La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2016 | FRANCE | N°389017

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre jugeant seule, 27 octobre 2016, 389017


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des biologistes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-205 du 23 février 2015 relatif aux modalités de dépôt des demandes d'accréditation des laboratoires de biologie médicale prévues en application du I de l'article 7 de l'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des biologistes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-205 du 23 février 2015 relatif aux modalités de dépôt des demandes d'accréditation des laboratoires de biologie médicale prévues en application du I de l'article 7 de l'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

- la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 ;

- l'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 ;

- le décret n° 2008-1401 du 19 décembre 2008 ;

- l'arrêté du 5 août 2010 fixant les références des normes d'accréditation applicables aux laboratoires de biologie médicale ;

- l'arrêté du 17 octobre 2012 définissant les conditions justificatives de l'entrée effective d'un laboratoire de biologie médicale ;

- l'arrêté du 17 octobre 2012 définissant les conditions justificatives de l'entrée effective d'un laboratoire de biologie médicale dans une démarche d'accréditation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du Syndicat des biologistes.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 6221-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale et de la loi du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale : " Un laboratoire de biologie médicale ne peut réaliser d'examen de biologie médicale sans accréditation. / L'accréditation porte sur les trois phases, définies à l'article L. 6211-2, de l'ensemble des examens de biologie médicale réalisés par le laboratoire. / L'accréditation porte également, lorsque le laboratoire réalise ces activités ou examens : / 1° Sur les activités biologiques d'assistance médicale à la procréation ; / 2° Sur les examens d'anatomie et de cytologie pathologiques figurant soit à la nomenclature des actes de biologie médicale, soit à la nomenclature générale des actes professionnels ". Aux termes du V de l'article 8 de l'ordonnance du 13 janvier 2010 : " Aucun laboratoire de biologie médicale non accrédité au sens de l'article L. 6221-1 du code de la santé publique ne peut fonctionner après le 1er novembre 2013 sans respecter les conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé justifiant de son entrée effective dans une démarche d'accréditation (...) ". Enfin, aux termes du I de l'article 7 de cette même ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi du 30 mai 2013 : " (...) A compter du 1er novembre 2016, les laboratoires de biologie médicale ne peuvent fonctionner sans disposer d'une accréditation portant sur 50 % des examens de biologie médicale qu'ils réalisent. / A compter du 1er novembre 2018, les laboratoires de biologie médicale ne peuvent fonctionner sans disposer d'une accréditation portant sur 70 % des examens de biologie médicale qu'ils réalisent. / A compter du 1er novembre 2020, les laboratoires de biologie médicale ne peuvent fonctionner sans disposer d'une accréditation portant sur 100 % des examens de biologie médicale qu'ils réalisent. / (...) / Les accréditations prévues (...) portent sur chacune des familles d'examens de biologie médicale ".

2. Par un décret du 23 février 2015, dont le Syndicat des biologistes demande l'annulation pour excès de pouvoir, le Premier ministre a déterminé les modalités et le calendrier de dépôt des demandes d'accréditation des laboratoires de biologie médicale en vue de l'échéance du 1er novembre 2016, fixée par le I de l'article 7 de l'ordonnance du 13 janvier 2010, en prévoyant la transmission avant le 30 avril 2015 au Comité français d'accréditation d'une demande permettant de couvrir au moins 50 % des examens de biologie médicale qu'ils réalisent, accompagnée d'un questionnaire et d'annexes, et en précisant que ces dernières pouvaient être valablement transmises jusqu'au 30 juillet 2015.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

3. D'une part, si l'article L. 6213-6 du code de la santé publique dispose que " Sont déterminées par décret en Conseil d'Etat : / 1° Les modalités d'exercice (...) " de la profession de biologiste médical, le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de fixer les modalités d'exercice de cette profession, mais est pris pour l'application du quatrième alinéa du I de l'article 7 de l'ordonnance du 13 janvier 2010, qui fixe à 50 % la part des examens de biologie médicale réalisés sur laquelle doit porter l'accréditation des laboratoires à compter du 1er novembre 2016, sans prévoir que ses modalités d'application soient fixées par décret en Conseil d'Etat. D'autre part, si l'article L. 6213-6-1 du même code dispose que sont également prévues par décret en Conseil d'Etat, " (...) pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon des modalités spécifiques d'aménagement de la procédure d'accréditation (...) ", le décret attaqué, qui ne comporte aucune réserve quant à son application dans une ou plusieurs de ces collectivités, ne prévoit aucune des modalités spécifiques ainsi mentionnées. Par suite, le décret attaqué, qui se borne à déterminer, au titre du pouvoir général d'application des lois, les modalités techniques et le calendrier des demandes d'accréditation en vue de l'échéance du 1er novembre 2016, a pu légalement intervenir sans avoir été soumis pour avis au Conseil d'Etat.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

4. En premier lieu, l'article L. 6211-23 du code de la santé publique renvoie à un arrêté du ministre chargé de la santé le soin de déterminer la liste des examens et activités requérant une qualification spéciale ou nécessitant le recours à des produits dangereux qui peuvent être réservés à certains laboratoires et à certaines catégories de personnes ainsi que les critères de compétence des laboratoires et des personnes auxquels cette exécution est réservée. Ces dispositions sont sans rapport avec l'objet du décret attaqué et le Syndicat des biologistes ne peut, dès lors, utilement invoquer leur méconnaissance.

5. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 6221-2 du code de la santé publique : " L'accréditation du laboratoire de biologie médicale est délivrée, à sa demande, par l'instance nationale d'accréditation prévue au I de l'article 137 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, lorsqu'il satisfait aux critères définis par les normes harmonisées en vigueur applicables aux laboratoires de biologie médicale, dont les références sont fixées par un arrêté des ministres chargés de la santé et de l'industrie, pris après avis de la Haute Autorité de santé " . Le décret du 19 décembre 2008 relatif à l'accréditation et à l'évaluation de conformité pris en application de l'article 137 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie prévoit à son article 1er que : " L'instance nationale d'accréditation mentionnée à l'article 137 de la loi du 4 août 2008 (...) est le Comité français d'accréditation (COFRAC) ", à son article 3 que : " Le Comité français d'accréditation fixe, par délibération du conseil d'administration ou d'une section spécialisée au vu des normes homologuées en vigueur, les conditions devant être remplies par tout organisme demandant son accréditation, après avis des représentants des associations de consommateurs et d'utilisateurs, des organismes professionnels, des organismes d'évaluation de la conformité ainsi que des administrations concernées ; ces conditions sont publiées sur le site internet du comité (...) " et à son article 5 que : " Le délégué interministériel aux normes exerce les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès du Comité français d'accréditation ; il peut s'opposer aux décisions du comité si elles sont contraires à des dispositions législatives ou réglementaires ou à l'intérêt général (...) ".

6. Si les références des normes harmonisées en vigueur applicables aux laboratoires de biologie médicale doivent, en application des dispositions précitées de l'article L. 6221-2 du code de la santé publique, être déterminées par un arrêté des ministres chargés de la santé et de l'industrie, il en va différemment des formulaires conformément auxquels la demande d'accréditation des laboratoires, le questionnaire l'accompagnant et ses annexes doivent être déposés. La présentation de ces formulaires relève, en effet, des conditions devant être remplies par le laboratoire demandant son accréditation, qu'il appartient au Comité français d'accréditation de préciser, selon les modalités prévues par l'article 3 du décret du 19 décembre 2008 cité ci-dessus, sous le contrôle du délégué interministériel aux normes. Dès lors, le Premier ministre a pu légalement prévoir, par le III de l'article 1er du décret attaqué, que les formulaires mentionnés sont mis à disposition des laboratoires sur le site internet du Comité français d'accréditation.

7. En troisième lieu, si l'article L. 6221-1 du code de la santé publique dispose, depuis sa modification par l'ordonnance du 13 janvier 2010, qu'un laboratoire ne peut désormais réaliser d'examen de biologie médicale sans accréditation, les articles 7 et 8 de cette même ordonnance prévoient, pour l'entrée en vigueur de cet article et à titre transitoire, différentes étapes en vue de l'accréditation des laboratoires, auparavant soumis au régime de l'autorisation administrative prévue par l'article L. 6211-2 du même code dans sa rédaction antérieure à cette ordonnance, en précisant notamment que les laboratoires doivent être engagés " dans une démarche d'accréditation " avant le 1er novembre 2013 et qu'ils doivent disposer avant le 1er novembre 2016 d'une accréditation portant notamment sur 50 % des examens qu'ils réalisent.

8. Il ressort des pièces du dossier que, par le décret attaqué, le Premier ministre a entendu préparer cette deuxième échéance en déterminant un calendrier de dépôt des demandes d'accréditation auprès du Comité français d'accréditation permettant, compte tenu du nombre important de laboratoires concernés, leur accréditation avant l'échéance du 1er novembre 2016. Dès lors, contrairement à ce que soutient le Syndicat des biologistes, il n'a pas privé d'effet les mesures transitoires prévues par l'article 7 de l'ordonnance du 13 janvier 2010 en fixant, pour son application, au 30 avril 2015 la date limite de dépôt des demandes d'accréditation accompagnées des questionnaires de renseignements, les annexes pouvant être transmises jusqu'au 30 juillet 2015.

9. Si le Syndicat des biologistes soutient que ce délai serait insuffisant et porterait une atteinte excessive aux intérêts des laboratoires de biologie médicale, en leur imposant de respecter les critères d'accréditation de manière anticipée, il résulte tout d'abord des termes mêmes du décret attaqué qu'il n'a ni pour objet ni pour effet de modifier l'échéance du 1er novembre 2016, seule date à partir de laquelle le processus d'accréditation doit être achevé pour 50 % des examens réalisés. Ensuite, les références aux normes harmonisées applicables, sur la base desquelles les laboratoires devaient entrer dans une démarche d'accréditation au plus tard le 1er novembre 2013, avaient été définies par un arrêté du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et du ministre de la santé et des sports du 5 août 2010, publié au Journal officiel de la République française du 1er septembre suivant. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du questionnaire et de la liste de ses annexes, que la transmission de ces documents soit, en dépit de leur caractère technique, impossible dans les délais prévus par le décret attaqué, eu égard notamment à la circonstance que la plupart des pièces à produire relèvent des annexes, dont la transmission n'était exigée qu'au 30 juillet 2015. Dès lors, le Premier ministre a pu légalement, sans méconnaître le principe de sécurité juridique, fixer le calendrier prévu par le décret attaqué.

10. En dernier lieu, le principe de liberté du commerce et de l'industrie implique que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. Si le Syndicat des biologistes soutient que le décret attaqué aurait défini des modalités restrictives pour le dépôt des demandes d'accréditation nécessaires à l'exercice des activités de biologie médicales, le Premier ministre, en préparant l'échéance fixée par le I de l'article 7 de l'ordonnance du 13 janvier 2010, a entendu assurer le respect de l'objectif de santé publique poursuivi par l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'accréditation des laboratoires. Ainsi, au regard de ce qui a été dit au point précédent et de l'objectif poursuivi, il n'a pas porté, en définissant les modalités prévues par le décret attaqué, une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie. Au demeurant, il ne résulte pas des dispositions du décret attaqué que les dates limites qu'il prévoit seraient prescrites aux laboratoires de biologie médicale à peine de forclusion de leur demande d'accréditation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat des biologistes n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du Syndicat des biologistes est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des biologistes, au Premier ministre et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Copie en sera adressée au Comité français d'accréditation.


Synthèse
Formation : 1ère chambre jugeant seule
Numéro d'arrêt : 389017
Date de la décision : 27/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2016, n° 389017
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389017.20161027
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award