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17/03/2017 | FRANCE | N°390592

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 17 mars 2017, 390592


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1102808 du 25 février 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14VE01542 du 31 mars 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a partiellement fait droit à l'appel formé par Mme A...co

ntre ce jugement en la déchargeant d'une partie des cotisations supplémentai...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1102808 du 25 février 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14VE01542 du 31 mars 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a partiellement fait droit à l'appel formé par Mme A...contre ce jugement en la déchargeant d'une partie des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er juin 2015 et 22 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 3 de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme B...A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mises à la charge de Mme A...pour les années 2005 et 2006, au titre de revenus regardés comme distribués à la suite d'une vérification de la comptabilité de la SARL Délice Time dont elle était associée et qui exploite deux restaurants à Paris. L'administration a écarté la comptabilité de la SARL et a procédé à la reconstitution de ses recettes, puis, faisant application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, a considéré comme des bénéfices distribués à Mme A...la moitié des suppléments de recettes ainsi déterminés. La cour administrative d'appel de Versailles a prononcé une réduction partielle de ces cotisations, à proportion de la déduction des résultats de la SARL Délice Time, par voie de compensation d'assiette, de charges d'exploitation qui n'avaient pas été comptabilisées, correspondant à des frais d'assurance pour un montant de 488,47 euros en 2006 et des loyers pour des montants de 5 600 euros en 2005 et de 3 500 euros en 2006. Le ministre se pourvoit en cassation contre cet arrêt, en tant qu'il a accepté ces déductions. Mme A...a introduit un pourvoi incident contestant cet arrêt en tant que la cour ne l'a pas intégralement déchargée des impositions litigieuses.

Sur le pourvoi du ministre :

2. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Selon le premier alinéa de l'article 110 de ce code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". En vertu du 1 de l'article 39 du même code, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) ".

3. Même si l'administration n'a, pour l'application des dispositions citées au point 2, regardé comme des revenus distribués que les seules omissions de recettes résultant de l'exploitation de la SARL Délice Time, sans majorer ces revenus des charges déclarées de la SARL dont elle avait refusé la déductibilité, il était loisible à Mme A...d'apporter la preuve que d'autres charges résultant de cette exploitation, qui n'avaient pas, à tort, été comptabilisées, devaient être prises en compte pour déterminer le montant du bénéfice net réputé distribué. Par suite, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces qui lui étaient soumises, n'a pas commis d'erreur de droit en faisant droit à la demande de déduction de charges non comptabilisées pour la détermination du montant des revenus distribués des années 2005 et 2006. Il en résulte que le pourvoi du ministre doit être rejeté.

Sur le pourvoi incident :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir écarté la comptabilité de la SARL Délice Time, l'administration a reconstitué ses recettes des exercices 2005 et 2006 en opérant la moyenne d'une première reconstitution fondée sur l'application à ses achats revendus du coefficient multiplicateur observé en 2003, d'une deuxième reconstitution fondée sur ses recettes encaissées par carte bancaire auxquelles l'administration a appliqué des coefficients représentatifs de la part de ses recettes encaissées en espèces et de ses autres recettes par rapport aux recettes encaissées par carte bancaire, telle qu'observée sur un échantillon de justificatifs de ses recettes journalières totales pour la période du 25 octobre au 20 novembre 2007, et d'une troisième reconstitution fondée sur les achats de vins de la société, auxquels elle a appliqué les prix constatés au cours de la vérification de comptabilité pour déterminer les recettes correspondant aux ventes de vins, avant d'appliquer à ces recettes, pour évaluer le chiffre d'affaires total de la société, un coefficient déterminé en fonction de la part des boissons dans le chiffre d'affaires total du restaurant évaluée d'après le même échantillon de justificatifs des recettes journalières.

5. La cour, qui a suffisamment motivé son arrêt dès lors qu'elle n'était pas tenue de répondre à tous les arguments de la requérante, concernant notamment la nature du commerce exploité et la divergence de résultats entre les trois méthodes de reconstitution utilisées par l'administration, n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis et qu'elle a souverainement appréciés en estimant, d'une part, que la canicule du mois d'août 2003 n'avait pas eu un impact déterminant sur les conditions d'exploitation de la SARL Délice Time, qui soutenait que cet évènement climatique avait renchéri le coût de certains de ces achats et, d'autre part, en refusant de reconnaître, au motif que l'échantillon avait été fourni par la société elle-même, le caractère excessivement sommaire des méthodes de reconstitution utilisées par l'administration.

6. En deuxième lieu, en ne faisant que partiellement droit à la demande de déduction du bénéfice regardé comme distribué de charges de loyer en 2005 et 2006 et en refusant la déduction de charges d'électricité pour les mêmes années, alors que Mme A...produisait des relevés de compte bancaires de la SARL Délice Time permettant de procéder à des rapprochements avec les factures d'électricité et les quittances de loyer correspondant à l'exploitation du restaurant " Casimodo ", la cour a dénaturé les faits qui lui étaient soumis. En revanche, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la partie du bénéfice regardé comme distribué afférente aux droits de voirie acquittés par la SARL Délice Time correspondait à des charges comptabilisées par cette SARL que l'administration avait, dans un premier temps, refusé de regarder comme déductibles pour, ensuite, abandonner le redressement en cause. La cour n'a donc pas dénaturé les faits en refusant de faire droit, à concurrence de ce dernier montant, à la demande de réduction du bénéfice regardé comme distribué à MmeA....

7. En dernier lieu, le moyen invoqué par Mme A...et tiré de qu'elle n'avait pas signé le document la désignant comme bénéficiaire des revenus distribués, qui émanait de l'avocat de la SARL Délice Time, n'a pas été soulevé devant la cour administrative d'appel de Versailles. Il n'est pas d'ordre public. Par suite, il ne peut être utilement invoqué devant le juge de cassation.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a refusé la déduction de charges d'électricité et de loyer au titre de 2005 et 2006 pour lesquelles elle avait produit des pièces justificatives devant la cour.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 31 mars 2015 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il refuse la déduction du bénéfice regardé comme distribué des charges d'électricité et d'une partie des charges de loyer au titre de 2005 et 2006.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Le pourvoi du ministre et le surplus du pourvoi incident de Mme A... sont rejetés.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à Mme B...A....


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 390592
Date de la décision : 17/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2017, n° 390592
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:390592.20170317
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