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08/02/2017 | FRANCE | N°384366

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 08 février 2017, 384366


Vu la procédure suivante :

L'association des praticiens de la clinique Saint-Amé a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2008, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2003 à 2007, des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004, 2005 et 2006, et de la taxe professionnelle à laquelle el

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Vu la procédure suivante :

L'association des praticiens de la clinique Saint-Amé a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2008, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2003 à 2007, des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004, 2005 et 2006, et de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1000803, 1204598 du 7 février 2013, le tribunal administratif de Lille l'a déchargée de la pénalité de 40 % dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2007, et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 13DA00544 du 8 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Douai, a rejeté l'appel formé par l'association contre ce jugement et a fait droit à l'appel incident du ministre de l'économie et des finances en substituant aux majorations pour mauvaise foi dont avaient été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du même code.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 8 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des praticiens de la clinique Saint-Amé demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'association des praticiens de la clinique Saint-Amé ;

Considérant ce qui suit :

Sur l'étendue du litige :

1. Par une décision du 1er septembre 2016, postérieure à l'introduction du pourvoi, l'administration a prononcé le dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour les exercices 2006 et 2007 mis à la charge de l'association des praticiens de la Clinique Saint-Amé, ainsi que des pénalités correspondantes. Les conclusions du pourvoi relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions du pourvoi :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 261 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée : " (...) 7. (...) / 1° (...) / b. Les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient (...) ". Aux termes du 1 bis de l'article 206 du même code dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, sont exonérées de l'impôt sur les sociétés : " (...) les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros (...) ". Aux termes de l'article 223 septies du même code, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle. Aux termes de l'article 1447 du même code dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / II. Toutefois, la taxe n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa ".

3. Il résulte de ces dispositions que les associations sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors, d'une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, que les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération lui est acquise si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre. Les associations sont exonérées de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et de la taxe professionnelle dès lors que leur gestion présente un caractère désintéressé et que la part de leurs activités non lucratives est prépondérante.

4. D'une part, après avoir rappelé que l'association requérante, dont le caractère désintéressé de la gestion n'est pas contesté, a notamment pour objet la prestation de services administratifs relatifs à la collecte et à la distribution des honoraires des praticiens de la clinique, à la gestion des comptes bancaires sur lesquels sont déposés ces fonds et à la tenue de la comptabilité de ces opérations, que ces prestations ont pour contrepartie une redevance de 2,99 % prélevée sur les honoraires des praticiens, et que les prestations administratives servies par l'association pourraient être confiées à des organismes tiers contre rémunération, la cour a relevé par une appréciation souveraine exempte de dénaturation qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'elle exercerait son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, et que, ne disposant pas de salarié, elle avait mandaté la clinique Saint-Amé à qui elle reversait le montant de la redevance collectée pour effectuer elle-même ces prestations. En déduisant de ces éléments que l'association devait être assujettie aux impôts commerciaux dès lors que son activité de prestation de services, dont une part était confiée à une société tierce conformément à ses statuts, devait être regardée comme étant rendue dans un secteur concurrentiel et qu'étant rémunérée par le prélèvement d'une redevance elle revêtait un caractère lucratif, la cour n'a pas donné aux faits une qualification juridique erronée.

5. D'autre part, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'instruction 4H-5-98 du 15 septembre 1998 ne donne pas une interprétation différente de la loi fiscale en matière d'exonération des impôts commerciaux des associations.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 261 B du code général des impôts : " Les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti sont exonérés de cette taxe à la condition qu'ils concourent directement ou exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'exonération qu'elles prévoient s'applique seulement aux services rendus par un groupement qui concourent à l'activité économique exonérée de taxe sur la valeur ajoutée des adhérents de ce groupement ou à une activité pour laquelle ils n'ont pas la qualité d'assujetti et ne s'étend pas aux services personnels rendus à ces adhérents sans rapport avec une activité économique exercée par eux en cette qualité.

7. En jugeant que la redevance forfaitaire versée à l'association en contrepartie de ses activités, qui ont la nature de prestations de services personnels rendus aux praticiens de la clinique au titre du suivi administratif et comptable de leur activité, et qui ne peuvent être regardées comme des accessoires indissociables de l'hospitalisation des patients et comme entrant dans l'opération globale d'hospitalisation, devait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

8. En dernier lieu, le moyen tiré par l'association de ce que la cour a méconnu les dispositions combinées des articles 256 et 267 du code général des impôts en jugeant qu'elle était passible de la taxe sur la valeur ajoutée sur la redevance de 2,99 % prélevée sur les honoraires des praticiens est nouveau en cassation et, par suite, inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre, que le surplus des conclusions du pourvoi de l'association doit être rejeté.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à l'association des praticiens de la clinique Saint-Amé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions du pourvoi de l'association des praticiens de la clinique Saint-Amé tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour les exercices 2006 et 2007.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'association des praticiens de la clinique Saint-Amé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l'association des praticiens de la clinique Saint-Amé est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association des praticiens de la Clinique Saint-Amé et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 384366
Date de la décision : 08/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2017, n° 384366
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:384366.20170208
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