Vu la procédure suivante :
La société en nom collectif (SNC) Invest OM 103 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française la décharge partielle, à hauteur d'une somme de 2 738 861 francs CFP, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des quatrièmes trimestres 2007, 2008, 2009, 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1300440, 1300441 du 28 janvier 2014, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14PA01821 du 22 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire rectificatif et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mars, 22 juin et 20 juillet 2016 et le 17 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SNC Invest OM 103 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la SNC Invest OM 103 et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Présidence de la Polynésie française ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 janvier 2017, présentée par la SNC Invest OM 103 ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Invest OM 103 a entendu réaliser des investissements productifs neufs outre-mer, en vue de bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts. A cette fin, elle aurait acquis auprès de deux fournisseurs polynésiens divers matériels de perliculture, qu'elle a ensuite loués à la société Dream Pearls et à M.A.... La société a obtenu le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ces biens au titre des années 2007 à 2010, au vu des factures établies par les deux fournisseurs. L'administration fiscale, ayant estimé que ces factures présentaient un caractère fictif, a remis en cause le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée obtenu par la société et notifié à cette dernière les rappels de taxe correspondants, en les assortissant de la pénalité pour manoeuvres frauduleuses. La société Invest OM 103 se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 janvier 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait relevé à l'encontre du jugement du 28 janvier 2014 du tribunal administratif de la Polynésie française, rejetant ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe ainsi mis à sa charge, et des pénalités afférentes.
2. En premier lieu, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, l'obligation qui lui est ensuite faite de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés à l'occasion d'une vérification de comptabilité concernant une autre société, mais par cette dernière, il appartient à l'administration fiscale, d'une part, d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure d'en demander communication à ce tiers et, d'autre part, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de cette autre société.
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a, d'une part, relevé que l'administration avait indiqué à la société requérante avoir pris connaissance, à l'occasion des vérifications de comptabilité dont ont fait l'objet les deux fournisseurs auprès desquels elle aurait acquis les matériels neufs en cause, de documents comptables et de relevés bancaires qui ne faisaient apparaître aucune opération effectuée avec la société requérante. D'autre part, elle a précisé que l'administration fiscale ne détenait pas ces documents. En déduisant de ces constatations, non arguées de dénaturation, que la société requérante avait été informée de l'origine et de la teneur précise des renseignements ainsi utilisés et, par suite, que la procédure n'était pas entachée d'irrégularité, la cour n'a pas, contrairement à ce que soutient le pourvoi, commis d'erreur de droit.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (...) est assuré par la recette des impôts, assistée, pour les subdivisions autres que celle des îles du Vent, des agents spéciaux et des comptables subordonnés du Trésor. Une convention entre la Polynésie française et le Trésor public réglera les modalités d'intervention de ces comptables ". C'est sans erreur de droit que la cour a jugé que la convention mentionnée dans les dispositions précitées était relative aux modalités d'organisation administrative des services fiscaux et, dès lors, qu'elle était sans incidence sur la régularité des avis de mise en recouvrement litigieux.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation. (...) ". L'article 345-10 du même code dispose : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures. ". Enfin, aux termes de l'article 345-15 du même code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / (...) lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.
7. La cour a d'abord relevé que l'administration faisait valoir que les factures présentées par la société Invest OM 103 et établies par les fournisseurs, inscrits au registre du commerce et des sociétés et assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, pour les achats litigieux étaient incomplètes et imprécises et, ainsi qu'il a été dit au point 3, que les documents consultés chez ces fournisseurs ne permettaient pas d'établir la réalité des opérations ayant donné lieu à ces factures. La cour administrative d'appel a estimé que, ce faisant, l'administration apportait des éléments suffisants permettant de penser qu'il s'agissait de factures fictives. Ensuite, la cour a examiné l'ensemble des éléments avancés par la société requérante pour démontrer la réalité de cette opération et jugé qu'ils ne suffisaient pas à établir la réalité des versements en cause. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier, sur lesquels elle a porté une appréciation souveraine, ni entaché son arrêt d'erreur de droit tant au regard des dispositions précitées du code des impôts de la Polynésie française qu'au regard des règles d'administration de la preuve, lesquelles n'imposent pas à l'administration d'aller constater, chez les locataires, l'inexistence des biens matériels mentionnés par les factures litigieuses.
8. En quatrième lieu, aux termes du 1 de l'article 511-5 du code des impôts de la Polynésie française : " Lorsque la déclaration mentionnée à l'article 511-4 fait apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'un des impôts prévus au code des impôts insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 511-1 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie, ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ".
9. Un contribuable se livre à des opérations constitutives de manoeuvres frauduleuses, au sens de l'article 511-5 du code des impôts de la Polynésie française, s'il a non seulement méconnu les obligations prévues par le code des impôts de la Polynésie française, en vue d'éluder l'impôt, mais aussi commis des actes ou participé à des agissements ayant pour objet d'égarer l'administration ou de restreindre son pouvoir de contrôle.
10. La cour administrative d'appel a relevé qu'il résultait de l'instruction que les opérations d'acquisition en cause étaient revêtues d'une apparence de réalité destinée à égarer l'administration fiscale et à permettre à la société d'obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée fictivement facturée par ses fournisseurs. En déduisant de ces énonciations que la société Invest OM 103 avait participé à un montage qui justifiait que l'administration fiscale polynésienne assortisse les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause du droit au remboursement de la majoration de 80% prévue à l'article 511-5 du code des impôts de la Polynésie française, la cour administrative d'appel n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
11. Il résulte de ce tout ce qui précède que la société Invest OM 103 n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Invest OM 103 la somme de 3 000 euros, à verser à la Polynésie française au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SNC Invest OM 103 est rejeté.
Article 2 : La SNC Invest OM 103 versera à la Polynésie française une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SNC Invest OM 103 et à Polynésie française.
Copie en sera adressée pour information à la ministre des outre-mer.