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27/01/2017 | FRANCE | N°393185

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 27 janvier 2017, 393185


Vu la procédure suivante :

Le 22 décembre 2011, la société Central Garage a demandé au tribunal administratif de Lyon de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2005 au 31 janvier 2009, ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. Par un jugement n° 1108063 du 22 janvier 2013, le tribunal administratif a rejeté la demande de la société.

Par un arrêt n° 13LY00438 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'a

ppel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un po...

Vu la procédure suivante :

Le 22 décembre 2011, la société Central Garage a demandé au tribunal administratif de Lyon de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2005 au 31 janvier 2009, ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. Par un jugement n° 1108063 du 22 janvier 2013, le tribunal administratif a rejeté la demande de la société.

Par un arrêt n° 13LY00438 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 septembre et 4 décembre 2015 et le 19 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Central Garage demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la société Central Garage (SAS) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Central Garage, qui exerce une activité de négoce de véhicules automobiles neufs et d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2005 au 31 janvier 2009. S'agissant de la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006, l'administration a estimé que la société Central Garage ne pouvait pas être qualifiée d'intermédiaire transparent entre la société Proservice TGNA, établie en Espagne, et les clients finaux dans des opérations d'achat-revente de véhicules d'occasion, mais devait être regardée comme ayant personnellement acquis ces véhicules pour les revendre. S'agissant de la période du 1er octobre 2006 au 31 janvier 2009, l'administration a estimé que la société Proservice TGNA ne pouvait pas appliquer le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux opérations de vente de véhicules à la société Central Garage et, par suite, que cette dernière ne pouvait pas non plus appliquer ce même régime d'imposition aux opérations de vente subséquentes de ces véhicules. En conséquence, l'administration a soumis l'ensemble des opérations de vente de véhicules d'occasion réalisées par la société Central Garage à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total et appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts ainsi que l'amende de 5 % pour défaut de déclaration de la taxe due prévue par l'article 1788 A du même code. La société Central Garage a demandé au tribunal administratif de Lyon de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités auxquels elle a été assujettie. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative de Lyon du 2 juillet 2015 rejetant son appel contre le jugement du tribunal administratif du 22 janvier 2013 qui a rejeté sa demande.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la régularité du jugement du tribunal administratif :

2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un mémoire en réplique présenté le 7 janvier 2013, soit postérieurement à la clôture de l'instruction devant le tribunal administratif, qui a été visé sans être analysé ni soumis au débat contradictoire, la société Central Garage a produit une copie d'un jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 29 août 2012, dont elle n'avait reçu copie que le jour même, relaxant son président-directeur général, M. A... B..., des chefs de poursuite pour fraude au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période de décembre 2007 à janvier 2009, sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts, au motif qu'" au vu des éléments du dossier et des débats, (...) la preuve de [sa] culpabilité (...) n'était pas établie ".

4. Alors même que ce jugement du tribunal de grande instance n'était pas revêtu à l'égard du juge de l'impôt, eu égard à sa motivation, de l'autorité absolue de la chose jugée, il constituait une circonstance nouvelle dont la société requérante ne pouvait faire état avant la clôture de l'instruction et qui était susceptible d'exercer une influence sur le jugement du litige soumis au tribunal administratif au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 janvier 2009. Le tribunal administratif ne pouvait donc régulièrement statuer sans rouvrir l'instruction et, après l'avoir analysé et soumis au débat contradictoire, tenir compte de ce jugement. En jugeant régulière la procédure suivie en première instance pour le règlement du litige relatif à la période du 1er octobre 2006 au 31 janvier 2009, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

5. Par suite, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et sur la pénalité pour manquement délibéré dus au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 janvier 2009.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende de 5% dus au titre de la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006 :

6. Aux termes du III de l'article 256 bis du code général des impôts : " Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / (...) b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : / Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné (...) au III de l'article 256 bis (...) ".

7. Pour juger qu'elle devait être regardée comme un négociant ayant personnellement acquis les véhicules d'occasion auprès de la société Proservice TGNA et en déduire qu'en vertu des dispositions précitées du code général des impôts, elle était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total de ces véhicules, la cour administrative d'appel, après avoir indiqué qu'elle ne produisait ni mandat de la société Proservice TGNA, ni les conditions générales de vente auxquelles faisaient référence les bons de réservation souscrits par les clients, a relevé que la société requérante ne se bornait pas à une activité d'entremise, mais assurait également le convoyage des véhicules et la prise en charge des frais de réparation, de nettoyage et d'établissement des cartes grises, qu'elle encaissait les prix payés par les clients avant d'en reverser le montant à la société Proservice TGNA avant même la livraison des véhicules et qu'elle facturait à la société Proservice TGNA une commission fixe sur chaque vente. Toutefois, assurer le convoyage des véhicules et rendre d'autres prestations annexes n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité d'intermédiaire transparent. En outre, ni la circonstance que la société Central Garage encaissait les prix payés par les clients et les reversait intégralement à la société Proservice TGNA avant même la livraison des véhicules, ni le fait qu'elle percevait de cette dernière une commission fixe sur chaque vente de véhicules ne pouvaient être regardés par la cour comme des indices que l'activité de la société n'était pas celle d'un intermédiaire transparent. Par suite, en déduisant des éléments qu'elle avait relevés que la société Central Garage devait être regardée comme un négociant ayant personnellement acquis les véhicules d'occasion auprès de la société Proservice TGNA, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

8. Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi dirigés contre ces motifs, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et sur l'amende de 5 % dus au titre de la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Central Garage est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Central Garage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 2 juillet 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : L'Etat versera à la société Central Garage la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Central Garage et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 393185
Date de la décision : 27/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 2017, n° 393185
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:393185.20170127
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