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02/07/2015 | FRANCE | N°13LY00438

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 13LY00438


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013 au greffe de la Cour, présentée pour la SAS Central Garage, dont le siège est 4 Cours de Verdun à Oyonnax (01100), représentée par son président-directeur général en exercice, par Me Ciaudo, avocat ;

la SAS Central Garage demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1108063 du 22 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2005 au 31 janvier 2009, d

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Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013 au greffe de la Cour, présentée pour la SAS Central Garage, dont le siège est 4 Cours de Verdun à Oyonnax (01100), représentée par son président-directeur général en exercice, par Me Ciaudo, avocat ;

la SAS Central Garage demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1108063 du 22 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2005 au 31 janvier 2009, des pénalités y afférentes et de l'amende prévue à l'article 1788 A 4. du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ainsi que des pénalités et de l'amende y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le juge de première instance aurait manqué à son devoir de loyauté et fait preuve de partialité car elle a adressé par télécopie le jugement de relaxe du chef de fraude fiscale de M.B..., son gérant, qui ne lui a été délivré que le 7 janvier 2013, soit la veille de l'audience ; que le Tribunal n'en a pas tenu compte alors qu'il aurait dû le prendre en compte s'agissant d'une circonstance de fait qu'elle ne pouvait produire avant la clôture de l'instruction et, par suite, ré-ouvrir l'instruction pour soumettre cet élément au débat contradictoire ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause sa qualité d'intermédiaire transparent au titre de la période du 1er octobre 2005 au 31 janvier 2009 et, par suite, lui a refusé le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 259 A 6° du code général des impôts sur les commissions qu'elle a versées ; ses fournisseurs communautaires lui ont indiqué leur numéro d'identification ; elle a effectivement exercé son activité en tant que mandataire transparent dès lors qu'elle n'a jamais été propriétaire des véhicules en cause, que les factures étaient établies aux noms des clients français et directement réglées par ces derniers en même temps que le coût du transport et de réparation de ces véhicules, qui leur était facturé au centime près ; en ne l'informant pas, alors qu'elle a pratiqué un abus de droit rampant, de la possibilité de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit, l'administration a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application du régime de taxation de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; elle était en droit d'appliquer ce régime prévu par l'article 297 A du code général des impôts car elle a agi en qualité de négociant en véhicules d'occasion et a acquis ces véhicules auprès d'un autre assujetti-revendeur qui était lui-même soumis à ce régime d'imposition ; l'administration ne démontre pas qu'elle ne pouvait pas ignorer l'absence de qualité d'assujetti-revendeur de ses fournisseurs et aurait été ainsi de connivence avec ces derniers ; elle n'a aucun lien avec les sociétés espagnoles auprès desquelles elle acquiert les véhicules en cause ; les factures d'achat ne permettaient pas d'attirer son attention sur une éventuelle irrégularité de ses fournisseurs ; les documents d'immatriculation ne permettaient pas de contredire les mentions portées sur les factures émises par ses fournisseurs car elle ne connaissait pas le dernier utilisateur du véhicule en cause, n'était en possession des documents de circulation que lors de l'établissement du quitus fiscal, soit postérieurement au règlement de la facture et ces documents de circulation, qui n'établissent pas le propriétaire desdits véhicules, ne permettent pas de déterminer le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable ; sa connaissance de l'origine allemande des véhicules et son adhésion à l'association Addema n'établissent pas qu'elle aurait eu connaissance de participer à un réseau frauduleux ; l'affirmation selon laquelle elle avait connaissance du régime de taxe sur la valeur ajouté appliqué par les fournisseurs allemands est purement gratuite ; il n'est pas établi que ses fournisseurs espagnols n'avaient pas d'activité réelle ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée car l'administration n'établit pas sa mauvaise foi ; elle ne peut se fonder ni sur la vérification dont elle a fait l'objet pour la période du 1er octobre 1998 au 30 juin 2001 dont il est résulté des impositions qui ont été déchargées par un avis de dégrèvement du 24 mai 2007 et qui a donné lieu à une ordonnance de non-lieu à statuer par la présente Cour le 27 juin 2007 ni sur la vérification relative à la période du 1er juillet 2001 au 30 avril 2004, l'administration ayant abandonné en totalité les rectifications proposées ; ces errements de l'administration sont contraires aux principes communautaires de confiance légitime et de sécurité juridique et, en outre, elle a pu croire que l'ordonnance du juge lui donnait une information vraisemblable sur son régime d'imposition ;

- l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 A du code général des impôts n'est pas fondée car elle a effectivement agi en qualité de mandataire transparent ;

- le juge pénal ayant reconnu la bonne foi de son gérant par jugement correctionnel du Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 29 août 2012, qui est devenu définitif faute d'appel de l'administration, et est, dès lors, revêtu de l'autorité de la chose jugée ; ce jugement s'oppose ainsi à ce que soit établie de sa part une connivence frauduleuse ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; il conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- le moyen tiré d'une irrégularité de la procédure pour défaut d'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit être écarté car l'administration en remettant en cause la qualité d'intermédiaire transparent de la société central Garage n'a pas invoqué un abus de droit ;

- c'est à bon droit que l'administration a remis en cause, au titre de la période du 1er octobre 2005 au 30 novembre 2006, la qualité de mandataire transparent, au sens de l'article 259 A-6° du code général des impôts, de la société Central Garage lui permettant de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur les opérations réalisées à ce titre ; la société Central Garage ne doit pas en effet être regardée comme un intermédiaire transparent mais comme agissant, en son nom, en tant qu'acheteur-revendeur de véhicules facturés par la société espagnole Proservice ;

- c'est à bon droit que l'administration a remis en cause, au titre de la période du 9 novembre 2006 au 31 janvier 2009, le régime de la marge appliqué aux opérations de vente de véhicules réalisées par la société Central Garage et a imposé ces opérations sur le prix de vente total en application de l'article 256 bis I. 1° du code général des impôts ; d'une part, il résulte des informations obtenues dans le cadre de l'assistance administrative mise en oeuvre auprès des Autorités espagnoles et allemandes, que la société espagnole Proservice TGNA a acquis les véhicules en cause auprès de la société allemande Jochen Scharf GmbH à l'enseigne " Autoplaza ", laquelle s'était systématiquement placée sous le régime de la sixième directive ; d'autre part, l'administration a réuni un faisceau d'indices concordants dont il résulte que la société Central Garage ne pouvait ignorer que le régime de la marge bénéficiaire n'était pas applicable lors de la revente des véhicules en France ;

- la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la décision de dégrèvement du 24 mai 2007, relative à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er octobre 1998 au 30 juin 2001, dès lors qu'elle ne constitue pas une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; elle ne peut davantage utilement se prévaloir de la lettre n° 3926 du 10 avril 2007 dont il résulte que l'administration a décidé d'abandonner les rectifications opérées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er juillet 2001 au 30 avril 2004 ;

- la société requérante ne peut se prévaloir d'une atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, l'ordonnance rendue par la présente Cour le 27 juin 2007 ne constituant qu'une décision de non-lieu à statuer du fait du dégrèvement intervenu en cours d'instance à l'initiative de l'administration ;

- l'application de la majoration pour manquement délibéré est motivée et bien fondée ; la société requérante ne peut utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales d'une prise de position formelle qu'aurait prise l'administration en ne contestant pas le jugement du Tribunal administratif de Grenoble concernant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour une période antérieure ; il en va de même de la décision de non-lieu à statuer prise par le présente Cour le 27 juin 2007 dès lors que celle-ci ne s'est pas prononcée sur le bien-fondé des impositions en litige ;

- l'application de l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts est fondée ;

- la société requérante n'est pas fondée à invoquer une méconnaissance du principe " non bis in idem " dès lors que l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts et la pénalité prévue à l'article 1729 du même code ont un objet différent ;

- la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'autorité de la chose jugée, qui s'attache à la décision du Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 29 août 2012, qui n'a pas d'incidence sur la qualification par le juge fiscal des faits au regard de la loi fiscale et qui ne porte, au demeurant, que sur la période de décembre 2007 à janvier 2009 ;

Vu l'ordonnance en date du 5 mai 2014 fixant la clôture d'instruction au 30 mai 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 mai 2014, présenté pour la SAS Central Garage qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2015 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

1. Considérant que la SAS Central Garage, qui a pour activité le négoce de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er octobre 2005 au 31 janvier 2009 ; qu'à l'occasion de ce contrôle, l'administration a constaté, d'une part, que la SAS Central Garage avait perçu, sur la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006 et, pour huit véhicules, jusqu'au 30 novembre 2006, des commissions à l'occasion de la vente en France de véhicules d'occasion fournis par une société établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne, la société espagnole Proservice TGNA qu'elle n'avait pas soumises à la taxe en application de l'article 259 A 6° du code général des impôts et, d'autre part, qu'elle avait revendu, en appliquant le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, des véhicules d'occasion acquis auprès de cette société espagnole au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 janvier 2009 ; qu'estimant que la SAS Central Garage ne pouvait être qualifiée d'intermédiaire dans les opérations de négoce pour lesquelles elle avait encaissé des commissions, d'une part, et que la société espagnole ne pouvait elle-même faire application de la taxation sur la marge, d'autre part, l'administration a considéré que l'ensemble des opérations réalisées par la SAS Central Garage relevait du régime de droit commun des acquisitions intracommunautaires et rappelé la taxe afférente à ces opérations sur le prix total de vente des véhicules ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant ont été assortis d'intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que la société s'est vu infliger l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 A 4 du même code ; que, par un jugement du 22 janvier 2013, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de la majoration et de l'amende ; que la SAS Central Garage relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, d'une part, que dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision ;

3. Considérant, d'autre part, que les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par juge pénal s'imposent au juge de l'impôt ; qu'en revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées ; que par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui ;

4. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que la SAS Central Garage a adressé par télécopie au Tribunal administratif de Lyon, le 7 janvier 2013, soit la veille de l'audience, le jugement du 29 août 2012 par lequel le Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a relaxé M.B..., son dirigeant, poursuivi pour avoir volontairement et frauduleusement soustrait la SAS Central Garage à l'établissement et au paiement partiel de la taxe sur la valeur ajoutée exigible au titre des mois de décembre 2007 à janvier 2009 en souscrivant des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée minorées ; que, pour justifier la décision de relaxe, ce tribunal s'est fondé sur " les éléments du dossier et des débats " sans relever aucune circonstance propre à l'affaire ; qu'ainsi, la relaxe de M. B...ne pouvant, en l'espèce, être regardée comme fondée sur aucune constatation du juge répressif qui s'imposait au juge de l'impôt et dont les premiers juges auraient dû tenir compte, ceux-ci ont pu, sans entacher d'irrégularité le jugement attaqué, décider de ne pas rouvrir l'instruction et de ne pas soumettre ce jugement au débat contradictoire ; que les moyens tirés de ce que le Tribunal administratif de Lyon aurait manqué à son devoir de loyauté et fait preuve de partialité doivent être écartés ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Considérant que, pour considérer que la société requérante n'exerçait pas une activité d'intermédiaire transparent mais une activité de négociant en véhicules d'occasion, l'administration s'est bornée à fonder son analyse sur l'absence de production d'un acte de mandat, et sur l'objet et les conditions d'exercice de son activité ; que, dès lors, la SAS Central Garage n'est pas fondée à soutenir que, ce faisant, l'administration a implicitement recouru à la procédure de répression des abus de droit et, qu'ainsi, elle a été privée de la garantie prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales de pouvoir saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la remise en cause de la qualité de mandataire transparent :

6. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises " ; qu'aux termes du III du même article : " Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien. " ; qu'aux termes du V de l'article 256 du même code : " L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés. " ; et qu'aux termes de l'article 266 dudit code : " 1. La base d'imposition est constituée : (...) b) Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : - opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis (...) " ;

7. Considérant qu'au cours de la période du 1er octobre 2005 au 30 novembre 2006, la SA Central Garage a facturé en exonération de taxe sur la valeur ajoutée des commissions à la société espagnole Proservice TNGA, au titre des ventes de véhicules d'occasion appartenant à cette dernière, à des clients français ; que l'administration a considéré que la société requérante ne pouvait se prévaloir de la qualité de mandataire transparent et qu'elle devait être regardée comme effectuant en son nom, des opérations d'achat-revente de véhicules automobiles d'occasion ; qu'elle ne pouvait ainsi se prévaloir des dispositions de l'article 259 A 6° du code général des impôts pour ces opérations ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la SAS Central Garage s'est présentée comme mandataire, notamment d'une société espagnole, la société Proservice TGNA, elle n'a produit aucun mandat et n'a pas présenté les conditions générales de vente auxquelles font référence les bons de réservation souscrits par les clients français ; qu'elle ne se bornait pas à exercer une activité d'entremise dès lors qu'elle assurait le convoyage des véhicules et prenait en charge les frais de réparation, de nettoyage et de cartes grises des véhicules en cause dont elle avance, sans être contestée, qu'elle les facturaient " au centime près " aux clients français ; qu'elle encaissait les prix payés par les clients français directement sur ses comptes avant de reverser les sommes ainsi perçues, avant même la livraison des véhicules, à son fournisseur espagnol ; que si les factures étaient établies par la société espagnole au nom des clients français, la société Central Garage facturait à cette société espagnole une commission fixe sur chaque vente réalisée par son intermédiaire ; que, dans ces conditions, la SAS Central Garage ne doit pas être regardée comme ayant agi en tant que mandataire transparent mais comme ayant personnellement acquis auprès de son fournisseur espagnol et livré à ses clients français les véhicules en cause ; qu'en application des dispositions des articles précités, elle était dès lors imposable à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente des véhicules en France ;

9. Considérant qu'en vertu de l'article 259 du code général des impôts applicable à la période considérée, le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ; qu'aux termes de l'article 259 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259 le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : (...) 6° Les prestations des intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d'autrui et interviennent dans des opérations portant sur des biens meubles corporels (...) a) Lorsque le lieu de ces opérations est situé en France, sauf si le preneur a fourni au prestataire son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat-membre ; b) lorsque le lieu de ces opérations est situé sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, si le preneur a donné au prestataire son numéro d'immatriculation à la taxe sur la valeur ajoutée en France " ; que, dès lors que la société Central Garage ne peut être regardée comme ayant agi au nom et pour le compte d'autrui, elle n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du 6° de l'article 259 du code général des impôts au motif que " ses fournisseurs communautaires " lui auraient communiqué leurs numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne la remise en cause du régime d'imposition sur la marge :

10. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2007 : " " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion ; (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la directive n°77/388 CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977(...) " ; qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2008 : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion ; (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006 (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures " ;

11. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 259 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E dudit code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 désormais repris à l'article 113 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 ;

12. Considérant que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que la SAS Central Garage a acquis des véhicules automobiles en provenance d'Allemagne auprès de la société Proservice TGNA sise en Espagne, dont le fournisseur a été presque essentiellement au cours de la période vérifiée la société Scharf devenue Autoplaza, sise en Allemagne et que les factures qui lui ont été délivrées par la société Proservice TGNA mentionnent l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; que, cependant l'administration soutient, sans être contredite, que les informations obtenues le 26 octobre 2009, dans le cadre de l'assistance administrative, auprès des autorités fiscales espagnoles, établissent que la société Proservice TGNA n'avait pas réalisé ses achats de véhicules sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge mais sous le régime général des acquisitions intracommunautaires ; que, par ailleurs, la SAS Central Garage ne conteste pas que certains des véhicules qu'elle avait acquis avaient eu une carte grise mentionnant le nom d'un professionnel automobile ; qu'elle ne conteste pas davantage qu'elle savait que les véhicules qu'elle avait acquis d'une société en Espagne provenaient d'un fournisseur allemand puisqu'elle se chargeait elle-même du convoyage des véhicules acquis directement de l'Allemagne vers la France, qu'elle connaissait ce fournisseur allemand, son dirigeant ou son fils s'étant déplacés personnellement en Allemagne pour rapatrier occasionnellement un véhicule en cas de nécessité, qu'elle avait fait l'objet de deux précédents contrôles portant sur l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, qui bien que n'ayant pas entrainé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, l'avait alertée sur les conditions d'application de ce régime d'imposition et qu'elle était adhérente de l'Association de défense européenne des mandataires automobiles (A.D.D.E.M.A...) dont la présidente était entendue dans le cadre d'une information judiciaire ouverte pour escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée résultant de la mise en place d'un circuit frauduleux de négoce de véhicules automobiles ; qu'ainsi, l'administration établit que la SAS Central Garage ne pouvait ignorer que la société Proservices TGNA n'avait pas la qualité d'assujetti-revendeur et n'était pas autorisée à appliquer le régime de taxation sur la marge, sans qu'y fasse obstacle le jugement correctionnel du Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 29 août 2012 qui ne comporte aucune constatation de fait s'imposant au juge administratif ; que, dès lors, l'administration était fondée à remettre en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliquée par la SAS Central Garage ;

Sur les pénalités :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ; qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction postérieure applicable à l'espèce : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40% en cas de manquement délibéré (...) " ;

15. Considérant que l'administration fait valoir, d'une part, que la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle ne pouvait prétendre au statut d'intermédiaire transparent, en tant que professionnel de l'automobile et en qualité de membre de l'association A.D.D.E.M.A..., et compte tenu du fait qu'elle agissait hors de tout mandat et que son activité dépassait le cadre d'une simple opération d'entremise ; d'autre part, qu'elle n'ignorait pas qu'elle ne pouvait pas appliquer le régime de la taxation sur la marge eu égard aux mentions portées sur les cartes grises des véhicules qu'elle revendait, au fait qu'elle connaissait le fournisseur allemand de la société Proservice TGNA, qu'elle ne pouvait ignorer dès lors, qu'elle s'en chargeait, que les véhicules concernés étaient convoyés directement d'Allemagne en France alors que son fournisseur était situé en Espagne et qu'elle avait été dûment informée des conditions d'application du régime de taxation sur la marge lors de deux précédents contrôles fiscaux ; que, si elle entend se prévaloir du jugement correctionnel du Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, en date du 29 août 2012 pour contester l'application des pénalités en cause, son moyen doit être écarté pour les motifs susmentionnés ; que l'administration établit ainsi la mauvaise foi et le manquement délibéré de la société requérante et, dès lors, le bien-fondé de l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

16. Considérant que la société requérante ne peut utilement se prévaloir d'une atteinte portée aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique qui résulterait de son imposition aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, en dépit du dégrèvement prononcé par l'administration le 24 mai 2007 sur des rappels de taxe afférents à une période antérieure et de l'ordonnance de non-lieu à statuer prononcée par le président de la présente Cour le 27 juin 2007 dès lors que ce dégrèvement n'a pas été motivé et que l'ordonnance de la Cour n'a été prise qu'en conséquence de ce dégrèvement ;

Sur l'amende du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts :

17. Considérant qu'aux termes de l'article 1788 A du code général des impôts : " (...) / 4. Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. (... ) " ;

18. Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, la société requérante n'est pas fondée à contester l'amende prévue par les dispositions du 4. de l'article 1788 A du code général des impôts qui lui a été appliquée ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Central Garage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SAS Central Garage la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Central Garage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Central Garage et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Bourion, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.

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N° 13LY00438


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00438
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-02;13ly00438 ?
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