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20/03/2017 | FRANCE | N°400183

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 20 mars 2017, 400183


Vu la procédure suivante :

L'association syndicale autorisée du canal de Gap a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société Immo Gap Invest de procéder, dans un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance, sous astreinte de 400 euros par jour de retard, à la remise en état de la canalisation en acier haute pression appartenant à la requérante ainsi qu'à son dévoiement sous son contrôle technique et la maîtrise d'oeuvre d'un

bureau d'étude. Par une ordonnance n° 1603152 du 10 mai 2016, le juge de...

Vu la procédure suivante :

L'association syndicale autorisée du canal de Gap a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société Immo Gap Invest de procéder, dans un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance, sous astreinte de 400 euros par jour de retard, à la remise en état de la canalisation en acier haute pression appartenant à la requérante ainsi qu'à son dévoiement sous son contrôle technique et la maîtrise d'oeuvre d'un bureau d'étude. Par une ordonnance n° 1603152 du 10 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande ainsi que les conclusions reconventionnelles de la société Immo Gap Invest tendant à ce que soit constatée l'emprise irrégulière constituée par la présence de la canalisation en cause et à ce qu'il soit enjoint à l'association syndicale autorisée du canal de Gap de procéder à ses frais à son dévoiement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai, 8 juin et 30 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association syndicale autorisée du canal de Gap demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la société Immo Gap Invest une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'association syndicale du canal de Gap, et à la SCP Hemery, Thomas-Raquin, avocat de la société Immo Gap invest ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Immo Gap Invest a obtenu le 8 septembre 2014 un permis d'aménager un terrain situé dans la commune de la Fressinouse dans le département des Hautes-Alpes pour réaliser un lotissement de 17 lots ; qu'à l'occasion de travaux de terrassement menés par le propriétaire d'un des lots, une canalisation appartenant à l'association syndicale autorisée du canal de Gap a été découverte ; que la société a demandé à l'association syndicale l'autorisation de déplacer cette canalisation ; que l'association syndicale a autorisé le dévoiement de la canalisation en indiquant que la société prendrait en charge la dépense correspondante ; que la société a refusé de prendre en charge les travaux correspondants en faisant valoir que l'association syndicale avait communiqué des plans inexacts au moment de la délivrance du permis d'aménager ; que la société a fait procéder à la dépose de la canalisation sans procéder à son dévoiement ; que l'association syndicale a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'enjoindre à la société, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de procéder aux travaux de remise en état et de dévoiement de la canalisation ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 10 mai 2016 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ;

3. Considérant que, pour rejeter la demande de l'association syndicale autorisée du canal de Gap tendant à ce que la société Immo Gap Invest assure les travaux permettant de rétablir la canalisation et son dévoiement, le juge des référés a jugé qu'elle se heurtait à une contestation sérieuse résultant de l'inexactitude des plans initiaux portés à la connaissance de la société ; qu'en se fondant sur un tel motif, qui est susceptible de fonder une action en responsabilité de la société contre l'association syndicale mais ne l'autorisait pas à s'opposer à une mesure de rétablissement d'un ouvrage public détruit sans autorisation, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son ordonnance doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

5. Considérant qu'en vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, les associations syndicales autorisées sont des établissements publics à caractère administratif ; qu'en vertu de l'article 3 de cette même ordonnance, les droits et obligations qui résultent de la constitution d'une association syndicale autorisée sont attachés aux immeubles compris dans le périmètre de l'association et les suivent, en quelque main qu'ils passent, jusqu'à la dissolution de l'association ou la réduction de son périmètre ; qu'en vertu des dispositions combinées de l'article L. 152-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 28 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 précitée, une servitude est instituée au profit des associations syndicales autorisées leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines sous les terrains privés non bâtis ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association syndicale autorisée du canal de Gap a notamment pour but d'assurer la livraison d'eau aux membres adhérents de l'association pour l'irrigation ; que, contrairement à ce que soutient la société, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un bulletin d'adhésion signé par l'ancien propriétaire du terrain le 2 décembre 1962, que la canalisation d'irrigation litigieuse a été établie régulièrement sur le terrain acquis par la société Immo Gap Invest ; que cette dernière a détruit cet ouvrage public sans autorisation et n'a pas procédé à son déplacement ; qu'en l'absence de rétablissement de cette canalisation pendant la période hivernale, l'irrigation des terrains se trouvant dans le périmètre de l'Association syndicale autorisée pourrait se trouver compromise ; que la remise en état de cette canalisation par son dévoiement revêt un caractère d'utilité et d'urgence ;

7. Considérant que la circonstance que l'association syndicale aurait fourni des renseignements erronés sur les canalisations présentes sur le terrain de la société Immo Gap Invest ne fait pas obstacle à ce que le rétablissement de la partie de la canalisation détruite sans autorisation soit ordonné en référé ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à la société Immo Gap Invest, de mener les travaux de dévoiement de la canalisation litigieuse pour rétablir la partie de canalisation que la société a détruite sans autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte de 400 euros par jour de retard ; qu'il y a lieu, en revanche, de rejeter les conclusions de la société Immo Gap Invest tendant à ce que l'association syndicale procède à l'enlèvement des canalisations présentes sur son terrain ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Immo Gap Invest une somme de 3 000 euros à verser à l'association syndicale autorisée du canal de Gap au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association requérante qui n'est pas, dans présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 10 mai 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la société Immo Gap Invest de procéder aux travaux de dévoiement de la canalisation appartenant à l'association syndicale autorisée du canal de Gap pour rétablir la partie de canalisation que la société a détruite sans autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte de 400 euros par jour de retard.

Article 3 : La société Immo Gap Invest versera à l'association syndicale autorisée du canal de Gap une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Immo Gap Invest sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association syndicale autorisée du canal de Gap et à la société Immo Gap Invest.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 400183
Date de la décision : 20/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2017, n° 400183
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:400183.20170320
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