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23/12/2016 | FRANCE | N°392473

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 23 décembre 2016, 392473


Vu la procédure suivante :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 17 août 2012 par laquelle le préfet du Var lui a refusé le bénéfice de l'allocation de reconnaissance instituée en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilés ayant servi en Algérie et d'enjoindre au préfet du Var de lui en octroyer le bénéfice. Par un jugement n° 1202594 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 14MA01184 du 9 juin 2015, la cour administrative d'appel de Ma

rseille a, sur appel du Premier ministre, annulé ce jugement.

Par un pourvoi ...

Vu la procédure suivante :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 17 août 2012 par laquelle le préfet du Var lui a refusé le bénéfice de l'allocation de reconnaissance instituée en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilés ayant servi en Algérie et d'enjoindre au préfet du Var de lui en octroyer le bénéfice. Par un jugement n° 1202594 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 14MA01184 du 9 juin 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du Premier ministre, annulé ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 6 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987, notamment son article 9 ;

- la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, notamment son article 52 ;

- la décision du 30 novembre 2015 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B...;

- la décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B...;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme A...B...;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...a demandé le 14 mai 2012 au préfet du Var à bénéficier de l'allocation instituée par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés. Le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande d'annulation de la décision de refus du préfet du Var du 17 août 2012. Mme B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juin 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et rejeté sa demande de première instance.

2. Aux termes du I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, l'allocation de reconnaissance prévue par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 est réservée aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives " de statut civil de droit local ". Aux termes du II du même article, " Les dispositions du I sont applicables aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée. ".

3. Par une décision n° 2015-504/505 QPC du 4 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 en ce qu'il insérait les mots " de statut civil de droit local " au premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987. Par sa décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016, rendue à la suite de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MmeB..., le Conseil constitutionnel a prononcé un non lieu sur la conformité à la Constitution des dispositions du I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 du fait de sa décision n° 2015-504/505 QPC ci-dessus rappelée. Il a en revanche déclaré contraire à la Constitution les dispositions du II de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, cette déclaration prenant effet à compter de la publication de sa décision et étant susceptible d'être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

4. La cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur la réintroduction, par l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, de la condition tenant à la nature du statut civil dont devait bénéficier le demandeur de l'allocation de reconnaissance instituée par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 janvier 2014 et rejeter la demande de MmeB..., cette dernière ne remplissant pas cette condition. Mais, ainsi qu'il a été dit au point précédent, si la réintroduction d'une telle condition n'a pas fait l'objet d'une déclaration d'inconstitutionnalité, il n'en va pas de même de son application rétroactive aux demandes présentées avant l'entrée en vigueur de la loi. L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille, qui s'est fondé sur une condition qui n'était pas opposable à la demande de Mme B...puisque celle-ci avait été introduite avant son entrée en vigueur, doit donc être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Pour accueillir la demande d'annulation du refus d'octroi de l'allocation de reconnaissance demandée par Mme B...le 14 mai 2012, le tribunal administratif de Toulon a jugé que la condition relative au statut civil des bénéficiaires n'était pas opposable à la requérante puisqu'elle ne figurait plus dans les dispositions législatives applicables à compter de la publication de la décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, sans prendre en compte la réintroduction de cette condition par la loi du 18 décembre 2013 précitée. Toutefois, compte tenu de la date d'introduction de la demande d'allocation par la requérante et de la déclaration d'inconstitutionnalité de l'application rétroactive de cette condition aux demandes présentées avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013, cette condition n'était effectivement pas opposable à MmeB.... Il résulte ainsi de ce qui précède que le Premier ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 17 août 2012 par laquelle le préfet du Var a refusé à Mme B... le bénéfice de l'allocation de reconnaissance instituée en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilés ayant servi en Algérie et a enjoint au préfet du Var de lui en octroyer le bénéfice.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à MmeB..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 juin 2015 est annulé.

Article 2 : Le recours présenté par le Premier ministre devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., au Premier ministre, au ministre de la défense et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 392473
Date de la décision : 23/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2016, n° 392473
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:392473.20161223
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