Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure
La directrice de la protection des populations du Nord a porté plainte contre M. J...I...devant la chambre régionale de discipline de Franche-Comté de l'ordre des vétérinaires. Par une décision du 23 mai 2012, la chambre régionale de discipline a prononcé à l'encontre de M. I... la sanction de suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire d'une durée d'un an avec sursis dans le ressort de la chambre régionale de discipline de Bourgogne.
Pour le jugement de son appel formé contre cette décision de la chambre régionale de discipline, M. I...a demandé à la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires la récusation de MM.H..., C..., L..., G..., E..., B..., F...et M...A...D...etK.... Par une décision n° 14/1006 du 30 avril 2014, la chambre supérieure de discipline a rejeté sa demande.
Par une décision n°°14/0995 du 30 avril 2014, la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires a, sur appel de M. I..., prononcé à son encontre une sanction de suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire d'une durée de trois mois avec sursis.
Procédures devant le Conseil d'Etat
1° Sous le n° 381856, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 juin 2014, 16 septembre 2014, 20 avril 2015 et 5 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 14/0995 du 30 avril 2014 ;
2°) de mettre à la charge du conseil régional de Franche-Comté de l'ordre des vétérinaires et de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 381857, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juin et 16 septembre 2014 et le 20 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 14/1006 du 30 avril 2014 en tant qu'elle rejette sa demande de récusation en tant qu'elle vise, d'une part M. E...et, d'autre part, MM. C..., G...et B...et A...D...etK... ;
2°) de mettre à la charge du conseil régional de Franche-Comté de l'ordre des vétérinaires et de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin de Maillard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. I...et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires ;
1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant que les mémoires présentés par le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires ont le caractère d'observations en réponse à la communication des pourvois et non de mémoires en intervention ; que la fin de non-recevoir par laquelle M. I...soutient que le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires n'est pas recevable à intervenir ne peut, par suite, qu'être écartée ;
Sur la décision du 30 avril 2014 qui rejette la demande de récusation :
En ce qui concerne MM.C..., G...et B...etA... D... etK... :
3. Considérant que, lorsque des manquements reprochés à un vétérinaire donnent lieu à l'encontre de celui-ci à des poursuites disciplinaires et à des poursuites pénales, la circonstance que le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires a décidé, par une délibération, de se constituer partie civile dans une procédure déjà engagée devant la juridiction pénale à l'initiative du procureur de la République ne fait pas obstacle, à elle seule, au regard du principe d'impartialité rappelé par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à ce que ses membres qui ont pris part à la délibération siègent au sein de la chambre supérieure de discipline ; qu'en revanche, le président du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, qui a exercé au cours de l'instance pénale, au nom de celui-ci, les droits de la partie civile, ne peut siéger au sein de la formation disciplinaire sans qu'il soit porté atteinte à ce principe et aux stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires s'est constitué partie civile en 2011 dans une procédure pénale visant M.I... ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus que, aucune des personnes en cause n'ayant été président du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires à la date des faits en cause, la chambre supérieure de discipline n'a pas commis d'erreur de droit en écartant les causes de récusation de MM.C..., G...et B...et M...A...D...etK..., tirées de ce qu'en leur qualité de membres du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, ils auraient pris part à la délibération de ce conseil décidant de se porter partie civile et seraient engagés par les termes des mémoires présentés au nom du Conseil dans cette instance ;
5. Considérant, en second lieu, que si M. I...invoque une troisième cause de récusation pour les mêmes personnes, tirée de ce qu'un article critique dirigé contre lui-même et ses associés de la SELARL " Les Essarteaux " avait été publié en 2010 dans la Revue de l'ordre national des vétérinaires, il ne soulève sur ce point aucun moyen de cassation contre la décision attaquée ;
En ce qui concerne M.E... :
6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 242-112 du code rural et de la pêche maritime relatives à la procédure devant la chambre supérieure de discipline : " Dès que l'appel a été interjeté, le président du conseil supérieur de l'ordre désigne un rapporteur choisi au sein de ce conseil. Le rapporteur exécute sa mission conformément aux règles fixées à l'article R. 242-95. Lorsqu'il a terminé son instruction, le rapporteur transmet le dossier accompagné de son rapport écrit au président du conseil supérieur de l'ordre (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 242-94 du même code, applicable à la chambre supérieure de discipline en vertu de l'article R. 242-113 : " Pour l'instruction de l'affaire, le président du conseil régional désigne parmi les membres de son conseil un rapporteur, qui ne peut être choisi parmi les membres relevant d'une des causes de récusation prévues à l'article L. 731-1 du code de l'organisation judiciaire " ; qu'il résulte du principe d'impartialité rappelé par ces dernières dispositions qu'alors même que le rapporteur ne délibère pas sur l'affaire qu'il rapporte, l'existence d'une cause de récusation en sa personne entache d'irrégularité la décision prise sur son rapport ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant la demande de récusation de M. E...au motif que, en sa qualité de rapporteur de l'affaire, il n'était pas appelé à délibérer, la chambre supérieure de discipline a entaché sa décision d'erreur de droit ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision de la chambre supérieure de discipline doit être annulée en tant seulement qu'elle rejette la demande de récusation de M. E... ;
Sur la décision du 30 avril 2014 qui prononce une sanction à l'encontre de M. I... :
9. Considérant qu'en raison de l'annulation partielle, prononcée par la présente décision, de la décision de la chambre supérieure de discipline qui a statué sur les demandes de récusation présentées par M.I..., il appartient à la chambre supérieure de statuer à nouveau sur la demande de récusation de M.E... ; que, par suite, la décision de cette même chambre infligeant une sanction à l'encontre de M. I...ne peut qu'être annulée ;
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. I... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision de la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires n° 14/1006 du 30 avril 2014 est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions tendant à la récusation de M. E....
Article 2 : La décision de la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires n° 14/0995 du 30 avril 2014 est annulée.
Article 3 : L'affaire est renvoyée devant la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. I... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. J... I...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au Conseil supérieur de l'ordre national des vétérinaires.