Vu la procédure suivante :
Le directeur départemental des services vétérinaires d'Ille-et-Vilaine a porté plainte devant le conseil régional de l'ordre des vétérinaires de Bretagne contre M. J... L...E..., M. A... D..., M. B... F..., M. C... H...et Mme K...I.... Par une décision du 16 juin 2009, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a transmis l'affaire à la chambre régionale de discipline d'Aquitaine de l'ordre des vétérinaires.
Par une décision du 5 avril 2012, la chambre régionale de discipline d'Aquitaine a infligé à Mme I...la sanction de la suspension du droit d'exercer la médecine vétérinaire sur le territoire des départements métropolitains et d'outre-mer pour une durée de trois mois, à M. L...E..., M.D..., M. F...et M. H...la sanction de suspension du droit d'exercer la médecine vétérinaire sur le territoire des départements métropolitains et d'outre-mer pour une durée de quatre ans.
Par une décision du 18 septembre 2014, la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires statuant sur les appels M. L...E..., M.H..., M. F..., M. D..., Mme I...et du directeur départemental des services vétérinaires d'Ille-et-Vilaine a annulé cette décision de la chambre régionale de discipline d'Aquitaine et infligé à M. L...E...la sanction de suspension du droit d'exercer la profession vétérinaire pour une durée de six mois avec sursis et à M.D..., M.F..., M. H...et Mme I...la sanction de suspension du droit d'exercer la profession vétérinaire pour une durée de trois mois avec sursis.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 17 novembre 2014, 9 février 2015, 8 juin 2015, 4 janvier 2016 et 19 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. L... E..., M. D..., M. F..., M. H...et Mme I...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision en tant qu'elle leur inflige une sanction ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du directeur départemental des services vétérinaires d'Ille-et-Vilaine ;
3°) de mettre à la charge du conseil régional d'Aquitaine de l'ordre des vétérinaires et de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. L...N...et autres ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires que la chambre régionale de discipline de l'ordre des vétérinaires d'Aquitaine a, par une décision du 5 avril 2012, infligé à MM. L...E..., D..., G...et H...et à Mme I...des sanctions de suspension temporaire du droit d'exercer la protection vétérinaire sur le territoire des départements métropolitains et d'outre-mer ; que sur appel du directeur départemental des services vétérinaires d'Ille-et-Vilaine, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a, par une décision du 18 septembre 2014 contre laquelle M. L...E...et autres se pourvoient en cassation, annulé cette décision du 5 avril 2012 et infligé aux requérants d'autres sanctions de suspension ;
2. Considérant que le mémoire présenté par le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires a le caractère d'observations en réponse à la communication du pourvoi et non d'un mémoire en intervention ; que la fin de non-recevoir par laquelle M. L...E...et autres soutiennent que le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires n'est pas recevable à intervenir ne peut, par suite, qu'être écartée ;
Sur la régularité des sanctions prononcées par la décision attaquée :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, peuvent être infligés aux praticiens les sanctions suivantes : " (...) 3° La suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans dans un périmètre qui ne pourra excéder le ressort de la chambre régionale qui a prononcé la suspension. Cette sanction entraîne l'inéligibilité de l'intéressé à un conseil de l'ordre pendant toute la durée de la suspension ; / 4° La suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans dans les départements de métropole et en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette sanction comporte l'interdiction définitive de faire partie d'un conseil de l'ordre (...) " ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée du 18 septembre 2014 que celle-ci a infligé à M. L...E..., à M.D..., à M.G..., à M.H... et à Mme I...des sanctions de " suspension temporaire du droit d'exercer la profession vétérinaire " ; que si, comme le relèvent les requérants, cette décision ne précise pas le périmètre d'application des sanctions qu'elle prononce, il résulte de l'instruction qu'elle a fait l'objet, sur ce point, d'une rectification en erreur matérielle par une décision de la chambre supérieure de discipline du 11 décembre 2014, qui précise que les suspensions du droit d'exercer la profession s'appliquent dans les départements de métropole et en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à Mayotte, à Saint Barthélémy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ; que, dès lors, M. L...E...et autres ne sont pas fondés à soutenir que la décision du 18 septembre 2014, rectifiée ainsi qu'il a été dit, est, faute d'avoir précisé le périmètre d'application des sanctions, insuffisamment motivée et entachée d'erreur de droit ;
Sur le respect du principe d'impartialité :
4. Considérant que les requérants soutiennent que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe d'impartialité, aux motifs, d'une part, qu'auraient siégé, dans la formation de jugement, plusieurs des membres qui composaient le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires à la date à laquelle il s'est constitué partie civile dans une procédure pénale qui les visait et, d'autre part, qu'un membre du conseil supérieur, M. M..., a publié un article critique à leur encontre dans la revue de l'ordre national des vétérinaires ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que M. M...n'a pas siégé au sein de la formation qui a pris la décision attaquée ;
6. Considérant, en second lieu, que lorsque des manquements reprochés à un vétérinaire donnent lieu à l'encontre de celui-ci à des poursuites disciplinaires et à des poursuites pénales, la circonstance que le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires a décidé, par une délibération, de se constituer partie civile dans la procédure déjà engagée devant la juridiction pénale à l'initiative du procureur de la République ne fait pas obstacle à elle seule, au regard du principe d'impartialité rappelé par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à ce que ses membres ayant pris part à la délibération siègent au sein de la chambre supérieure de discipline ; qu'en revanche, le président du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, qui a exercé au cours de l'instance pénale, au nom de celui-ci, les droits de la partie civile, ne peut alors siéger au sein de la formation disciplinaire sans qu'il soit porté atteinte à ce principe et aux stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention ;
7. Considérant qu'il est constant que le président du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires n'a pas siégé au sein de la formation qui a pris la décision attaquée ; que la circonstance que d'autres membres du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, ayant participé à la délibération décidant de la constitution de partie civile, auraient siégé au sein de cette même formation, n'est, ainsi qu'il a été dit, pas de nature à entacher cette décision d'irrégularité, nonobstant la véhémence alléguée des termes employés dans les mémoires déposés, pour le compte du conseil supérieur, lors de la procédure pénale ;
8. Considérant que le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise par une formation dont la composition méconnaissait le principe d'impartialité doit, par suite, être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, que si les requérants soutiennent que plusieurs irrégularités entachent le dessaisissement, en première instance, de la chambre régionale de discipline de Bourgogne au profit de la chambre régionale de discipline d'Aquitaine, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que la chambre supérieure de discipline a annulé la décision de la chambre régionale de discipline d'Aquitaine, avant d'évoquer l'affaire et de prononcer la sanction litigieuse en qualité de juge de premier ressort ; que ces moyens sont, par suite, inopérants ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'en estimant que les pratiques reprochées aux vétérinaires poursuivis avaient pour effet de permettre la mise en oeuvre de traitements médicamenteux sans qu'il y ait aucun contrôle de leur bien-fondé, la chambre supérieure de discipline a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; qu'en en déduisant que de telles pratiques méconnaissaient les articles R. 242-46 du code rural et de la pêche maritime et les articles L. 5143-2 et R. 5141-112-1 du code de la santé publique et caractérisaient, par suite, un manquement à leurs obligations disciplinaires, elle n'a pas inexactement qualifié les faits dont elle était saisie et n'a pas commis d'erreur de droit ;
11. Considérant, enfin, que si le choix de la sanction relève de l'appréciation des juges du fond au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il appartient au juge de cassation de vérifier que la sanction retenue n'est pas hors de proportion avec la faute commise et qu'elle a pu dès lors être légalement prise ; que la chambre supérieure de discipline a pu légalement estimer que les fautes relevées à l'encontre de M. E...justifiaient la sanction, au demeurant assortie du sursis, de six mois de suspension du droit d'exercer la profession vétérinaire ; qu'elle a également pu légalement estimer que les fautes relevées à l'encontre de M. D..., M.F..., M. H...et Mme I...justifiaient les sanctions, au demeurant assorties du sursis, de trois mois de suspension du droit d'exercer la profession vétérinaire ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. L...E...et autres doit être rejeté ;
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du conseil régional d'Aquitaine de l'ordre des vétérinaires, qui n'est pas partie à la présente instance ; qu'elles font également obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. L...E...et autres est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. J... L...E..., à M. A... D..., à M. B... F..., à M. C... H..., à Mme K... I...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires.