'acquérir, le commissaire du Gouvernement en fait expressément mention dans son avis. Cette mention tient lieu de refus de l'autorisation d'exploiter mentionnée à l'article L. 331-2 " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la rétrocession d'un bien par une SAFER est soumise à la procédure d'autorisation d'exploiter définie au I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, le commissaire du gouvernement près la SAFER examine les candidatures à la rétrocession en faisant application des critères d'autorisation définis notamment par les articles L. 312-1 et L. 331-3-1 du même code et par les textes pris pour leur application ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 331-14 du code rural et de la pêche maritime, tel qu'il résulte du décret attaqué : " Pour l'application du III de l'article L. 331-2, le commissaire du Gouvernement examine, le cas échéant avec l'appui des services départementaux compétents, la situation du candidat auquel la société d'aménagement foncier et d'établissement rural entend attribuer le bien, au regard des autres candidatures satisfaisant aux conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 142-1 et des raisons des choix opérés par le comité technique en tenant compte notamment du schéma directeur régional des exploitations agricoles concerné et des motifs de la rétrocession. / Les candidatures prioritaires justifiant les refus d'autorisation d'exploiter mentionnés au 1° de l'article L. 331-3-1 ne peuvent être issues que de la liste des demandes examinées par le comité technique et transmise au commissaire du Gouvernement... " ; que ces dispositions confient au commissaire du Gouvernement auprès de la SAFER le soin d'examiner les candidatures à la rétrocession d'un bien tant au regard des motifs de la rétrocession, compte tenu des objectifs propres de la société et du classement retenu par le comité technique départemental, qu'au regard, conformément à ce qui est indiqué au point 7, des orientations et priorités du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énoncés à l'article L. 331-3-1 ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient l'article L. 331-2 cité ci-dessus doit, par suite, être écarté ;
En ce qui concerne le troisième alinéa de l'article R. 331-14 du code rural et de la pêche maritime :
9. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles R. 331-6 et R. 331-14 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue du décret attaqué, que le délai au terme duquel le silence de l'autorité compétente fait naître une autorisation tacite d'exploiter est de quatre ou six mois à compter de l'enregistrement de la demande adressée au préfet de région dans la procédure de droit commun de contrôle des structures des exploitations agricoles, et d'un mois à compter de la réception du projet d'attribution par le commissaire du gouvernement dans le cas des rétrocessions opérées par les SAFER ; qu'en tout état de cause, le pouvoir réglementaire pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, définir des modalités d'instruction des demandes d'autorisation différentes selon que les terres que l'acquéreur ou le preneur d'un bien agricole compte exploiter lui sont cédées ou louées selon les voies de droit commun ou qu'elles lui sont rétrocédées par une SAFER ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la fédération n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris sur le fondement d'un décret illégal ;
En ce qui concerne l'article 1er du modèle d'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricoles :
12. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l'article 1er du modèle d'arrêté préfectoral annexé à l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, en donnant de la notion d'agrandissement une définition nouvelle et en distinguant différents types d'agrandissements, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération./ (...) Les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération, en fonction desquels est établi l'ordre des priorités, sont les suivants :/ (...) 1° La dimension économique et la viabilité des exploitations agricoles concernées ;/ (...) 5° Le nombre d'emplois non salariés et salariés, permanents ou saisonniers, sur les exploitations agricoles concernées " ; qu'il résulte de ces dispositions que les critères d'appréciation relatifs à la dimension économique et à la viabilité des exploitations, d'une part, et au nombre d'emplois concernés, d'autre part, sont distincts ; que par suite, l'auteur de l'arrêté attaqué ne les a pas méconnues en disposant, à l'article 1er du modèle d'arrêté préfectoral, que la dimension économique d'une exploitation devait être appréciée " au regard des superficies exploitées, des activités principales envisagées et des productions choisies ", sans faire référence au nombre d'emplois concernés ;
14. Considérant, en troisième lieu, que l'article 1er du modèle d'arrêté préfectoral définit l'agrandissement ou la réunion d'exploitations à titre indirect par une personne associée d'une société à objet agricole comme le " fait de participer dans la société aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de ces unités de production " ; que ces dispositions se bornent à reprendre celles de l'article R. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, lequel, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, n'a ni pour objet ni pour effet de soumettre au contrôle des structures une simple prise de participation financière dans une exploitation ; qu'il suit de là que la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article 1er méconnaîtrait la définition de l'agrandissement ou de la réunion d'exploitations qui figure à l'article L. 331-1-1 du même code ;
15. Considérant, en quatrième lieu, que l'article 1er du modèle d'arrêté préfectoral définit la concentration d'exploitations comme " l'adjonction d'une nouvelle unité de production, de manière directe ou indirecte, entre les mains d'une même personne, de nature à diminuer la diversité des productions et le nombre d'emplois des exploitations concernées " ; que cette définition désigne les opérations ayant pour objet la prise de contrôle d'une unité de production, y compris de manière indirecte par la voie d'une filiale ou dans le cadre d'un groupe ; que le moyen tiré de ce que cette disposition méconnaîtrait l'article L. 331-1-1 en retenant qu'une simple prise de participation serait constitutive d'une concentration doit, dès lors, être écarté ;
16. Considérant, en cinquième lieu, que l'article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime autorise le preneur à mettre à la disposition d'une société à objet principalement agricole les biens qu'il prend à bail ; qu'aux termes de l'article 1er du modèle d'arrêté préfectoral : " Lorsque le bien pris à bail est mis, par son détenteur, à disposition d'une société d'exploitation dans laquelle il est associé, il y a lieu de prendre en compte, en comparaison de situation demandeur(s)/preneur, la situation de la société " ; que ces dispositions ont pour seul objet de prévoir que lorsque les terres dont l'exploitation est soumise à autorisation sont destinées à être apportées par leur preneur à une société, c'est la situation de la société qui doit être comparée à celle des personnes ayant déposé des demandes concurrentes ; qu'elles n'ont en revanche ni pour objet, ni pour effet de faire regarder cette société comme le preneur au sens et pour l'application de l'article L. 411-37 ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elles méconnaîtraient les dispositions de cet article ;
17. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive " et que ce contrôle " a aussi pour objectifs de : / 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles " ; qu'en définissant l'installation progressive comme " toute installation faite en plusieurs étapes (durée maximale de 5 ans) conformément au projet approuvé par l'autorité administrative pour atteindre le seuil de viabilité économique requis ", l'article 1er ne méconnaît pas ces dispositions législatives ;
En ce qui concerne l'article 2 :
18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1, le schéma directeur régional des exploitations agricoles " détermine, pour répondre à l'ensemble des objectifs mentionnés à l'article L. 331-1, les orientations de la politique régionale d'adaptation des structures d'exploitations agricoles " ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que les orientations des politiques régionales, qui sont distinctes des priorités servant à classer les demandes concurrentes, devraient être hiérarchisées ; qu'ainsi, en laissant à la libre appréciation des préfets la fixation de ces orientations, et alors que l'installation d'agriculteurs figure en tant que première priorité dans les exemples d'" ordres de priorité " qui figurent à l'article 3 du modèle d'arrêté préfectoral, l'article 2 ne méconnaît pas la disposition de l'article L. 331-1 selon laquelle " l'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs " ;
En ce qui concerne l'article 3 :
19. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du modèle d'arrêté préfectoral : " compte tenu des missions d'intérêt public des SAFER, seront hors priorités :/ - les opérations SAFER qui tendent à contribuer à la réalisation de tout projet d'intérêt collectif agricole ou lié à la mise en oeuvre des politiques publiques menées, notamment, par l'Etat et les collectivités territoriales,/ - à concourir à la protection de l'environnement à travers le respect d'un cahier des charges adapté,/ - à consolider l'économie agricole du territoire en rétrocédant des biens à des agriculteurs expropriés ou à des agriculteurs privés de la totalité de leur exploitation du fait de l'exercice du droit de reprise du propriétaire " ; que ces dispositions ont pour objet d'exonérer l'autorisation des opérations des SAFER qu'elles définissent de la comparaison entre offres concurrentes au regard des priorités du schéma directeur régional, prévue par l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime ;
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée " ; que son article L. 331-2 définit les critères en fonction desquels les installations, agrandissements ou réunions d'exploitations sont soumis à autorisation et prévoit, ainsi qu'il a été dit au point 7, que lorsque la mise en valeur de biens agricoles par le candidat auquel la société d'aménagement foncier et d'établissement rural entend les rétrocéder est soumise à autorisation, l'avis favorable donné à la rétrocession par le commissaire du Gouvernement représentant le ministre chargé de l'agriculture tient lieu de cette autorisation ; qu'aux termes du III de l'article L. 312-1 du même code : " III. - Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. / Les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation sont l'installation d'agriculteurs, l'agrandissement ou la réunion d'exploitations agricoles et le maintien ou la consolidation d'exploitations agricoles existantes " ;
21. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les opérations tendant à concourir à la protection de l'environnement à travers le respect d'un cahier des charges adapté visées à l'article 3 désignent, d'une part, les rétrocessions de biens pour lesquels, en application des quatrième et cinquième alinéas de l'article R. 142-1 du code rural et de la pêche maritime, la SAFER impose aux candidats un cahier des charges prévoyant que l'attributaire est tenu au respect d'engagements visant à la mise en oeuvre de pratiques agricoles adaptées ou concourant à la protection de l'environnement ou à la mise en valeur des paysages et, d'autre part, les mises en vente de terrains dont les productions relèvent de l'agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du même code, dont l'article L. 142-5-1 prévoit que la SAFER les cède en priorité à un candidat s'engageant à poursuivre une exploitation en agriculture biologique pour une durée minimale de six ans ; que le pouvoir réglementaire a pu légalement soustraire ces deux catégories d'opérations de la comparaison avec les demandes concurrentes compte tenu de leurs finalités environnementales, qui justifient qu'elles soient désignées par principe comme prioritaires ;
22. Considérant qu'aux termes de l'article L. 352-1 du code rural et de la pêche maritime, les agriculteurs expropriés en vue de la réalisation des aménagements ou ouvrages mentionnés aux articles L. 122-1 à L. 122-3 du code de l'environnement " bénéficient d'une priorité d'attribution par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural sur l'ensemble du territoire, sauf si, devant être installés sur une exploitation entièrement différente de la précédente, ils refusent de céder au maître de l'ouvrage ou aux sociétés susmentionnées les terres dont ils restent propriétaires dans un périmètre déterminé conformément au 3° de l'article L. 142-5 " ; qu'aux termes de l'article R. 142-2 du même code : " Lorsqu'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural envisage d'affecter une exploitation acquise, créée ou restructurée à l'installation d'agriculteurs exploitant individuellement ou en commun, ceux-ci, pour bénéficier de cette installation, doivent justifier, outre les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 142-1, de leur appartenance à l'une des catégories suivantes :/ (...) c) Agriculteurs expropriés, dont le fonds a disparu ou est devenu inexploitable dans des conditions normales ; / d) Agriculteurs privés de la totalité de leur exploitation du fait de l'exercice du droit de reprise du propriétaire... " ; qu'en soustrayant de la comparaison entre demandes concurrentes les opérations de rétrocession des biens à des agriculteurs expropriés ou privés de la totalité de leur exploitation du fait de l'exercice du droit de reprise du propriétaire, l'arrêté attaqué n'a fait que tirer les conséquences de ces dispositions ;
23. Considérant que l'article 3 prévoit également que doivent être, par principe, regardées comme prioritaires les opérations des SAFER qui tendent " à la réalisation d'un projet d'intérêt collectif agricole ou lié à la mise en oeuvre des politiques publiques menées, notamment, par l'Etat et les collectivités territoriales " ; que toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ne permet de déroger pour de telles opérations, lorsqu'elles sont soumises à autorisation en application de l'article L. 331-2 du même code, à la procédure de classement des demandes concurrentes en fonction des priorités du schéma directeur régional définie à l'article L. 312-1 ; que les dispositions de l'arrêté qui exonèrent de cette procédure les opérations ainsi définies doivent, par suite, être annulées ;
En ce qui concerne l'article 5 :
24. Considérant que l'article 5 du modèle d'arrêté préfectoral dispose que les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental des opérations, prévus par l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, sont " à fixer, au niveau régional, après concertation locale " ; que le ministre de l'agriculture a pu légalement, dans le cadre de son pouvoir d'organisation des services, demander à ceux-ci d'assurer une concertation locale avant la fixation de ces critères par le schéma régional, alors même que cette concertation n'est pas prévue par des dispositions législatives ou réglementaires ; qu'il suit de là que la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions méconnaîtraient l'article R. 312-1 du même code ;
25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fédération requérante n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué qu'en tant seulement qu'il comporte à l'article 5 du modèle d'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricoles, les mots : " - les opérations SAFER qui tendent à contribuer à la réalisation de tout projet d'intérêt collectif agricole ou lié à la mise en oeuvre des politiques publiques menées, notamment, par l'Etat et les collectivités territoriales, " ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
26. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la Fédération nationale de la propriété privée rurale au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de la Fédération nationale des SAFER sont admises.
Article 2 : La requête n° 392875 de la Fédération nationale de la propriété privée rurale est rejetée.
Article 3 : A l'article 5 du modèle d'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricoles, les mots : " - les opérations SAFER qui tendent à contribuer à la réalisation de tout projet d'intérêt collectif agricole ou lié à la mise en oeuvre des politiques publiques menées, notamment, par l'Etat et les collectivités territoriales, " sont annulés.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 393694 de la Fédération nationale de la propriété privée rurale est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale de la propriété privée rurale, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à la Fédération nationale des SAFER.