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17/10/2016 | FRANCE | N°402059

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 17 octobre 2016, 402059


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 21 juin 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de restituer ce titre. Par une ordonnance n° 1604828 du 4 juillet 2016, prise en application de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, deux no

uveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du co...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 21 juin 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de restituer ce titre. Par une ordonnance n° 1604828 du 4 juillet 2016, prise en application de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 et 9 août et 20 et 29 septembre 2016, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de MmeA....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lille que, par une décision du 21 juin 2013, le ministre de l'intérieur a informé Mme A...de la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de restituer ce titre ; que, par une ordonnance du 4 juillet 2016, le juge des référés a rejeté la demande de l'intéressée tendant à la suspension de l'exécution de cette décision ; que Mme A...forme un pourvoi contre cette ordonnance ;

2. Considérant qu'il ressort des mentions de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a rejeté la demande de suspension dont il était saisi en raison de la tardiveté de la demande d'annulation de la décision du 21 juin 2013 ; qu'il a relevé, à l'appui de ce motif, que le pli recommandé avec accusé de réception postal qui comportait cette décision ayant été présenté le 28 juin 2013 à l'adresse de la requérante, puis retourné à l'expéditeur avec la mention " pli avisé et non réclamé ", la décision contestée devait être réputée avoir été régulièrement notifiée à sa destinataire ; que toutefois, la notification d'une décision relative au permis de conduire ne peut être regardée comme régulière que si elle est faite à une adresse correspondant effectivement à une résidence de l'intéressé ; que Mme A...ayant soutenu, à l'appui de sa demande, qu'elle avait quitté le 24 mai 2013 la résidence où le pli lui avait été envoyé pour s'installer dans une autre commune, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant que cette circonstance était sans influence sur la recevabilité de sa demande ; que l'ordonnance attaquée doit, par suite, être annulée ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par MmeA..., en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions aux fins de suspension :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un rapport de police du 28 mai 2013 produit par le ministre de l'intérieur devant le Conseil d'Etat, qu'à la date du 28 juin 2013, Mme A...n'avait plus sa résidence à l'adresse à laquelle la décision du ministre de l'intérieur lui a été notifiée ; que cette notification ne pouvait, dès lors, être regardée comme de nature à faire courir à son égard le délai de recours contentieux ; qu'ainsi, sa demande d'annulation enregistrée le 28 juin 2016 n'était pas tardive ; que le ministre de l'intérieur n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la demande de suspension devrait être rejetée en raison de cette tardiveté ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'exécution de la décision contestée porterait une atteinte grave et immédiate à la situation de Mme A...qui est dépourvue d'emploi et qui est inscrite à une formation devant débuter le 2 novembre 2016 et nécessitant la possession d'un permis de conduire ; que les infractions commises par l'intéressée entre 2006 et 2013 ne sont pas d'une nature et d'une fréquence telles que des considérations liées à la sécurité routière commanderaient de maintenir le caractère exécutoire de cette décision ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence fixée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

7. Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que l'intéressée n'a pas bénéficié, lors de la constatation des infractions commises les 10 mai 2007, 17 novembre 2007, 27 mars 2008 et 21 août 2012, de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des retraits de points consécutifs à ces infractions et, par suite, de la décision constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du 21 juin 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

10. Considérant que la présente décision implique nécessairement que, dans l'attente de la décision par laquelle le juge administratif statuera sur la légalité de la décision du 21 juin 2013 du ministre de l'intérieur, ce dernier restitue son permis de conduire à Mme A... ; qu'il y a lieu de faire droit, dans cette mesure, aux conclusions présentées par Mme A...sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à cette restitution dans un délai de huit jours ;

11. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle devant le juge de cassation ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à SCP Baraduc, Duhamel, Rameix ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 4 juillet 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 21 juin 2013 du ministre de l'intérieur est suspendue jusqu'au jugement de la demande de Mme A...tendant à l'annulation de cette décision.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de restituer son permis de conduire à Mme A... dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de MmeA..., une somme de 2 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 402059
Date de la décision : 17/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 oct. 2016, n° 402059
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:402059.20161017
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