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27/10/2016 | FRANCE | N°397449

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre jugeant seule, 27 octobre 2016, 397449


Vu la procédure suivante :

L'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de la " Maison du Directeur ", située au sein du Haras national de Villeneuve-sur-Lot, des services du pôle de l'urbanisme de la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois. Par une ordonnance n° 1600148 du 10 février 2016, le juge des référés de ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un pourvo

i sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 15 ma...

Vu la procédure suivante :

L'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de la " Maison du Directeur ", située au sein du Haras national de Villeneuve-sur-Lot, des services du pôle de l'urbanisme de la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois. Par une ordonnance n° 1600148 du 10 février 2016, le juge des référés de ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 15 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'IFCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de l'Institut français du cheval et de l'équitation et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. " ; que l'article L. 522-1 du même code précise que : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. (...) ".

2. Considérant que lorsque le juge des référés statue, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative qui instaure une procédure de référé pour laquelle la tenue d'une audience publique n'est pas prévue par les dispositions de l'article L. 522-1 du même code, sur une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il doit, eu égard au caractère quasi-irréversible de la mesure qu'il peut être conduit à prendre, aux effets de celle-ci sur la situation des personnes concernées et dès lors qu'il se prononce en dernier ressort, mettre les parties en mesure de présenter, au cours d'une audience publique, des observations orales à l'appui de leurs observations écrites, sauf à rejeter cette demande, sans engager de procédure contradictoire, par ordonnance motivée sur le fondement de l'article L. 522-3, pour l'une des raisons énoncées par cet article ;

3. Considérant qu'il ressort des mentions de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a communiqué la demande de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) à la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois, mais n'a pas convoqué les parties à une audience publique ; que, dans ces conditions, l'IFCE est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par l'IFCE, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;

6. Considérant qu'il est constant qu'à la suite de la disparition progressive de la mission de reproduction des étalons assurée par le Haras national de Villeneuve-sur-Lot, une convention d'occupation du domaine public, intitulée " convention d'occupation précaire d'une partie du site du Haras national de Villeneuve-sur-Lot pour l'implantation d'un service communal ", a été conclue le 27 décembre 2005, pour une durée de deux ans reconduite par avenant jusqu'au 27 décembre 2009, entre la commune de Villeneuve-sur-Lot et l'établissement public des Haras nationaux, auquel a succédé l'IFCE, pour l'installation du service de l'urbanisme de la commune dans l'ancienne " Maison du Directeur " implantée au centre du Haras ; que la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois, à qui, en 2010, la compétence de l'urbanisme de la commune de Villeneuve-sur-Lot a été transférée, occupe la " Maison du Directeur " ;

7. Considérant que l'IFCE se prévaut, pour justifier de l'urgence de la mesure d'expulsion qu'il demande, de la nécessité de procéder à la cession dans les meilleurs délais de la " Maison du Directeur ", conformément aux instructions en ce sens de l'Etat ;

8. Considérant toutefois que, par une convention conclue le 2 décembre 1844, la commune de Villeneuve-sur-Lot a acquis du département de Lot-et-Garonne le Haras national de Villeneuve-sur-Lot créé par un décret impérial du 4 juillet 1806 ; que, par une délibération de la commission municipale de la commune de Villeneuve-sur-Lot du 23 avril 1852, le maire a été autorisé à acquérir des parcelles en vue d'agrandir le Haras et à affecter l'ensemble à l'établissement du dépôt d'étalons et " à la disposition de l'administration des Haras pour être réuni à l'établissement déjà existant, la propriété étant réservée à la commune " ; qu'enfin, il ressort de l'extrait du tableau général des propriétés publiques de l'Etat dans le département de Lot-et-Garonne en date du 1er octobre 1949, que le haras de Villeneuve-sur-Lot, y compris la " Maison du Directeur " édifiée en 1910, appartient à l'Etat mais " doit faire retour à la ville en cas de retrait du dépôt d'étalons " ; que la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois se prévaut de ces éléments pour soutenir que les biens du haras visés par la convention du 2 décembre 1844 et la délibération du 23 avril 1852 constituent des biens de retour de la commune de Villeneuve-sur-Lot, dont celle-ci a retrouvé la disposition dès lors qu'ils ne sont plus utilisés conformément à leur vocation initiale ; qu'elle soutient que ne peuvent y faire obstacle ni les dispositions de l'article 21 du décret du 2 juillet 1999 portant création et organisation de l'établissement public Les Haras nationaux, qui prévoient que tous les biens mobiliers et immobiliers attachés aux dépôts d'étalons et à la section technique des équipements hippiques (STEH) du service des haras, des courses et de l'équitation sont transférés de plein droit et en toute propriété à l'établissement public Les Haras nationaux, ni celles de l'article 5 du décret du 22 janvier 2010 relatif à l'Institut français du cheval et de l'équitation qui disposent que les biens, droits et obligations des établissements Les Haras nationaux et Ecole nationale d'équitation sont transférés à l'IFCE, ni les actes translatifs de propriété pris en application de ces deux articles entre d'une part l'Etat et l'établissement public Les Haras nationaux et d'autre part, cet établissement et l'IFCE ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'IFCE ne peut être regardé avec certitude comme étant le propriétaire de l'immeuble ainsi occupé, et donc comme susceptible de procéder dans de brefs délais à la cession envisagée ; que, dans ces conditions, en l'état de l'instruction, la mesure demandée ne présente pas un caractère d'urgence ;

10. Considérant que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois, la demande de l'IFCE doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'IFCE une somme de 3 000 euros à verser à la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 10 février 2016 est annulée.

Article 2 : La demande en référé de l'IFCE et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : L'IFCE versera à la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) et à la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois.

Copie en sera adressée à la commune de Villeneuve-sur-Lot.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 oct. 2016, n° 397449
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Formation : 8ème chambre jugeant seule
Date de la décision : 27/10/2016
Date de l'import : 29/10/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 397449
Numéro NOR : CETATEXT000033314166 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2016-10-27;397449 ?
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