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31/03/2017 | FRANCE | N°390943

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 31 mars 2017, 390943


Vu la procédure suivante :

M. D...A...C...et M. F...E...ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision implicite du haut-commissaire de la République en Polynésie française refusant de procéder d'office à la démolition de l'appartement n° 19 de la résidence Fare Miti, sur le territoire de la commune de Paea. Par un jugement n° 1300007 du 11 juin 2013, le tribunal administratif de la Polynésie française a, d'une part, annulé cette décision, d'autre part, enjoint à l'État de procéder ou de faire procéder à la démolition de cet

appartement, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jug...

Vu la procédure suivante :

M. D...A...C...et M. F...E...ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision implicite du haut-commissaire de la République en Polynésie française refusant de procéder d'office à la démolition de l'appartement n° 19 de la résidence Fare Miti, sur le territoire de la commune de Paea. Par un jugement n° 1300007 du 11 juin 2013, le tribunal administratif de la Polynésie française a, d'une part, annulé cette décision, d'autre part, enjoint à l'État de procéder ou de faire procéder à la démolition de cet appartement, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard et, enfin, condamné l'Etat à verser à MM. A...C...et E...une indemnité de 50 000 F CFP chacun.

Par un arrêt nos 13PA03214,13PA03215 du 16 avril 2015, la cour administrative d'appel de Paris, saisie par la ministre des outre-mer, a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de la Polynésie Française du 11 juin 2013 en tant qu'il a, par ses articles 2 et 3, condamné l'État à verser à MM. A...C...et E...une indemnité de 50 000 F CFP chacun et prononcé à l'encontre de l'État une astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard à l'issue du délai de trois mois à compter de la notification de la décision à intervenir pour l'exécution de l'injonction qui lui a été faite de procéder ou de faire procéder à la démolition de l'appartement en cause, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions du ministre ainsi que les conclusions incidentes de MM. A...C...etE....

Par un pourvoi et un mémoire rectificatif, enregistrés les 11 juin et 6 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des outre-mer demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il n'a prononcé qu'une annulation partielle du jugement contesté du 11 juin 2013.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 ;

- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de MM.A... C... et E...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêt du 26 avril 2001 devenu définitif, la cour d'appel de Papeete a confirmé le jugement du 27 octobre 1999 par lequel le tribunal correctionnel de Papeete avait déclaré M. B..., promoteur immobilier, coupable du délit de construction sans permis de construire, à raison de l'édification au sein d'une résidence d'un appartement supplémentaire non autorisé par le permis de construire de cette résidence, et l'a condamné à une amende de 100 000 F CFP et, à titre de peine complémentaire, à la démolition de l'appartement ; que, la sanction de démolition n'ayant pas été exécutée, M. A...C...et M.E..., copropriétaires dans la résidence, ont saisi le président de la Polynésie française d'une demande tendant à ce que celui-ci fasse procéder d'office à la démolition de l'appartement litigieux ; que ce dernier a opposé un refus à leur demande, qui est devenu définitif ; que les intéressés ont alors saisi de la même demande le haut-commissaire de la République en Polynésie française, qui l'a également rejetée ; que, par un jugement du 11 juin 2013, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé cette décision et enjoint à l'État de procéder ou de faire procéder à la démolition de l'appartement litigieux sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard et condamné l'Etat à verser à MM. A...C...et E...une indemnité de 50 000 F CFP chacun ; que, par un arrêt du 16 avril 2015, la cour administrative d'appel de Paris, saisie par la ministre des outre-mer, a annulé le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 11 juin 2013 seulement en tant qu'il avait mis une astreinte à la charge de l'État et l'avait condamné à verser une indemnité aux requérants ; que la ministre des outre-mer se pourvoit en cassation, dans cette mesure, contre cet arrêt ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française " ; qu'aucune disposition de l'article 14 ne prévoit que l'Etat est compétent en matière d'urbanisme ; qu'ainsi, la compétence dans cette matière revient à la Polynésie française sur son territoire ;

3. Considérant que, dans l'exercice de ses compétences, la Polynésie française a adopté le code de l'aménagement de la Polynésie française ; qu'aux termes de l'article D. 114-9 de ce code : " Le permis de construire est obligatoire pour tout ouvrage, qu'il soit maritime, terrestre, souterrain ou fluvial. / (...) / Le permis de construire est destiné à vérifier la cohérence de la construction projetée avec les prescriptions des plans d'aménagement, du code de l'aménagement du territoire et de ses arrêtés d'application (...) " ; que l'obligation de permis de construire instituée par ces dispositions est assortie de sanctions prévues, d'une part, à l'article D. 117-1 du même code, selon lequel : " §.1.- Est passible de 2 à 4 mois d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 à 1 000 000 de francs CFP : / - quiconque aura transgressé les dispositions des articles D. 114-6, D. 114-8, D. 114-9, D. 114-12, D. 114-14, D. 115-1 du présent code ", d'autre part, à l'article D. 117-2 du même code, selon lequel : " §.1.- Les auteurs de travaux immobiliers ou de lotissement effectués sans autorisation ou en non-conformité des autorisations accordées, pourront en outre être condamnés à la remise en état des lieux. / Cette remise en état des lieux pourra être partielle et ne concerner que la partie irrégularisable ou dangereuse des travaux effectués, et être assortie des mesures conservatoires et de confortation éventuellement nécessaires. / §.2.- Sans préjudice des sanctions édictées par la réglementation sur les permis de construire, l'interruption des travaux peut être ordonnée jusqu'au jugement définitif sur les poursuites, par décision du tribunal, statuant sur la demande de l'agent à la requête duquel sont engagées les poursuites.(....) / La décision du tribunal est exécutoire sur minute et nonobstant opposition ou appel, et l'administration prendra, s'il y a lieu, toute mesure nécessaire pour en assurer l'application immédiate, en procédant notamment à la saisie des matériaux approvisionnés et du matériel de chantier dans le cas où il appartient au maître de l'oeuvre " ;

4. Considérant que si les dispositions du § 2 de l'article D. 117-2 précité confèrent à l'administration de la Polynésie française le pouvoir de prendre toute mesure nécessaire pour assurer l'application immédiate d'une décision de justice ordonnant l'interruption de travaux jusqu'au jugement définitif sur les poursuites, ni cet article ni aucune disposition du code de l'aménagement de la Polynésie française ne prévoient que l'administration puisse faire procéder d'office à la démolition d'un ouvrage édifié sur une propriété privée alors même que cet ouvrage aurait été construit sans les autorisations requises par les dispositions précitées du code de l'aménagement de la Polynésie française et que, bien qu'ayant été condamné à procéder à cette démolition par une décision du juge pénal, le contrevenant n'aurait pas exécuté la sanction qui lui avait été infligée ;

5. Considérant que si l'Etat est, en vertu du 6° de l'article 14 de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, compétent en matière de sécurité et d'ordre publics, cette compétence ne saurait s'étendre à l'exécution d'office des travaux de démolition d'une construction édifiée sur une propriété privée alors même que la sanction de la démolition aurait été prononcée par l'autorité judiciaire ;

6. Considérant, dès lors, qu'en jugeant que c'était à bon droit que les premiers juges avaient considéré que le refus du haut-commissaire de la République en Polynésie française de mettre en oeuvre les moyens permettant d'assurer l'exécution de la sanction complémentaire de démolition de l'appartement n° 19 construit sans permis de la résidence Fare Miti sise sur le territoire de la commune de Paea, infligée à M. B...par l'arrêt du 26 avril 2001, devenu définitif, de la cour d'appel de Papeete, était illégal et devait être annulé et que cette annulation impliquait qu'il lui soit enjoint de faire procéder à cette démolition dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, dans cette mesure, être annulé ;

7. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ministre des outre-mer est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a annulé la décision par laquelle le haut-commissaire de la République en Polynésie française a refusé de faire droit à la demande de MM. A...C...et E...de procéder d'office à la démolition de l'appartement litigieux et lui a enjoint de faire procéder à cette démolition dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 avril 2015 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 11 juin 2013 est annulé en tant qu'il a annulé le refus du haut-commissaire de la République en Polynésie française de mettre en oeuvre les moyens permettant d'assurer, à la suite de l'arrêt du 26 avril 2001, devenu définitif, de la cour d'appel de Papeete, la démolition de l'appartement n° 19 construit sans permis de la résidence Fare Miti sise sur le territoire de la commune de Paea et a enjoint à cette autorité de faire procéder à la démolition dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par MM. A...C...et E...devant le tribunal administratif de la Polynésie française tendant à l'annulation du refus du haut-commissaire de la République en Polynésie française de mettre en oeuvre les moyens permettant d'assurer, à la suite de l'arrêt du 26 avril 2001, devenu définitif, de la cour d'appel de Papeete, la démolition de l'appartement n° 19 construit sans permis de la résidence Fare Miti sise sur le territoire de la commune de Paea et à enjoindre à cette autorité de faire procéder à la démolition dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des outre-mer, à M. D...

A...C...et à M. F...E....

Copie en sera adressée à la Polynésie française.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 390943
Date de la décision : 31/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

46-01-03-02-03 OUTRE-MER. DROIT APPLICABLE. LOIS ET RÈGLEMENTS (HORS STATUTS DES COLLECTIVITÉS). COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET NOUVELLE-CALÉDONIE. POLYNÉSIE FRANÇAISE. - EXÉCUTION D'UNE DÉCISION DU JUGE PÉNAL ORDONNANT LA DÉMOLITION D'UN OUVRAGE ILLÉGALEMENT CONSTRUIT - 1) POUVOIR DE L'ADMINISTRATION DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE DE FAIRE PROCÉDER D'OFFICE À LA DÉMOLITION - ABSENCE - 2) POUVOIR DE L'ETAT DE FAIRE PROCÉDER D'OFFICE À LA DÉMOLITION SUR LE FONDEMENT DE SA COMPÉTENCE EN MATIÈRE D'ORDRE PUBLIC - ABSENCE.

46-01-03-02-03 1) Si les dispositions du § 2 de l'article D. 117-2 du code de l'aménagement de la Polynésie française confèrent à l'administration de la Polynésie française le pouvoir de prendre toute mesure nécessaire pour assurer l'application immédiate d'une décision de justice ordonnant l'interruption de travaux jusqu'au jugement définitif sur les poursuites, ni cet article ni aucune disposition du code de l'aménagement de Polynésie française ne prévoient que l'administration puisse faire procéder d'office à la démolition d'un ouvrage édifié sur une propriété privée alors même que cet ouvrage aurait été construit sans les autorisations requises par le code de l'aménagement de la Polynésie française et que, bien qu'ayant été condamné à procéder à cette démolition par une décision du juge pénal, le contrevenant n'aurait pas exécuté la sanction qui lui avait été infligée.,,,2) Si l'Etat est, en vertu du 6° de l'article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, compétent en matière de sécurité et d'ordre publics, cette compétence ne saurait s'étendre à l'exécution d'office des travaux de démolition d'une construction édifiée sur une propriété privée alors même que la sanction de la démolition aurait été prononcée par l'autorité judiciaire.


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2017, n° 390943
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP LEDUC, VIGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:390943.20170331
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