La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2016 | FRANCE | N°387878

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 18 novembre 2016, 387878


Vu la procédure suivante :

Le 24 juillet 2009, la société Le Rayon d'Or a présenté au tribunal administratif de Montreuil une demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 60 064 euros. Par un jugement n° 0908594 du 24 novembre 2011, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12VE00079 du 11 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en répl

ique, enregistrés les 11 février et 11 mai 2015 et les 13 janvier et 20 mai 2016 au se...

Vu la procédure suivante :

Le 24 juillet 2009, la société Le Rayon d'Or a présenté au tribunal administratif de Montreuil une demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 60 064 euros. Par un jugement n° 0908594 du 24 novembre 2011, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12VE00079 du 11 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 février et 11 mai 2015 et les 13 janvier et 20 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Rayon d'Or demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Le Rayon d'Or ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir vainement demandé à l'administration le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 60 064 euros, pour la période du 1er novembre au 31 décembre 2008, au titre de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) qu'elle exploite et dans lequel sont rendues des prestations de soins, exonérées de cette taxe et des prestations d'hébergement et de restauration ainsi que des prestations liées à la dépendance, soumises à cette taxe, la société Le Rayon d'Or a saisi le tribunal administratif de Montreuil. Cette société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 décembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement du 24 novembre 2011 rejetant cette demande.

2. Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". Aux termes du 1 de l'article 273 du même code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. / Ils fixent notamment : / (...) - les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite ". Aux termes de l'article 219 de l'annexe II à ce code, dans sa rédaction en vigueur lors de la période litigieuse : " Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces mêmes biens et services dans les limites ci-après : / (...) c. Lorsque leur utilisation aboutit concurremment à la réalisation d'opérations dont les unes ouvrent droit à déduction et les autres n'ouvrent pas droit à déduction, une fraction de la taxe qui les a grevés est déductible. Cette fraction est déterminée dans les conditions prévues aux articles 212 à 214 ". En vertu, enfin, de l'article 212 de la même annexe, cette fraction, appelée prorata de déduction, est égale au rapport entre le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction et le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction ainsi qu'aux opérations n'ouvrant pas droit à déduction.

3. Il résulte des dispositions visées au point 2, à la lumière, notamment, de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 29 octobre 2009, Skatteverket c/ AB SKF, C-29/08, relative aux dispositions communautaire dont elles assurent la transposition et qui figurent, pour la période litigieuse, aux articles 1er, 168 et 173 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA, en premier lieu, que le droit à déduction existe dans le cas où l'opération en amont soumise à cette taxe se trouve en lien direct et immédiat avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, en deuxième lieu, que si tel n'est pas le cas, il y a lieu d'examiner si les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services en amont font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti, et, en dernier lieu, que dans l'un ou l'autre cas, l'existence d'un lien direct et immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l'assujetti dans le cadre de ses activités économiques. Ainsi, si en règle générale, la déductibilité n'est, que partielle, à hauteur du prorata de déduction, lorsque les biens ou services sont utilisés concurremment pour la réalisation d'opérations taxées et pour la réalisation d'opérations exonérées, elle est intégrale dans l'hypothèse particulière où l'assujetti est tenu de répercuter l'intégralité du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées, alors même que les dépenses seraient aussi utilisées pour les opérations exonérées.

4. Les dépenses d'administration générale d'un EHPAD et de fonctionnement et d'entretien général de ses bâtiments concourent tant à la réalisation des prestations de soins qu'à la réalisation des prestations d'hébergement et de restauration et des prestations liées à la dépendance. Toutefois, en vertu des articles R. 314-158 à R. 314-163 du code de l'action sociale et des familles et de l'annexe 3-2 à ce code, l'ensemble de ces dépenses est obligatoirement incorporé dans les tarifs afférents à l'hébergement et à la dépendance, lesquels sont imposés à la taxe sur la valeur ajoutée, et non dans le tarif afférent aux soins, qui n'incorpore que les charges relatives aux prestations de soins, à l'emploi du personnel assurant les soins et au matériel médical. Dès lors, ces dépenses ne peuvent être regardées comme faisant partie des éléments constitutifs du prix des prestations de soins qui sont les seules à être exonérées de la taxe. Ainsi, en jugeant que la circonstance que ces dépenses sont intégralement incorporées dans les tarifs des prestations d'hébergement et de dépendance était sans incidence sur le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, la société Le Rayon d'Or est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Le Rayon d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 11 décembre 2014 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la société Le Rayon d'Or une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Le Rayon d'Or et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 387878
Date de la décision : 18/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2016, n° 387878
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387878.20161118
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award