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22/02/2017 | FRANCE | N°393100

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 22 février 2017, 393100


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 11 avril 2014 refusant de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par un jugement n° 1401655 du 7 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA101731 du 16 avril 2015, la cour administrati

ve d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par Mme B...contre ce jugement....

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 11 avril 2014 refusant de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par un jugement n° 1401655 du 7 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA101731 du 16 avril 2015, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par Mme B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er septembre et 1er décembre 2015 et 11 octobre 2016, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme B...;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante tunisienne, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", qui lui avait été délivré à la suite de son mariage, transcrit dans les registres de l'état-civil, avec un ressortissant français ; que le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à cette demande par un arrêté en date du 11 avril 2014 au motif que la communauté de vie avait cessé entre l'intéressée et son époux ; que, par un arrêt du 16 avril 2015 contre lequel Mme B...se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " " ; qu'en vertu de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à 1'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / 1 a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé (...) " ; que l'article 11 de cet accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation " ;

3. Considérant que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues du 7° de l'article 17 de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, telles qu'éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu créer un droit particulier au séjour au profit des personnes victimes de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune avec leur conjoint de nationalité française ; que la circonstance que l'article 10 de l'accord franco-tunisien ne prévoit pas le cas des personnes pour lesquelles la communauté de vie a été rompue, pour le motif évoqué ci-dessus, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit en jugeant que, eu égard aux stipulations de l'accord franco-tunisien, le préfet de la Seine-Maritime n'avait pas, lors de l'examen de sa demande de renouvellement de titre de séjour, à tenir compte des violences que Mme B...affirmait avoir subies de la part de son conjoint et ayant conduit à la rupture de leur vie commune ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans la présente instance ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à cette société ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Douai du 16 avril 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme B..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 393100
Date de la décision : 22/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-01-02 ÉTRANGERS. SÉJOUR DES ÉTRANGERS. TEXTES APPLICABLES. CONVENTIONS INTERNATIONALES. - ACCORD FRANCO-TUNISIEN DU 17 MARS 1988 - APPLICATION DE L'ARTICLE L. 313-12 DU CESEDA - EXISTENCE [RJ1].

335-01-01-02 L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord ou qu'elles sont nécessaires à sa mise en oeuvre.,,,Par l'article L. 313-12 du CESEDA, le législateur a entendu créer un droit particulier au séjour au profit des personnes victimes de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune avec leur conjoint de nationalité française. La circonstance que l'article 10 de l'accord franco-tunisien ne prévoit pas le cas des personnes pour lesquelles la communauté de vie a été rompue, pour le motif évoqué ci-dessus, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 313-12 du CESEDA.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant de l'accord franco-marocain, CE, 24 mai 2006, Mme El Kird épouse Margaillan, n° 275087, aux Tables sur un autre point. Comp., s'agissant de l'accord franco-algérien, CE, 30 juin 2016, Mme,, n° 391489, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2017, n° 393100
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:393100.20170222
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