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19/10/2016 | FRANCE | N°391409

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 19 octobre 2016, 391409


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 30 septembre 2015 et le 23 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Métropole Télévision demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les b) et c) de l'article 15 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 introduit par le 1° de l'article 6 du décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 portant modification du régime de contribution à la production d'oeuvres audiovisuelles des servi

ces de télévision ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somm...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 30 septembre 2015 et le 23 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Métropole Télévision demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les b) et c) de l'article 15 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 introduit par le 1° de l'article 6 du décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 portant modification du régime de contribution à la production d'oeuvres audiovisuelles des services de télévision ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le décret n° 2010-416 du 2 juillet 2010 ;

- le décret n° 2015-483 du 27 avril 2015;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Bobo, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Métropole télévision.

1. Considérant qu'en vertu des articles 27 et 33 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les éditeurs de services diffusés par voie hertzienne terrestre et par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel contribuent au développement de la production, en tout ou partie indépendante à leur égard, d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles dans les conditions fixées par décrets en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 71-1 de cette loi tel que complété par l'article 29 de la loi du 15 novembre 2013 : " Les décrets prévus aux articles 27 et 33 précisent les conditions dans lesquelles une oeuvre audiovisuelle peut être prise en compte au titre de la contribution d'un éditeur de services à la production indépendante en fonction de la part détenue, directement ou indirectement, par l'éditeur de services ou par le ou les actionnaires le contrôlant au sens du 2° de l'article 41-3, au capital de l'entreprise qui produit l'oeuvre. / L'éditeur de services ne peut détenir, directement ou indirectement, de parts de producteur, sauf s'il a financé une part substantielle de l'oeuvre. / Les décrets mentionnés au premier alinéa précisent le niveau de la part substantielle mentionnée au deuxième alinéa ainsi que l'étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus directement ou indirectement par l'éditeur de services lorsqu'il détient des parts de producteurs. / Ils peuvent également prendre en compte la durée de détention des droits de diffusion par l'éditeur de services ainsi que la nature et l'étendue de la responsabilité de l'éditeur de services dans la production de l'oeuvre " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la loi a prévu, d'une part, que les éditeurs de service doivent contribuer au développement de la production indépendante à leur égard d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et, d'autre part, qu'une oeuvre ne peut normalement être prise en compte au titre de cette contribution si l'éditeur détient, directement ou indirectement, des parts de producteur ; que l'article 29 de la loi du 15 novembre 2013 a introduit à l'article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 une exception à cette règle dans le cas où l'éditeur a financé une part substantielle de l'oeuvre ; que le législateur a confié à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser le niveau de cette part substantielle ainsi que l'étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation que l'éditeur peut détenir directement ou indirectement lorsqu'il détient des parts de producteurs ; que le décret attaqué du 27 avril 2015 a complété à cette fin le décret du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ; que la société Métropole Télévision demande que l'article 6 du décret du 27 avril 2015 soit annulé en tant qu'il introduit au 1° de l'article 15 du décret du 2 juillet 2010 les alinéas b) et c) ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

3. Considérant, que lorsque, comme en l'espèce, un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il avait soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier ; qu'il ressort des pièces produites par la ministre de la culture et de la communication et soumises au débat contradictoire que les dispositions attaquées du décret du 27 avril 2015 ne diffèrent pas de celles qui avaient été adoptées par le Conseil d'Etat ; que, par suite, la société Métropole Télévision n'est pas fondée à soutenir que les règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret auraient été méconnues ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que, s'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de l'exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution ; que l'exécution du décret attaqué n'appelle aucune mesure que le ministre chargé des finances et des comptes publics serait compétent pour signer ou contresigner ; que par suite, ce ministre n'est pas chargé de l'exécution du décret attaqué, qui n'avait pas, dès lors, à être soumis à son contreseing ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

5. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 15 du décret du 2 juillet 2010 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par le réseau n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel : " Au moins trois quarts des dépenses mentionnées au I de l'article 11 ou au 5° et au 6° de l'article 14 sont consacrés au développement de la production indépendante selon les deux critères suivants : / 1° L'éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, de parts de producteur et ne prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l'initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation de l'oeuvre et n'en garantit pas la bonne fin. Lorsqu'il a financé une part substantielle du coût total de l'oeuvre, il peut détenir un droit sur les recettes d'exploitation dans des conditions précisées par les cahiers des charges et conventions " ; que l'article 6 du décret attaqué du 27 avril 2015 introduit à la suite de ces dispositions six alinéas nouveaux afin de prévoir que, par dérogation, l'éditeur de services peut détenir des parts de producteurs s'il a financé au moins au moins 70 % du devis de production de l'oeuvre annexé au contrat de coproduction et si cinq conditions sont respectées ; que la société requérante soutient que deux de ces conditions sont entachées d'illégalité ;

En ce qui concerne la négociation des contrats attribuant aux éditeurs de services des mandats de commercialisation et des droits secondaires sur les oeuvres :

6. Considérant d'une part, qu'aux termes du b) introduit par le décret attaqué au 1° de l'article 15 du décret du 2 juillet 2010 : " b) Dans le respect des droits d'exploitation de l'oeuvre reconnus à l'entreprise de production, les mandats de commercialisation et les droits secondaires font l'objet d'un contrat distinct et doivent être négociés dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires, précisées par les conventions et les cahiers des charges prenant en compte les accords conclus entre les éditeurs de services et les organisations professionnelles de l'industrie audiovisuelle (...) " ;

7. Considérant que ces dispositions imposent que les mandats de commercialisation et les droits secondaires attribués à l'éditeur de services soient définis dans un contrat distinct du contrat de coproduction et négociés dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires ; qu'elles prévoient que la convention relative au service de télévision en cause, conclue entre l'éditeur et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ou son cahier des charges, précise les modalités de négociation des contrats relatifs aux mandats de commercialisation et aux droits secondaires en tenant compte des accords conclus en la matière entre les éditeurs de services et les organisations professionnelles de l'industrie audiovisuelle ; qu'en permettant ainsi au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'encadrer par des bonnes pratiques inspirées par des accords entre organisations professionnelles les conditions de négociation des mandats de commercialisation et des droits secondaires que les éditeurs de services peuvent détenir, et en limitant ainsi leur capacité de négociation, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le cadre juridique défini par l'article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 ;

En ce qui concerne l'impossibilité de détenir des mandats de commercialisation si le producteur dispose d'une capacité de distribution :

8. Considérant qu'aux termes du c) introduit à la suite à l'article 15 du décret du 2 juillet 2010 et dont la société requérante demande également l'annulation : " c) En l'absence de mentions particulières dans la convention ou le cahier des charges prenant en compte des accords conclus postérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 avec une ou plusieurs organisations professionnelles représentatives de l'industrie audiovisuelle, l'éditeur de services ne peut détenir, directement ou indirectement, des mandats de commercialisation que lorsque le producteur ne dispose pour l'oeuvre en cause ni d'une capacité de distribution, interne ou par l'intermédiaire d'une filiale, ni d'un accord-cadre conclu avec une entreprise de distribution " ;

9. Considérant que la loi du 15 novembre 2013, tout en maintenant la règle selon laquelle une oeuvre ne peut être prise en compte au titre de la contribution au développement de la production indépendante si l'éditeur de services détient des parts de producteur, a prévu une exception dans le cas où l'éditeur de services a financé une part substantielle de l'oeuvre ; que le législateur a toutefois encadré cette dérogation en prévoyant que l'étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation serait définie par un décret en Conseil d'Etat ; que les dispositions citées au point 8, qui ne s'appliquent qu'aussi longtemps que la convention relative au service de télévision en cause, conclue entre l'éditeur et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ou son cahier des charges, n'a pas été modifiée pour préciser, en tenant compte d'un accord entre organisations professionnelles, les conditions de négociation des contrats relatifs aux droits secondaires et aux mandats de commercialisation, excluent la possibilité pour l'éditeur de détenir des mandats de commercialisation sur une oeuvre si le producteur dispose d'une capacité de distribution ; que ces dispositions n'interdisent pas de manière générale la détention par les éditeurs de mandats de commercialisation ; qu'en prévoyant qu'aucun mandat de commercialisation ne pourrait être détenu dans la situation particulière qu'il a définie, le pouvoir réglementaire n'a pas excédé l'habilitation qu'il tenait de la loi pour déterminer l'étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Métropole Télévision n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions du décret qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Métropole Télévision est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Métropole Télévision, au Premier ministre et à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 391409
Date de la décision : 19/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 oct. 2016, n° 391409
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Bobo
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:391409.20161019
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