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22/02/2017 | FRANCE | N°401137

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 22 février 2017, 401137


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er juillet et 29 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale nationale des exploitations frigorifiques (USNEF), l'Union nationale du transport frigorifique (UNTF), l'Union des entreprises de transport et de logistique de France (TLF), Transfrigoroute France et les sociétés Centrale d'entreposage frigorifique (CEF), Entrepôt frigorifique des Monts d'Or (EFMO), ESL, Etoile Routière, Financière Saint Louis, Frigorifique de Moulins, FRIMOR, FRIPACK, G7 Inves

tissement, Guidez, Hepner, Le Calvez Surgelés, Magasins Généraux...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er juillet et 29 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale nationale des exploitations frigorifiques (USNEF), l'Union nationale du transport frigorifique (UNTF), l'Union des entreprises de transport et de logistique de France (TLF), Transfrigoroute France et les sociétés Centrale d'entreposage frigorifique (CEF), Entrepôt frigorifique des Monts d'Or (EFMO), ESL, Etoile Routière, Financière Saint Louis, Frigorifique de Moulins, FRIMOR, FRIPACK, G7 Investissement, Guidez, Hepner, Le Calvez Surgelés, Magasins Généraux de Béziers, NORFRIGO, SOFRICA, STEF Logistique, STG, TGC, Transports Dumont, TVE Logistique et XPO Supply Chain France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 3 du décret du 6 mai 2016 modifiant le décret n° 2010-1725 du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article 266 quinquies C du code des douanes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code des douanes ;

- la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

- le décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 ;

- le décret n° 2010-1725 du 30 décembre 2010 ;

- le décret n° 2016-158 du 18 février 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a remplacé la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité instituée par l'article 266 quinquies C du code des douanes par une taxe dénommée " contribution au service public de l'électricité ", dont le tarif est, en application du B du 8 de cet article, en principe égal à 22,5 euros par mégawattheure. Le a du C de cet article prévoit, toutefois, que " les personnes qui exploitent des installations industrielles électro-intensives au sens où, au niveau de l'entreprise ou de ses sites, le montant de la taxe qui aurait été due en application du B, sans application des exonérations et exemptions, est au moins égal à 0,5 % de la valeur ajoutée " bénéficient de tarifs réduits, fixés à 2 euros, 5 euros ou 7,5 euros par mégawattheure selon la consommation d'électricité du site par euro de valeur ajoutée.

2. Pour l'application de ces dispositions, l'article 3 du décret attaqué du 6 mai 2016 a notamment modifié l'article 2 du décret du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article 266 quinquies C du code des douanes, qui prévoit désormais, en son premier alinéa, que : " Pour l'application du a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, on entend par " installation industrielle " une unité technique fixe au sein de laquelle sont effectuées une ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises ainsi que toute autre activité s'y rapportant directement, exercée sur le même site et techniquement liée à ces activités ".

3. Les sociétés requérantes, qui exercent une activité de transport ou d'entreposage frigorifique, ainsi que les quatre groupements professionnels requérants, qui ont pour objet de défendre les intérêts de ce secteur, lequel ne relève pas des sections B à E de l'annexe au décret du 26 décembre 2007 mentionné par ces dispositions, demandent l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions citées au point précédent en tant qu'elles excluent les installations affectées à l'entreposage et au transport frigorifique du bénéfice des tarifs réduits.

Sur l'intervention :

4. La Fédération nationale des transports routiers et les sociétés Nicot Frigorifiques, Entrepôt Frigorifique Armoricain, SOFRILOG Trappes et Complexe Frigorifique Agricole justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de la disposition, issue du décret du 6 mai 2016, citée au point 2 ci-dessus. Ainsi, leur intervention est recevable.

Sur la régularité de la procédure au terme de laquelle a été pris le décret attaqué :

5. Aux termes du dernier alinéa de l'article 266 quinquies C du code des douanes, dans sa rédaction applicable au litige : " Un décret détermine (...) les modalités du contrôle et de la destination de l'électricité et de son affectation aux usages mentionnés aux 4 à 6 et au C du 8 ". Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte de ces dispositions que la détermination des secteurs d'activité auxquels doivent être affectées les installations électro-intensives pour bénéficier des tarifs réduits de contribution au service public de l'électricité ne relève pas d'un décret en Conseil d'Etat mais d'un décret simple. En outre, le décret attaqué ne procède à la modification que du décret du 30 décembre 2010, qui est un décret simple, et non, contrairement à ce qui est soutenu, du décret en Conseil d'Etat du 18 février 2016, relatif à la compensation des charges de service public de l'énergie. Le moyen tiré du défaut de consultation du Conseil d'Etat doit donc être écarté.

Sur la légalité interne des dispositions contestées :

6. En premier lieu, les requérants soutiennent que le décret attaqué a soumis le bénéfice des tarifs réduits de contribution au service public de l'électricité à des conditions que la loi ne prévoit pas en excluant les installations affectées à certaines activités, telles que l'entreposage et le transport frigorifique, qui auraient dû, selon elle, être regardées comme industrielles. Les activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises, que mentionnent les dispositions contestées, sont, aux termes de ce décret, les activités des industries extractives (section B), de l'industrie manufacturière (section C), de production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné (section D) ainsi que de production et distribution d'eau, d'assainissement, de gestion des déchets et de dépollution (section E). En prévoyant que seules les installations électro-intensives affectées à ces activités ouvrent droit au bénéfice des tarifs réduits, et en excluant ainsi notamment les activités de transport et d'entreposage, y compris frigorifique, qui relèvent de la section H de l'annexe à ce décret, les dispositions contestées ont fait une exacte application de l'article 266 quinquies C du code des douanes. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait restreint illégalement le champ d'application de la loi doit donc être écarté. Dans ces conditions, les requérants ne sauraient utilement soutenir, sans remettre en cause la distinction opérée par la loi entre les installations industrielles et les autres installations, que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité.

7. En second lieu, l'article 11, paragraphe 4, de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité ferait, selon les requérants, obstacle à ce que le bénéfice des tarifs réduits de contribution au service public de l'électricité soit limité au secteur industriel. Cette directive prévoit, notamment en son article 5, que les Etats membres peuvent différencier dans certains cas les taux de taxation de l'électricité. Le paragraphe 4 de son article 11 dispose que : " Les Etats membres peuvent limiter le champ d'application du niveau réduit de taxation à la consommation professionnelle ". Les requérants en déduisent que la loi ne pouvait, sans méconnaître cette directive, limiter le bénéfice d'un tarif réduit d'une taxe sur l'électricité, telle que la contribution au service public de l'électricité, à certains secteurs d'activités seulement parmi les consommateurs professionnels.

8. Toutefois, l'article 17 de cette directive prévoit, au a) de son paragraphe 1, que, pour autant que les niveaux minima de taxation qu'elle prévoit soient respectés, ce qui n'est pas contesté, les Etats membres peuvent appliquer des réductions des tarifs des taxes sur l'électricité " en faveur des entreprises grandes consommatrices d'énergie ", lesquelles sont définies comme toute entreprise " dont les achats de produits énergétiques et d'électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production ou pour laquelle le montant total des taxes énergétiques nationales dues est d'au moins 0,5 % de la valeur ajoutée ". L'article 266 quinquies C du code des douanes cité au point 1, en mentionnant les entreprises pour lesquelles le montant de la taxe qui aurait été due en application du tarif de droit commun est au moins égal à 0,5 % de la valeur ajoutée, a retenu la seconde définition résultant de ces dispositions. Or, le a) du paragraphe 1 de l'article 17 de la directive ajoute que : " Dans le cadre de cette définition, les Etats membres peuvent appliquer des critères plus restrictifs, tels que des définitions du chiffre d'affaires, du procédé et du secteur industriel ". Il résulte de ces dispositions claires qu'en limitant au secteur industriel le bénéfice des tarifs réduits, l'article 266 quinquies C du code des douanes s'est borné à faire usage de la faculté ouverte par ces dispositions. Le moyen doit, par suite, être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le ministre en défense, que la requête doit être rejetée. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au bénéfice des requérants et, en tout état de cause, des intervenants. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement à l'Etat d'une somme au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la Fédération nationale des transports routiers et des sociétés Nicot Frigorifiques, Entrepôt Frigorifique Armoricain, SOFRILOG Trappes et Complexe Frigorifique Agricole est admise.

Article 2 : La requête est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le ministre de l'économie et des finances et par les intervenants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée, pour l'ensemble des requérants, à l'Union syndicale nationale des exploitations frigorifiques, première dénommée, pour l'ensemble des intervenants, à la Fédération nationale des transports routiers, première dénommée, au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 401137
Date de la décision : 22/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2017, n° 401137
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:401137.20170222
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