Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 décembre 2015 et 10 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la conférence des présidents d'université demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1617 du 10 décembre 2015 portant modification des modalités de nomination des recteurs ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1618 du 10 décembre 2015 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission prévue à l'article R.* 222-13 du code de l'éducation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin de Maillard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la conférence des présidents d'université ;
1. Considérant que les dispositions de l'article R.* 222-13 du code de l'éducation, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2015-1617 du 10 décembre 2015, disposaient que : " Nul ne peut être nommé recteur s'il n'est habilité à diriger des recherches. / Toutefois, dans la limite de 20% des effectifs d'emplois correspondants, peuvent être nommées recteurs : / 1° Des personnes ayant exercé les fonctions de secrétaire général de ministère ou de directeur d'administration centrale pendant au moins trois ans ; / 2° Des personnes titulaires du doctorat et justifiant d'une expérience professionnelle de dix ans au moins dans le domaine de l'enseignement, de la formation ou de la recherche " ;
2. Considérant que le décret n° 2015-1617 du 10 décembre 2015 portant modification des modalités de nomination des recteurs modifie cet article en remplaçant, pour les personnes nommées sur le fondement de son 2°, la condition de détention d'un doctorat par l'intervention obligatoire, pour les personnes qui ne sont pas titulaires du doctorat, d'un avis rendu par une commission chargée d'apprécier l'aptitude des intéressés à exercer les fonctions de recteur ; que le décret n° 2015-1618 du même jour relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission prévue à l'article R.* 222 -13 du code de l'éducation fixe la composition de cette commission ; que la conférence des présidents d'université demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décrets ;
Sur la légalité externe des deux décrets :
3. Considérant que l'article L. 232-1 du code de l'éducation dispose que le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche est obligatoirement consulté sur la stratégie nationale de l'enseignement supérieur et la stratégie nationale de recherche, les orientations générales des contrats d'établissements pluriannuels, la répartition des moyens entre les différents établissements et les projets de réformes relatives à l'emploi scientifique ; que, contrairement à ce que soutient la conférence des présidents d'université, ces dispositions n'imposaient pas la consultation du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche préalablement à l'édiction des décrets attaqués ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 231-1 du code de l'éducation : " Le Conseil supérieur de l'éducation est obligatoirement consulté et peut donner son avis sur toutes les questions d'intérêt national concernant l'enseignement ou l'éducation quel que soit le département ministériel intéressé " ; que, contrairement à ce que soutient la conférence des présidents d'université, la définition, par le décret n° 2015-1618 du 10 décembre 2015, de la composition et du fonctionnement de la commission chargée d'apprécier l'aptitude à exercer les fonctions de recteur, ne revêt pas le caractère d'une question d'intérêt national concernant l'enseignement ou l'éducation ;
Sur la légalité interne du décret n° 2015-1617 :
5. Considérant que le principe d'autonomie des universités, s'il est consacré par l'article L. 711-1 du code de l'éducation cité ci-dessous, n'a pas, en revanche, de valeur constitutionnelle ; que les requérants ne sauraient par suite utilement soutenir que le décret attaqué serait contraire à la Constitution en raison de ce qu'il méconnaîtrait ce principe ;
6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la conférence des présidents d'universités, ni les dispositions de l'article L. 711-1 du code de l'éducation aux termes desquelles : " Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel sont des établissements nationaux d'enseignement supérieur et de recherche jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière. (...) Ils sont autonomes. Exerçant les missions qui leur sont conférées par la loi, ils définissent leur politique de formation, de recherche et de documentation dans le cadre de la réglementation nationale et dans le respect de leurs engagements contractuels. (...) ", en particulier le principe d'autonomie des universités qu'elles consacrent, ni aucune autre disposition ni aucun principe n'imposent au pouvoir réglementaire, compétent pour fixer les conditions de nomination à l'emploi de recteur, de subordonner l'accès à cet emploi à une condition de diplôme ou de titre universitaire ;
7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 222-2 du code de l'éducation : " Le recteur d'académie, en qualité de chancelier des universités, représente le ministre chargé de l'enseignement supérieur auprès des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel dans les conditions fixées à l'article L. 711-8. / Il assure la coordination des enseignements supérieurs avec les autres ordres d'enseignement. / Il dirige la chancellerie, établissement public national à caractère administratif qui, notamment, assure l'administration des biens et charges indivis entre plusieurs établissements " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la nature de ces attributions, qui comportent, en plus de la mise en oeuvre des pouvoirs de tutelle exercés par le ministre chargé de l'enseignement supérieur sur les universités, des responsabilités étendues en matière d'enseignement primaire et secondaire ainsi que d'administration générale, les dispositions par lesquelles le décret attaqué remplace, pour des personnes justifiant d'une expérience professionnelle de dix ans au moins dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement, de la formation ou de la recherche, la condition additionnelle de doctorat par une condition tenant, si elles ne justifient pas d'un tel grade, à ce que leurs compétences soient appréciées par une commission d'aptitude, ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité interne du décret n° 2015-1618 :
8. Considérant, en premier lieu, que la conférence des présidents d'université n'est pas fondée à soutenir qu'en prévoyant la présence de seulement deux recteurs ou anciens recteurs parmi les six membres de la commission, le décret attaqué aurait méconnu les dispositions de l'article L. 335-5 du code de l'éducation relatif aux jurys de validation des acquis de l'expérience professionnelle, lesquelles ne sont pas applicables à la nomination des recteurs ; qu'elle ne saurait davantage soutenir que le décret aurait, ce faisant, méconnu un prétendu principe dont s'inspirent ces mêmes dispositions ;
9. Considérant, en second lieu, que si l'article 4 du décret attaqué, qui dispose que : " Le ministre chargé de l'éducation nationale transmet au secrétariat de la commission le ou les dossiers contenant tous les éléments permettant à cette dernière d'apprécier l'aptitude de la ou des personnes dont la nomination est envisagée " laisse ainsi à la commission d'aptitude le soin de se prononcer au vu de tout élément de nature à établir les compétences des personnes dont la nomination est envisagée, aucune disposition ni aucun principe n'imposait au pouvoir réglementaire de préciser la nature de ces éléments ou de préciser un niveau de diplôme dont elles devraient faire état ; que, par suite, la conférence des présidents d'université n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué aurait méconnu de telles dispositions ou principes et serait, pour ce motif, entaché " d'incompétence négative " ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, la conférence des présidents d'université n'est pas fondée à demander l'annulation des deux décrets qu'elle attaque ; que ses conclusions doivent, par suite, être rejetées, y compris, par voie de conséquence, celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la conférence des présidents d'université est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la conférence des présidents d'université, au Premier ministre et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.