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09/12/2016 | FRANCE | N°386393

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 09 décembre 2016, 386393


Vu la procédure suivante :

Mme B...C..., épouse A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 décembre 2013 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a refusé d'échanger son permis de conduire tunisien contre un permis français ainsi que la décision du 18 février 2014 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision. Par un jugement n° 1400503 du 31 octobre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 14LY03524 du 9 décembre 2014, enregistrée

le 11 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le présid...

Vu la procédure suivante :

Mme B...C..., épouse A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 décembre 2013 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a refusé d'échanger son permis de conduire tunisien contre un permis français ainsi que la décision du 18 février 2014 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision. Par un jugement n° 1400503 du 31 octobre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 14LY03524 du 9 décembre 2014, enregistrée le 11 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 13 novembre 2014 au greffe de cette cour, présenté par MmeC....

Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 5 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande et d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à l'échange sollicité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- l'arrêté du 19 mai 2009 relatif aux formalités que doivent accomplir auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration les titulaires de certaines catégories de visa pour un séjour en France d'une durée supérieure à trois mois ;

- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Bobo, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme B...C..., épouseA....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que MmeC..., ressortissante tunisienne, a demandé le 11 juillet 2013 au préfet du Puy-de-Dôme l'échange de son permis de conduire tunisien contre un permis de conduire français ; qu'un refus lui a été opposé par une décision du 16 décembre 2013 ; que par un jugement du 31 octobre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ; que Mme C...se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 8 février 1999 visé ci-dessus : " Tout titulaire d'un permis de conduire national doit obligatoirement demander l'échange de ce titre contre le permis français pendant le délai d'un an qui suit l'acquisition de sa résidence normale en France, la date d'acquisition de cette résidence étant celle d'établissement effectif du premier titre de séjour ou de résident. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 12 janvier 2012 visé ci-dessus : " I. - Tout titulaire d'un permis de conduire délivré régulièrement au nom d'un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit obligatoirement demander l'échange de ce titre contre un permis de conduire français dans le délai d'un an qui suit l'acquisition de sa résidence normale en France. / II. - Pour les ressortissants étrangers non-ressortissants de l'Union européenne, la date d'acquisition de la résidence normale est celle du début de validité du premier titre de séjour. / A. - Pour les ressortissants étrangers bénéficiant d'un visa long séjour, la date d'acquisition de la résidence normale est celle de la vignette apposée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le premier visa long séjour. (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article R. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision préfectorale litigieuse, dispose que les visas de long séjour " permettent à leur titulaire de séjourner en France au-delà d'une période de trois mois (...), à la condition que l'intéressé, dans un délai de trois mois à compter de la date de son entrée en France, ait présenté à l'Office français de l'immigration et de l'intégration les indications relatives à son état civil et à son domicile en France ainsi qu'une photographie tête nue et se soit fait délivrer le certificat médical mentionné au 4° de l'article R. 313-1. L'Office français de l'immigration et de l'intégration atteste de l'accomplissement de ces formalités selon des modalités fixées par arrêté ministériel " ; que l'article 5 de l'arrêté du 19 mai 2009 visé ci-dessus dispose que l'accomplissement de ces formalités est attesté " au moyen d'une vignette et d'un cachet dateur apposés sur le passeport du bénéficiaire " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'arrêté du 8 février 1999, applicables jusqu'à l'abrogation de cet arrêté par celui du 12 janvier 2012, qu'un ressortissant étranger dispose, pour demander l'échange de son permis de conduire, d'un délai d'un an à compter de la date d'établissement effectif de son premier titre de séjour ; que cette date est celle à laquelle a été établi le premier titre de séjour qui lui a été délivré sur le territoire français ; que si l'arrêté du 12 janvier 2012 prévoit que, pour les étrangers auxquels les autorités consulaires ont délivré un visa de long séjour, le délai d'un an court à compter de la date d'apposition sur leurs passeports de la vignette et du cachet prévus par l'arrêté du 19 mai 2009 cité ci-dessus, ces dispositions ne sauraient être appliquées aux personnes entrées sur le territoire français sous couvert d'un visa de long séjour avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 12 janvier 2012 ; que, pour ces personnes, seules la délivrance d'un titre de séjour sur le territoire français a pu faire courir le délai imparti pour demander l'échange de leur permis de conduire ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant la demande de Mme C...au motif que l'intéressée, entrée sur le territoire français munie d'un visa de long séjour valable du 27 septembre 2010 au 27 septembre 2011, avait déposé sa demande d'échange de permis de conduire plus d'une année après la date d'apposition sur son passeport de la vignette et du cachet prévus par l'arrêté du 19 mai 2009, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que son jugement doit, par suite, être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...est entrée sur le territoire national munie d'un visa de long séjour avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 12 janvier 2012 et que son premier titre de séjour lui a été délivré le 31 mai 2013 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'intéressée devait présenter sa demande d'échange de permis de conduire dans un délai d'un an à compter de la délivrance de ce titre ; que cette demande a été présentée le 11 juillet 2013, avant l'expiration de ce délai d'un an ; que, par suite, le préfet n'a pu légalement rejeter sa demande au motif qu'elle avait été présentée tardivement ; que la décision de refus attaquée doit, dès lors, être annulée ;

8. Considérant que la présente décision implique nécessairement que le préfet du Puy-de-Dôme réexamine la demande de MmeC... ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de statuer à nouveau sur cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 31 octobre 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La décision du 16 décembre 2013 du préfet du Puy-de-Dôme est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de statuer à nouveau sur la demande de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...C..., épouse A...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 386393
Date de la décision : 09/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - ARRÊTÉ PRÉVOYANT QUE LE DÉLAI D'UN AN POUR DEMANDER L'ÉCHANGE D'UN PERMIS DE CONDUIRE ÉTRANGER CONTRE UN PERMIS DE CONDUIRE FRANÇAIS COURT - POUR LES TITULAIRES D'UN VISA DE LONG SÉJOUR - À COMPTER DE L'APPOSITION DE LA VIGNETTE DE L'OFII - APPLICATION AUX PERSONNES ENTRÉES EN FRANCE SOUS COUVERT D'UN VISA DE LONG SÉJOUR AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE CET ARRÊTÉ - ABSENCE - CONSÉQUENCE - APPLICATION DE L'ARRÊTÉ ANTÉRIEUR.

01-08 Il résulte des dispositions de l'arrêté du 8 février 1999, applicables jusqu'à l'abrogation de cet arrêté par celui du 12 janvier 2012, qu'un ressortissant étranger dispose, pour demander l'échange de son permis de conduire, d'un délai d'un an à compter de la date d'établissement effectif de son premier titre de séjour. Cette date est celle à laquelle a été établi le premier titre de séjour qui lui a été délivré sur le territoire français.,,,Si l'arrêté du 12 janvier 2012 prévoit que, pour les étrangers auxquels les autorités consulaires ont délivré un visa de long séjour, le délai d'un an court à compter de la date d'apposition sur leurs passeports de la vignette et du cachet prévus par l'arrêté du 19 mai 2009 relatif aux formalités que doivent accomplir auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) les titulaires de certaines catégories de visa pour un séjour en France d'une durée supérieure à trois mois, ces dispositions ne sauraient être appliquées aux personnes entrées sur le territoire français sous couvert d'un visa de long séjour avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 12 janvier 2012. Pour ces personnes, seules la délivrance d'un titre de séjour sur le territoire français a pu faire courir le délai imparti pour demander l'échange de leur permis de conduire.

POLICE - POLICE GÉNÉRALE - CIRCULATION ET STATIONNEMENT - PERMIS DE CONDUIRE - ECHANGE D'UN PERMIS DE CONDUIRE ÉTRANGER CONTRE UN PERMIS DE CONDUIRE FRANÇAIS - DÉLAI D'UN AN POUR EFFECTUER LA DEMANDE D'ÉCHANGE - À COMPTER DE L'APPOSITION DE LA VIGNETTE DE L'OFII POUR LES TITULAIRES D'UN VISA DE LONG SÉJOUR (ART - 4 DE L'ARRÊTÉ DU 12 JANVIER 2012) - APPLICATION AUX PERSONNES ENTRÉES EN FRANCE SOUS COUVERT D'UN VISA DE LONG SÉJOUR AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE L'ARRÊTÉ DE 2012 - ABSENCE - CONSÉQUENCE - APPLICATION DE L'ARRÊTÉ DU 8 FÉVRIER 1999.

49-04-01-04 Il résulte des dispositions de l'arrêté du 8 février 1999, applicables jusqu'à l'abrogation de cet arrêté par celui du 12 janvier 2012, qu'un ressortissant étranger dispose, pour demander l'échange de son permis de conduire, d'un délai d'un an à compter de la date d'établissement effectif de son premier titre de séjour. Cette date est celle à laquelle a été établi le premier titre de séjour qui lui a été délivré sur le territoire français.,,,Si l'arrêté du 12 janvier 2012 prévoit que, pour les étrangers auxquels les autorités consulaires ont délivré un visa de long séjour, le délai d'un an court à compter de la date d'apposition sur leurs passeports de la vignette et du cachet prévus par l'arrêté du 19 mai 2009 relatif aux formalités que doivent accomplir auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) les titulaires de certaines catégories de visa pour un séjour en France d'une durée supérieure à trois mois, ces dispositions ne sauraient être appliquées aux personnes entrées sur le territoire français sous couvert d'un visa de long séjour avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 12 janvier 2012. Pour ces personnes, seules la délivrance d'un titre de séjour sur le territoire français a pu faire courir le délai imparti pour demander l'échange de leur permis de conduire.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 déc. 2016, n° 386393
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Bobo
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:386393.20161209
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