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10/02/2017 | FRANCE | N°396193

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 10 février 2017, 396193


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la caisse d'allocations familiales de Paris a rejeté son recours gracieux formé le 23 juillet 2014 contre la décision du 26 juin 2014 lui notifiant sa fin de droit au revenu de solidarité active (RSA), d'enjoindre à cette caisse de rétablir son droit au RSA et de lui verser les sommes dues depuis février 2014 ainsi qu'une somme de 927,70 euros. Par un jugement n° 1429782 du 13 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.>
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la caisse d'allocations familiales de Paris a rejeté son recours gracieux formé le 23 juillet 2014 contre la décision du 26 juin 2014 lui notifiant sa fin de droit au revenu de solidarité active (RSA), d'enjoindre à cette caisse de rétablir son droit au RSA et de lui verser les sommes dues depuis février 2014 ainsi qu'une somme de 927,70 euros. Par un jugement n° 1429782 du 13 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 13 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2015 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du département de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, l'article R. 262-37 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Le bénéficiaire de l'allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l'un ou l'autre de ces éléments ". Aux termes de l'article R. 262-83 de ce code : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active ainsi que les membres du foyer sont tenus de produire, à la demande de l'organisme chargé du service de la prestation et au moins une fois par an, toute pièce justificative nécessaire au contrôle des conditions d'ouverture de droit, en particulier au contrôle des ressources, notamment les bulletins de salaire. En cas de non-présentation des pièces demandées, il est fait application des dispositions de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale. / Les organismes peuvent se dispenser de la demande mentionnée au premier alinéa lorsqu'ils sont en mesure d'effectuer des contrôles par d'autres moyens mis à leur disposition et en particulier lorsqu'ils peuvent obtenir auprès des personnes morales compétentes les informations en cause par transmission électronique de données ". Aux termes de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable : " Les organismes de sécurité sociale demandent, pour le service d'une prestation ou le contrôle de sa régularité, toutes pièces justificatives utiles (...) pour apprécier les conditions du droit à la prestation, notamment la production d'avis d'imposition ou de déclarations déposées auprès des administrations fiscales compétentes. Les organismes peuvent se dispenser de ces demandes lorsqu'ils sont en mesure d'effectuer des contrôles par d'autres moyens mis à leur disposition / (...) / Sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée. (...) ". Enfin, il résulte de la combinaison des articles L. 262-38 et R. 262-40 du code de l'action sociale et des familles que le président du conseil général procède à la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active au terme de la durée de suspension du versement décidée en vertu du 2° de l'article R. 262-68.

2. Il ressort des pièces du dossier soumises au juge du fond qu'après avoir constaté une différence entre ses revenus déclarés auprès de l'administration fiscale pour l'année 2012 et ses ressources déclarées trimestriellement aux fins de liquidation du revenu de solidarité active, la caisse d'allocations familiales de Paris, par des courriers des 16 novembre 2013, 4 février 2014 et 14 avril 2014, a demandé à MmeB..., bénéficiaire du revenu de solidarité active depuis mars 2012, de fournir des justificatifs de ses revenus et, en particulier, de la somme de 4 948 euros qu'elle avait déclarée comme une " pension " auprès de l'administration fiscale. Dès lors que la requérante n'a fourni aucun document relatif à sa situation personnelle en réponse aux courriers de la caisse d'allocations familiales de Paris, que son avis d'imposition pour 2012 constituait l'une des pièces susceptibles de justifier de ses revenus, comme cela lui était demandé, et qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la caisse disposait déjà de cette pièce, le tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en relevant que les justificatifs de ressources qui lui avaient été demandés, " et notamment son avis d'imposition ", n'avaient pas été reçus par la caisse, et n'étaient pas non plus préalablement en sa possession.

3. En deuxième lieu, si le jugement attaqué fait état de la " pension alimentaire versée par ses parents à hauteur de 4 948 euros ", il se borne ainsi à reprendre la mention qui résultait de la déclaration fiscale de MmeB.... Il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que, ce faisant, le tribunal administratif de Paris ait entendu exclure que tout ou partie de cette somme ait pu correspondre à l'évaluation d'avantages qu'elle aurait perçus en nature et qu'il aurait ainsi dénaturé les faits de l'espèce.

4. En troisième lieu, l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " (...) L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment : (...) 2° Les modalités d'évaluation des ressources, y compris les avantages en nature. L'avantage en nature lié à la disposition d'un logement à titre gratuit est déterminé de manière forfaitaire ; (...) 4° Les prestations et aides sociales qui ne sont pas incluses dans le calcul des ressources à raison de leur finalité sociale particulière (...) ". Le premier alinéa de l'article R. 262-6 du même code précise, en outre, que : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux ". L'article R. 262-9 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : " Les avantages en nature procurés par un logement occupé soit par son propriétaire ne bénéficiant pas d'aide personnelle au logement, soit, à titre gratuit, par les membres du foyer, sont évalués mensuellement et de manière forfaitaire : / 1° A 12 % du montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 applicable à un foyer composé d'une seule personne ; (...) / Les avantages en nature procurés par un jardin exploité à usage privatif ne sont pas pris en compte ". Enfin, aux termes de l'article R. 262-11 de ce code : " Pour l'application de l'article R. 262-6, il n'est pas tenu compte : (...) 14° Des aides et secours financiers dont le montant ou la périodicité n'ont pas de caractère régulier ainsi que des aides et secours affectés à des dépenses concourant à l'insertion du bénéficiaire et de sa famille, notamment dans les domaines du logement, des transports, de l'éducation et de la formation (...) ".

5. D'une part, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que les avantages en nature que reçoivent les bénéficiaires du revenu de solidarité active doivent être intégrés dans les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l'allocation à laquelle ils peuvent prétendre, à l'exclusion de l'usage privatif d'un jardin. Si la fourniture d'un logement à titre gratuit doit être évaluée sur la base forfaitaire prévue par l'article R. 262-9 du code de l'action sociale et des familles, les autres avantages en nature, en l'absence de dispositions réglementaires prévoyant un mode d'évaluation forfaitaire, doivent être évalués sur la base de leur valeur réelle. D'autre part, les aides apportées par des proches ne sauraient être assimilées ni à des " aides et secours financiers dont le montant ou la périodicité n'ont pas de caractère régulier ", ni à des " aides et secours affectés à des dépenses concourant à l'insertion du bénéficiaire et de sa famille, notamment dans les domaines du logement, des transports, de l'éducation et de la formation " au sens du 14° de l'article R. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, lequel vise, en application du 4° de l'article L. 262-3 du même code, des prestations et aides sociales à finalité sociale particulière. Par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en jugeant que l'autorité administrative avait pu, à bon droit, tenir compte, pour le calcul de ses droits au revenu de solidarité active, de la somme qu'elle avait fiscalement déclarée comme une pension alimentaire versée par ses parents, quand bien même tout ou partie de cette somme correspondait à l'évaluation d'avantages qu'elle avait perçus en nature.

6. En quatrième lieu, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le juge du fond a commis une erreur de droit en relevant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire n° DGCS/MS/2010/64 du 6 avril 2010 du ministre de la jeunesse et des solidarités actives, qu'elle ne pouvait utilement se prévaloir des termes d'une circulaire ministérielle pour contester l'application de ces dispositions législatives et réglementaires.

7. Enfin, le moyen tiré de ce que l'inapplication de cette circulaire ministérielle méconnaîtrait les stipulations combinées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention, ainsi que le principe de sécurité juridique, par les différences de traitement qu'elle pourrait entraîner, n'a pas été soulevé devant le tribunal administratif de Paris et n'est pas d'ordre public. Par suite, il ne peut être utilement invoqué devant le juge de cassation.

8. Il résulte de tout ce qui précède Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au département de Paris.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 396193
Date de la décision : 10/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 fév. 2017, n° 396193
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:396193.20170210
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