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01/02/2017 | FRANCE | N°391060

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 01 février 2017, 391060


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistrés les 16 juin 2015, 11 août 2015, 5 janvier 2016 et 17 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la confédération générale du travail (CGT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-444 du 17 avril 2015 modifiant les articles D. 4153-30 et D. 4153-31 du code du travail ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 d

u code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Cons...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistrés les 16 juin 2015, 11 août 2015, 5 janvier 2016 et 17 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la confédération générale du travail (CGT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-444 du 17 avril 2015 modifiant les articles D. 4153-30 et D. 4153-31 du code du travail ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;

- la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs des 8 et 9 décembre 1989 ;

- la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 ;

- la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la confédération générale du travail (CGT) ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4153-8 du code du travail : " Il est interdit d'employer des travailleurs de moins de dix-huit ans à certaines catégories de travaux les exposant à des risques pour leur santé, leur sécurité, leur moralité ou excédant leurs forces. / Ces catégories de travaux sont déterminées par voie réglementaire " ; qu'aux termes de l'article L. 4153-9 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4153-8, les travailleurs de moins de dix-huit ans ne peuvent être employés à certaines catégories de travaux mentionnés à ce même article que sous certaines conditions déterminées par voie réglementaire " ; qu'en application de ces dispositions, le décret du 17 avril 2015 modifiant les articles D. 4153-30 et D. 4153-31 du code du travail a modifié les règles applicables aux travaux temporaires en hauteur exécutés par des jeunes travailleurs ; que la présente requête, par laquelle la confédération générale du travail (CGT) demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret, doit être regardée comme en demandant l'annulation en tant qu'il introduit, à l'article D. 4153-30 du code du travail, des dérogations à cette interdiction ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Considérant que la CGT soutient que le décret attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédé de l'étude d'impact prévue par les circulaires du Premier ministre du 17 février 2011 et du 17 juillet 2013 relatives à la simplification des normes ; que, toutefois, ces circulaires se bornant à fixer des orientations générales pour le travail gouvernemental, le requérant ne saurait utilement invoquer leur méconnaissance ;

Sur la légalité interne des dispositions attaquées :

3. Considérant qu'aux termes de l'article D. 4153-30, dans sa rédaction issue du décret attaqué : " I. - Il est interdit d'affecter les jeunes à des travaux temporaires en hauteur lorsque la prévention du risque de chute de hauteur n'est pas assurée par des mesures de protection collective. / II. - Il peut être dérogé, pour l'utilisation d'échelles, d'escabeaux et de marchepieds, à l'interdiction mentionnée au I, dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article R. 4323-63. / III. - Il peut être dérogé, pour les travaux nécessitant l'utilisation d'équipements de protection individuelle, à l'interdiction mentionnée au I, dans les conditions et selon les modalités prévues à la section III du présent chapitre et à l'article R. 4323-61. Cette dérogation est précédée, tant au sein des établissements mentionnés à l'article R. 4153-38 qu'en milieu professionnel, de la mise en oeuvre des informations et formations prévues par les articles R. 4323-104 à R. 4323-106 " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'en introduisant des dérogations à l'interdiction d'affecter des jeunes travailleurs à des travaux en hauteur, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe, fixé par les articles L. 4153-8 et L. 4153-9 du code du travail, selon lesquels l'interdiction d'emploi des jeunes de moins de dix-huit ans à des travaux pouvant être dangereux pour eux est la règle et la dérogation l'exception ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que ces dispositions sont sans incidence sur les procédures qui s'imposent à l'employeur lorsqu'il entend affecter un jeune travailleur à des travaux en hauteur ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que la nouvelle procédure de déclaration applicable à ces travaux, introduite par le décret n° 2015-443 du 17 avril 2015 relatif à la procédure de dérogation prévue à l'article L. 4153-9 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans serait moins protectrice que celle existant antérieurement et méconnaîtrait le principe constitutionnel de protection de la santé, les objectifs de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail et de la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail, les dispositions de l'article 32 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, celles de l'article 19 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et celles de l'article 10 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 sont inopérants ;

6. Considérant que si le syndicat requérant soutient que la dérogation introduite par le décret attaqué à l'interdiction d'employer des jeunes travailleurs à des travaux dangereux n'est ni justifiée ni suffisamment limitée, il n'assortit pas cette allégation des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CGT n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions du décret du 17 avril 2015 qu'elle attaque ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la confédération générale du travail est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la confédération générale du travail, au Premier ministre et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 391060
Date de la décision : 01/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 2017, n° 391060
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Pannier
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:391060.20170201
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