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20/10/2016 | FRANCE | N°397731

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème chambres réunies, 20 octobre 2016, 397731


Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois autres mémoires, enregistrés les 7 et 15 mars, 19 avril et 17 juin 2016, Mme A...B...épouse C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 novembre 2015 lui ayant refusé l'acquisition de la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 déce

mbre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois autres mémoires, enregistrés les 7 et 15 mars, 19 avril et 17 juin 2016, Mme A...B...épouse C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 novembre 2015 lui ayant refusé l'acquisition de la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Camille Pascal, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de MmeB....

1. Considérant qu'aux termes de l'article 21-2 du code civil : " L'étranger (...) qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité (...) " ; qu'aux termes de l'article 21-4 du même code : " Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., ressortissante algérienne, a épousé un ressortissant français le 24 septembre 2009 à Paris ; qu'elle a déposé, le 21 juin 2012, à la préfecture du Val-de-Marne, une demande de naturalisation qui a été rejetée le 20 février 2013 ; qu'elle a ultérieurement souscrit, le 8 novembre 2013, une déclaration d'acquisition de la nationalité française à raison de son mariage, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil ; que le Premier ministre, se fondant sur l'article 21-4 du même code, s'est opposé à l'acquisition de la nationalité française par un décret du 6 novembre 2015, au motif que l'intéressée ne pouvait être regardée comme digne, en l'état, d'acquérir la nationalité française ; que Mme B...demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret ;

3. Considérant que le Premier ministre s'est fondé, pour prendre le décret attaqué, sur la circonstance que, lors de l'entretien qui s'était déroulé le 21 juin 2012 avec un agent de la préfecture du Val-de-Marne lors de l'instruction de la demande de naturalisation, l'intéressée avait déchiré la charte des droits et devoirs du citoyen après l'avoir lue et signée ;

4. Considérant que ce fait est le seul relevé à l'encontre de Mme B...; qu'il s'est produit plus de trois ans avant l'intervention du décret attaqué ; que ce geste isolé, pour regrettable qu'il soit, traduit une simple réaction d'humeur de l'intéressée lors de l'entretien, alors qu'elle venait d'y être convoquée après des démarches antérieures demeurées infructueuses ; que cette réaction ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme rendant Mme B...indigne d'acquérir en l'état la nationalité française à raison de son mariage ; que, par suite, en se fondant sur ce motif pour prendre le décret attaqué, le Premier ministre a fait une inexacte application des dispositions de l'article 21-4 du code civil ;

5. Considérant que si le ministre de l'intérieur invoque devant le Conseil d'Etat un autre motif tiré de ce que le décret attaqué aurait pu opposer à l'intéressée un défaut d'assimilation, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que, du fait du comportement de l'intéressée lors de l'entretien du 21 juin 2012, seul invoqué par le ministre, ou des propos alors tenus, Mme B...puisse être regardée comme refusant d'accepter les valeurs essentielles de la société française ; que cet autre motif ne peut, par suite, être regardé comme étant de nature à justifier légalement le décret attaqué ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'elle attaque ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme B...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le décret du 6 novembre 2015 refusant à Mme B...l'acquisition de la nationalité française est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 397731
Date de la décision : 20/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2016, n° 397731
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Camille Pascal
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:397731.20161020
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