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22/02/2017 | FRANCE | N°392226

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 22 février 2017, 392226


Vu la procédure suivante :

La société Findim Group a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'ordonner la restitution des retenues à la source prélevées, au titre des années 2003, 2004, 2005 et 2007, sur les dividendes de source française qu'elle a perçus. Par une ordonnance n° 0905539 du 18 septembre 2013, le président du tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2007 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

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Vu la procédure suivante :

La société Findim Group a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'ordonner la restitution des retenues à la source prélevées, au titre des années 2003, 2004, 2005 et 2007, sur les dividendes de source française qu'elle a perçus. Par une ordonnance n° 0905539 du 18 septembre 2013, le président du tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2007 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 13VE03373 du 27 mai 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté comme irrecevable la demande de la société Findim Group tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2003 à 2005 et ordonné aux services fiscaux de rembourser à la société Findim Group les retenues à la source versées pour les dividendes de sa filiale Cogifrance au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005 pour les montants respectifs de 44 092,50 euros, 83 775,75 euros et 56 438,40 euros avec intérêts de droit.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 juillet 2015 et 8 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes (aff. 196/04), et du 14 décembre 2006, Sté Denkavit Internationaal BV (C-170/05) ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Findim Group ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Findim Group, société de droit luxembourgeois, a perçu, au cours des années 2003 à 2007, des dividendes de la part de la société française Cogifrance, dont elle était actionnaire. Ces dividendes ont été soumis à une retenue à la source en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts. Par une réclamation formée le 29 décembre 2008, la société Findim Group a sollicité la restitution des sommes acquittées au titre de cette retenue à la source. L'administration a fait droit à cette réclamation en ce qui concerne les sommes acquittées au titre des années 2006 et 2007. S'agissant du surplus, elle a estimé que la réclamation était tardive et, par suite, irrecevable. Cette position a été confirmée par une ordonnance rendue le 18 septembre 2013 par le président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Montreuil. Toutefois, par l'arrêt attaqué du 27 mai 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a censuré l'ordonnance du tribunal administratif pour irrégularité et accordé à la société Findim Group la décharge des impositions restant en litige.

2. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la date de la réclamation présentée par la société Findim Group : " Les réclamations relatives aux impôts (...) de toute nature (...) relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à (...) à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure (...). Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle (...), l'action en restitution (...) ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la période précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu (...) sont considérés comme des décisions juridictionnelles (...) les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant sur (...) une question préjudicielle ". Aux termes de l'article R.°196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) c. de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...).".Seules les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l'Union européenne, retenant une interprétation du droit de l'Union européenne qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application de l'article R.°196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L.°190 du même livre.

3. D'une part, par son arrêt du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal BV (C-170/05), la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que la liberté d'établissement s'opposait à une législation nationale prévoyant, pour les seules sociétés non résidentes, une imposition par voie de retenue à la source des dividendes distribués par des filiales résidentes, dès lors que la société mère ne peut procéder à l'imputation de cet impôt sur celui qu'elle doit à son Etat de résidence.

4. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de cette même cour, notamment de son arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes (C-196/04), qu'exerce son droit d'établissement le ressortissant d'un Etat membre qui détient dans le capital d'une société établie dans un autre Etat membre une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d'en déterminer les activités. Pour déterminer si une participation présente ce caractère, il y a lieu de se fonder non seulement sur le pourcentage de cette participation et des droits de vote qu'elle confère, mais également sur tout autre élément pertinent, tel que la répartition du solde du capital social et des droits de vote attachés, la représentation au sein des organes de gouvernance et les liens entretenus entre eux par les différents actionnaires.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la société Findim Group détenait, directement et indirectement, 19,03 % en 2003, 18,99 % en 2004 et 18,92 % en 2005 du capital de la société Cogifrance et occupait un siège à son conseil d'administration, le capital social était détenu, au cours des mêmes années, à plus de 76 % par la société compagnie financière Saint-Honoré. En déduisant des seules circonstances tirées du taux de la participation qu'elle détenait dans le capital de la société Cogifrance et de sa présence au conseil d'administration de cette société que la société Findim Group exerçait une influence certaine sur les décisions de la société Cogifrance lui permettant d'en déterminer les activités, au sens de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, sans tenir compte de la détention par un autre actionnaire de la majorité du capital social de cette société, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 27 mai 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Findim Group au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Findim Group.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392226
Date de la décision : 22/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - LIBERTÉS DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES - EXERCICE DE SON DROIT D'ÉTABLISSEMENT PAR LE RESSORTISSANT D'UN ETAT MEMBRE - CONDITION - DÉTENTION - DANS LE CAPITAL SOCIAL D'UNE SOCIÉTÉ ÉTABLIE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE - D'UNE PARTICIPATION LUI CONFÉRANT UNE INFLUENCE CERTAINE SUR LES DÉCISIONS DE LA SOCIÉTÉ - 1) ELÉMENTS PERMETTANT D'APPRÉCIER SI UNE PARTICIPATION REVÊT CE CARACTÈRE - 2) ESPÈCE - SOCIÉTÉ B DÉTENANT LA MAJORITÉ DU CAPITAL SOCIAL D'UNE SOCIÉTÉ C - ABSENCE DE DÉTENTION PAR LA SOCIÉTÉ A D'UNE PARTICIPATION LUI CONFÉRANT UNE INFLUENCE CERTAINE SUR LES DÉCISIONS DE LA SOCIÉTÉ C.

15-05-01-01-02 1) Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice, notamment de son arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes (C-196/04), qu'exerce son droit d'établissement le ressortissant d'un Etat membre qui détient dans le capital d'une société établie dans un autre Etat membre une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d'en déterminer les activités. Pour déterminer si une participation présente ce caractère, il y a lieu de se fonder non seulement sur le pourcentage de cette participation et des droits de vote qu'elle confère, mais également sur tout autre élément pertinent, tel que la répartition du solde du capital social et des droits de vote attachés, la représentation au sein des organes de gouvernance et les liens entretenus entre eux par les différents actionnaires.,,,2) Société A détenant, directement et indirectement, 19,03 % en 2003, 18,99 % en 2004 et 18,92 % en 2005 du capital d'une société C et occupant un siège à son conseil d'administration, le capital social étant cependant détenu, au cours des mêmes années, à plus de 76 % par la société B. En déduisant des seules circonstances tirées du taux de la participation détenu par la société A dans le capital de la société C et de sa présence au conseil d'administration de cette société que la société A exerçait une influence certaine sur les décisions de la société C lui permettant d'en déterminer les activités, au sens de la jurisprudence de la Cour de justice, sans tenir compte de la détention par un autre actionnaire de la majorité du capital social de cette société, la cour a commis une erreur de droit.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔTS ET PRÉLÈVEMENTS DIVERS SUR LES BÉNÉFICES - RETENUE À LA SOURCE SUR LES BÉNÉFICES DISTRIBUÉS PAR DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES À DES PERSONNES ÉTABLIES HORS DE FRANCE (ART - 119 BIS - 2 DU CGI) - EXERCICE PAR LA SOCIÉTÉ BÉNÉFICIAIRE DE CES BÉNÉFICES DISTRIBUÉS DE SON DROIT D'ÉTABLISSEMENT - CONDITION - DÉTENTION - DANS LE CAPITAL SOCIAL D'UNE SOCIÉTÉ ÉTABLIE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE - D'UNE PARTICIPATION LUI CONFÉRANT UNE INFLUENCE CERTAINE SUR LES DÉCISIONS DE LA SOCIÉTÉ - 1) ELÉMENTS PERMETTANT D'APPRÉCIER SI UNE PARTICIPATION REVÊT CE CARACTÈRE - 2) ESPÈCE - SOCIÉTÉ B DÉTENANT LA MAJORITÉ DU CAPITAL SOCIAL D'UNE SOCIÉTÉ C - ABSENCE DE DÉTENTION PAR LA SOCIÉTÉ A D'UNE PARTICIPATION LUI CONFÉRANT UNE INFLUENCE CERTAINE SUR LES DÉCISIONS DE LA SOCIÉTÉ C.

19-04-01-05 1) Par son arrêt du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal BV (C-170/05), la Cour de justice a jugé que la liberté d'établissement s'opposait à une législation nationale prévoyant, pour les seules sociétés non résidentes, une imposition par voie de retenue à la source des dividendes distribués par des filiales résidentes, dès lors que la société mère ne peut procéder à l'imputation de cet impôt sur celui qu'elle doit à son Etat de résidence.,,,Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice, notamment de son arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes (C-196/04), qu'exerce son droit d'établissement le ressortissant d'un Etat membre qui détient dans le capital d'une société établie dans un autre Etat membre une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d'en déterminer les activités. Pour déterminer si une participation présente ce caractère, il y a lieu de se fonder non seulement sur le pourcentage de cette participation et des droits de vote qu'elle confère, mais également sur tout autre élément pertinent, tel que la répartition du solde du capital social et des droits de vote attachés, la représentation au sein des organes de gouvernance et les liens entretenus entre eux par les différents actionnaires.,,,2) Société A détenant, directement et indirectement, 19,03 % en 2003, 18,99 % en 2004 et 18,92 % en 2005 du capital d'une société C et occupant un siège à son conseil d'administration, le capital social étant cependant détenu, au cours des mêmes années, à plus de 76 % par la société B. En déduisant des seules circonstances tirées du taux de la participation détenu par la société A dans le capital de la société C et de sa présence au conseil d'administration de cette société que la société A exerçait une influence certaine sur les décisions de la société C lui permettant d'en déterminer les activités, au sens de la jurisprudence de la Cour de justice, sans tenir compte de la détention par un autre actionnaire de la majorité du capital social de cette société, la cour a commis une erreur de droit.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2017, n° 392226
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:392226.20170222
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