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30/11/2016 | FRANCE | N°393896

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 30 novembre 2016, 393896


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 octobre 2015, 27 novembre 2015 et 19 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil national des barreaux, l'ordre des avocats au barreau de Mont-de-Marsan, l'ordre des avocats au barreau de Lorient, l'ordre des avocats au barreau d'Orléans, l'ordre des avocats au barreau de Rouen, l'ordre des avocats au barreau de Saint-Etienne, l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg, l'ordre des avocats au barreau de Tours, l'ordre des avoca

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 octobre 2015, 27 novembre 2015 et 19 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil national des barreaux, l'ordre des avocats au barreau de Mont-de-Marsan, l'ordre des avocats au barreau de Lorient, l'ordre des avocats au barreau d'Orléans, l'ordre des avocats au barreau de Rouen, l'ordre des avocats au barreau de Saint-Etienne, l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg, l'ordre des avocats au barreau de Tours, l'ordre des avocats au barreau des Pyrénées-Orientales, l'ordre des avocats au barreau de Versailles, l'ordre des avocats au barreau de Brest demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions du 1° de l'article 8 de l'ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l'égal accès des femmes et hommes au sein des ordres professionnels.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 ;

- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

- le code de justice administrative

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du conseil national des barreaux et autres ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 novembre 2016, présentée par le conseil national des barreaux et autres ;

1. Considérant que l'ordre des avocats aux barreaux des Hauts-de-Seine, de Bayonne, de La Rochelle, de Montpellier, de Pau, du Val d'Oise et de Montluçon ainsi MM. B... etA..., avocats inscrits au barreau de Marseille, justifient, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête ; que leurs interventions sont, par suite, recevables ;

2. Considérant que, par le I de l'article 76 de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les hommes et les femmes, le Gouvernement a été autorisé à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi " nécessaires pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes au sein des conseils " des ordres professionnels et notamment de l'ordre des avocats ; que le 1° de l'article 8 de l'ordonnance dont les requérants demandent l'annulation, modifie l'article 15 de la loi 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques pour prévoir que les conseils des barreaux comptant plus de trente électeurs, dont les membres sont élus pour trois ans et sont renouvelables par tiers tous les ans par les avocats du barreau en cause, inscrits et honoraires, seront désormais élus au scrutin secret binominal majoritaire à deux tours, chaque binôme étant composé de candidats de sexe différent ; qu'il précise que " Dans les cas où le conseil de l'ordre comprend un nombre impair de membres, est considéré comme élu le membre du dernier binôme paritaire élu tiré au sort " ; que, par ailleurs, le décret du 27 novembre 1991 modifié organisant la profession d'avocat fixe notamment le nombre de membres que comprend le conseil de chaque barreau, ce nombre étant de 9 pour les barreaux comportant de 31 à 50 électeurs, de 12 pour ceux comportant 51 à 100 électeurs, de 18 pour ceux comportant 101 à 200 électeurs, de 21 pour ceux comportant de 201 à 1000 électeurs et de 24 pour ceux comportant plus de 1000 électeurs ainsi que de 42 pour le barreau de Paris ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution : " La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. " ; que les dispositions du I de l'article 76 de la loi du 4 août 2014, qui précisent que " Des modalités différenciées peuvent être prévues selon les conseils concernés ", donnent au Gouvernement une liberté d'appréciation pour atteindre l'objectif d'égal accès des hommes et des femmes aux instances des ordres professionnels ; que la règle du tirage au sort retenue à l'article 8 de l'ordonnance, que contestent les requérants, ne trouvera en pratique à s'appliquer que pour déterminer le membre du dernier binôme élu qui sera appelé à siéger lorsque le nombre de sièges à pourvoir lors du renouvellement d'un conseil est un nombre impair, ce qui ne sera le cas que pour les conseils comprenant 9 et 21 membres ; que si, compte tenu du renouvellement triennal annuel prévu par l'article 8 de la loi du 30 décembre 1971, l'application du tirage au sort est susceptible de conduire, pour les cas limités où il trouvera à s'appliquer, à ce que l'égal accès des femmes et des hommes à ces conseils soient assuré dans des conditions moins optimales, eu égard à l'aléa statistique qu'il implique, le dispositif mis en place par l'ordonnance ne méconnait pas pour autant l'objectif de favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes lors des élections aux conseils de l'ordre des avocats ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées de l'ordonnance méconnaitraient l'habilitation reçue du Parlement et seraient contraires aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er de la Constitution doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit la libre élection des membres du conseil de l'ordre de ce barreau ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la règle du tirage au sort telle qu'elle a été fixée par l'article 8 de l'ordonnance du 31 juillet 2015, n'a pas pour effet de dessaisir les électeurs de leur liberté de choix aux élections ordinales ni de porter atteinte à " la libre expression du suffrage " ; que de même et en tout état de cause, cette règle serait sans incidence sur le " caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion " invoqué par des intervenants ;

5. Considérant, enfin, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le 1° de l'article 8 de l'ordonnance du 31 juillet 2015, en prévoyant la règle du tirage au sort, aurait méconnu le principe d'indépendance ou le caractère libéral de la profession d'avocat ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le conseil national des barreaux, l'ordre des avocats au barreau de Mont-de-Marsan, l'ordre des avocats au barreau de Lorient, l'ordre des avocats au barreau d'Orléans, l'ordre des avocats au barreau de Rouen, l'ordre des avocats au barreau de Saint-Etienne, l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg, l'ordre des avocats au barreau de Tours, l'ordre des avocats au barreau des Pyrénées-Orientales, l'ordre des avocats au barreau de Versailles, l'ordre des avocats au barreau de Brest ne sont pas fondés à demander l'annulation du 1° de l'article 8 de l'ordonnance du 31 juillet 2015 relative à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des ordres professionnels ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, de l'ordre des avocats au barreau de Bayonne, de l'ordre des avocats au barreau de La Rochelle, de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier, de l'ordre des avocats au barreau de Pau, de l'ordre des avocats au barreau du Val d'Oise et de l'ordre des avocats au barreau de Montluçon ainsi que les interventions de MM. B...et A...sont admises.

Article 2 : La requête du Conseil national des barreaux et autres est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des barreaux, premier requérant dénommé. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation qui les représente devant le Conseil d'Etat.

Cette décision sera également notifiée à la ministre des affaires sociales et de la santé, au garde des sceaux, ministre de la justice, à M.B..., à M. A...ainsi qu'à l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, les autres intervenants seront informés de la présente décision par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 393896
Date de la décision : 30/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 2016, n° 393896
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:393896.20161130
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