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23/11/2016 | FRANCE | N°398885

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 23 novembre 2016, 398885


Vu la procédure suivante :

Mme D...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 23 mars 2016 par lequel le maire de la commune de Valfleury (Loire) a accordé à M. A...B...un permis de construire un bâtiment agricole sur un terrain situé au lieu-dit l'Ecorcha sur le territoire de la commune.

Par une ordonnance n° 1602274 du 4 avril 2016 rectifiée le 5 avril 2016, le juge des référés du tribunal administratif d

e Lyon, après avoir admis Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle pro...

Vu la procédure suivante :

Mme D...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 23 mars 2016 par lequel le maire de la commune de Valfleury (Loire) a accordé à M. A...B...un permis de construire un bâtiment agricole sur un terrain situé au lieu-dit l'Ecorcha sur le territoire de la commune.

Par une ordonnance n° 1602274 du 4 avril 2016 rectifiée le 5 avril 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, après avoir admis Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a suspendu l'exécution de l'arrêté du 23 mars 2016 jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa légalité.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril et 3 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...et la commune de Valfleury demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de MmeC... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sandrine Vérité, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. B...et de la commune de Valfleury, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 23 mars 2016, le maire de la commune de Valfleury a autorisé M.B..., associé du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) les Potagers du château, à construire un bâtiment agricole d'une surface de plancher de 678 mètres carrés. M. B...et la commune de Valfleury se pourvoient en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, à la demande de MmeC..., voisine du terrain d'assiette du projet, suspendu l'exécution de cette décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le demandeur, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

4. Si, en règle générale, l'urgence s'apprécie compte tenu des justifications fournies par le demandeur quant au caractère suffisamment grave et immédiat de l'atteinte que porterait un acte administratif à sa situation ou aux intérêts qu'il entend défendre, il en va différemment de la demande de suspension d'un permis de construire pour laquelle, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d'un bâtiment, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés. Il ne peut en aller autrement que dans le cas où le bénéficiaire du permis ou l'autorité qui l'a délivré justifient de circonstances particulières, tenant, notamment, à l'intérêt s'attachant à ce que la construction soit édifiée sans délai. Il appartient alors au juge des référés de procéder à une appréciation globale de l'ensemble des circonstances de l'espèce qui lui est soumise.

5. Pour estimer que l'urgence justifiait la suspension de l'exécution du permis de construire délivré à M.B..., le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, en l'espèce, jugé que si la présomption d'urgence s'attachant à la nature même des autorisations d'urbanisme peut être renversée dans le cas ou l'autorité administrative justifie de circonstances particulières faisant apparaître qu'un intérêt public s'attache à l'exécution rapide de cette mesure, le bénéficiaire du permis de construire ne peut en revanche utilement faire valoir les effets d'une suspension de l'autorisation de construire litigieuse sur la situation du GAEC dont il est associé et qui utilisera les locaux en cause, de tels éléments ne relevant pas de l'intérêt public mais du seul intérêt privé du bénéficiaire et du groupement. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de tenir compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce qui lui étaient soumises, y compris celles tenant à l'intérêt d'une construction rapide du bâtiment en cause pour le bénéficiaire du permis et le GAEC dont il était associé, le juge des référés a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B...et la commune de Valfleury sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée. Le moyen d'erreur de droit retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de leur pourvoi.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension présentée par MmeC..., en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Pour demander la suspension de l'exécution du permis de construire délivré à M. B...le 23 mars 2016, Mme C...soutient que ce permis de construire a été délivré au vu d'une notice paysagère insuffisante, qu'il méconnaît l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, qu'il méconnaît les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune applicables à la zone A ainsi que la vocation de cette zone et, enfin, qu'il méconnaît l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

9. En l'état de l'instruction, aucun de ces moyens ne paraît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

10. Il résulte de ce qui précède que l'une des conditions mises par l'article L. 521-1 du code de justice administrative à la suspension de l'exécution d'une décision n'est pas remplie. Par suite, la demande de Mme C...doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner si elle est recevable et si l'urgence justifierait une telle suspension.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Piwnica, Molinié, avocat de MmeC.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...le versement à M. B...et à la commune de Valfleury des sommes qu'ils demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2 à 4 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 4 avril 2016, rectifiée le 5 avril 2016, sont annulés.

Article 2 : La demande de suspension présentée par Mme C...devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. B...et de la commune de Valfleury présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les conclusions de la SCP Piwnica, Molinié présentées au titre des mêmes dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à la commune de Valfleury et à Mme D...C....


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 398885
Date de la décision : 23/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2016, n° 398885
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sandrine Vérité
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:398885.20161123
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