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17/10/2016 | FRANCE | N°386118

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 17 octobre 2016, 386118


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er décembre 2014, 4 juin et 1er septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la conférence des présidents d'université demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret n° 2014-780 du 7 juillet 2014 relatif à la composition de la formation restreinte du conseil académique des universités ainsi que la circulaire ministérielle du 23 juillet 2014 relative à la composition de la formation du conseil acad

émique des universités compétente pour examiner les questions individuelles rel...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er décembre 2014, 4 juin et 1er septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la conférence des présidents d'université demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret n° 2014-780 du 7 juillet 2014 relatif à la composition de la formation restreinte du conseil académique des universités ainsi que la circulaire ministérielle du 23 juillet 2014 relative à la composition de la formation du conseil académique des universités compétente pour examiner les questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs, autres que les professeurs d'université, d'autre part, la décision implicite née du silence gardé par le Premier ministre sur son recours gracieux du 8 septembre 2014 tendant au retrait de ces deux textes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- le code de l'éducation, notamment son article L. 712-6-1 ;

- la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- le décret n° 2014-780 du 7 juillet 2014 ;

- le décret n° 2014-997 du 2 septembre 2014 ;

- la décision du 13 février 2015 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la conférence des présidents d'université ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-465 QPC du 24 avril 2015 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la conférence des présidents d'université ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la conférence des présidents d'université ;

1. Considérant que le IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, tel qu'il résulte de l'article 50 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, prévoit que le conseil académique, en formation restreinte aux enseignants-chercheurs, est l'organe compétent pour l'examen des questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs ; qu'il dispose que lorsque cet organe examine en formation restreinte des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs, autres que les professeurs des universités, " il est composé à parité d'hommes et de femmes et à parité de représentants des professeurs des universités et des autres enseignants-chercheurs, dans des conditions précisées par décret " ; que le décret attaqué du 7 juillet 2014 détermine les modalités selon lesquelles doit être arrêtée la composition de cette formation restreinte du conseil académique afin de se conformer aux exigences de parité fixées par ces dispositions ; que la circulaire attaquée du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 23 juillet 2014 en précise l'application ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Considérant que si la requérante soutient que le comité technique ministériel de l'enseignement supérieur et de la recherche n'avait pas à être consulté sur le projet de décret, aucun texte ni aucun principe ne faisait, en tout état de cause, obstacle à ce que le Premier ministre procède à cette consultation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le Premier ministre se serait cru lié par l'avis émis par ce comité ni que sa consultation se serait déroulée dans des conditions irrégulières ; que, par suite, les moyens tirés de ce que cette consultation aurait entaché d'illégalité le décret et, par voie de conséquence, la circulaire attaqués doiventt être écartés ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret attaqué : " Lorsque la composition de la formation restreinte du conseil académique de l'université ne permet pas le respect des dispositions du IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, le président du conseil académique choisit parmi les membres élus de cette formation ceux appelés à constituer la formation restreinte compétente pour examiner les questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs autres que les professeurs des universités. / La proposition du président comporte le plus grand nombre de personnes possible choisies parmi les membres élus remplissant les conditions pour siéger dans la formation restreinte précitée afin d'assurer le respect des dispositions du IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation. Elle est adressée aux membres de la formation restreinte du conseil académique de l'université. / Les membres de la formation restreinte peuvent faire une proposition alternative, dans le respect de l'alinéa précédent. Cette proposition est formulée dans un délai de quinze jours à compter de la réception par les membres de la formation restreinte du conseil académique de la proposition du président. / Si aucune autre proposition n'est transmise au président dans le délai mentionné ci-dessus, la proposition du président est retenue. / Si une ou plusieurs autres propositions sont transmises, elles sont soumises, ainsi que la proposition du président, au vote des membres de la formation restreinte du conseil académique de l'université. / La proposition retenue est celle qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés. Si la majorité absolue n'est pas obtenue au premier tour, il est procédé à un second tour. Au second tour, la proposition retenue est celle qui recueille la majorité des suffrages exprimés. En cas d'égalité de suffrages entre les propositions arrivées en tête lors de ce deuxième tour, le président du conseil académique choisit la liste retenue parmi celles-ci " ;

4. Considérant, en premier lieu, que, par sa décision n° 2015-465 du 24 avril 2015 rendue à la suite du renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la conférence des présidents d'université, le Conseil constitutionnel a déclaré la dernière phrase du paragraphe IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation conforme à la Constitution ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette disposition, pour l'application de laquelle le décret attaqué a été pris, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le décret attaqué prévoit que lorsque la composition de la formation restreinte chargée d'examiner les questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs autres que les professeurs des universités ne permet pas de respecter les exigences de parité prévues par le IV de l'article L. 712-6-1 entre, d'une part, hommes et femmes et, d'autre part, représentants des professeurs des universités et des autres enseignants-chercheurs, il appartient alors au président du conseil académique de choisir, parmi les membres élus de cette formation, ceux qu'il propose d'appeler à siéger, en retenant le plus grand nombre de personnes possible ; que le décret attaqué prévoit, en outre, la faculté pour les membres de la formation restreinte de présenter une ou plusieurs propositions alternatives à celle du président et précise que si une ou plusieurs propositions alternatives sont élaborées, il appartient alors aux membres de la formation restreinte de choisir, par un vote, entre les différentes propositions ; qu'en précisant ainsi les conditions de mise en oeuvre de la double exigence de parité voulue par le législateur, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les dispositions du IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation citées ci-dessus ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 116 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche : " (...) II - Le Conseil d'administration, le conseil académique et le président d'université sont désignés conformément à la présente loi à l'échéance du mandat des représentants élus des personnels du conseil d'administration en exercice à la date de publication de cette même loi (...) / III - A compter de la publication de la présente loi, la commission de la recherche du conseil académique est constituée des membres du conseil scientifique et la commission de la formation et de la vie universitaire de ce même conseil est constituée des membres du conseil des études et de la vie universitaire. Le conseil scientifique exerce les compétences de la commission de la recherche et le conseil des études et de la vie universitaire celles de la commission de la formation et de la vie universitaire (...). La section compétente du conseil académique prévue au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation est constituée des enseignants-chercheurs et personnels assimilés membres élus du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les enseignants-chercheurs et personnels assimilés qui avaient été élus membres, d'une part, de l'ancien conseil scientifique et, d'autre part, de l'ancien conseil des études et de la vie universitaire d'une université composent, jusqu'au terme de leur mandat, la nouvelle formation restreinte du conseil académique de cette université ; que, par suite, en rendant applicable avant l'échéance des mandats de ces membres le dispositif qu'il prévoit pour assurer le respect des exigences de parité, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les dispositions de l'article 116 de la loi du 22 juillet 2013 ; qu'il n'a, ce faisant, pas davantage méconnu le principe de sécurité juridique ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 122 de la même loi du 22 juillet 2013 : " Les modalités d'examen des questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs et des enseignants prévues au IV de l'article L. 712-6-1 (...), dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables à compter de l'entrée en vigueur des modifications des textes réglementaires régissant les différentes catégories de personnels enseignants-chercheurs et enseignants rendues nécessaires par la présente loi " ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu subordonner la mise en oeuvre du nouveau dispositif institué par le IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation à l'entrée en vigueur des textes réglementaires pris pour mettre en conformité les règles applicables aux enseignants-chercheurs avec le nouveau régime institué par la loi ; que le décret du 2 septembre 2014 modifiant le décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférence, qui a procédé à cette mise en conformité, est entré en vigueur le 5 septembre 2014 ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, le décret attaqué, en fixant par son article 2 son entrée en vigueur au 1er septembre 2014, n'a pas entendu permettre le fonctionnement de la nouvelle formation restreinte du conseil académique avant le 5 septembre 2014 et n'a, par suite, pas méconnu l'article 122 de la loi du 22 juillet 2013 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la conférence des présidents d'université n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ; que ses conclusions dirigées contre la circulaire du 23 juillet 2014 ainsi que la décision implicite du Premier ministre rejetant son recours gracieux formé contre ces deux textes doivent, par voie de conséquence, être également rejetées ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la conférence des présidents d'université est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la conférence des présidents d'université, au Premier ministre et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 386118
Date de la décision : 17/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 oct. 2016, n° 386118
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:386118.20161017
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