La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2016 | FRANCE | N°387940

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 07 octobre 2016, 387940


Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 10 février 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry a sursis à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur la question de la valeur juridique de la circulaire du ministre de l'emploi et de la solidarité du 3 mai 2002 relative à la validation des périodes de service national accomplies par des personnes ayant relevé successivement ou alternativement de plusieurs régimes de retraite des professions salariées et non salariées.

Par une requête, un mémoire en réplique et quatre nouveaux

mémoires, enregistrés les 3 avril, 13 mai, 7 octobre, 10 novembre, 26 novemb...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 10 février 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry a sursis à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur la question de la valeur juridique de la circulaire du ministre de l'emploi et de la solidarité du 3 mai 2002 relative à la validation des périodes de service national accomplies par des personnes ayant relevé successivement ou alternativement de plusieurs régimes de retraite des professions salariées et non salariées.

Par une requête, un mémoire en réplique et quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 3 avril, 13 mai, 7 octobre, 10 novembre, 26 novembre et 21 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...D...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'apprécier la légalité de cette circulaire et de déclarer qu'elle est entachée d'illégalité ;

2°) de déclarer qu'il résulte de l'article 7 du décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français que la durée du service national légal doit être prise en compte dans le calcul des droits à pension au titre de ce régime spécial, et non au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 ;

- le décret n° 2014-712 du 27 juin 2014 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français ;

Considérant ce qui suit :

Il ressort des pièces du dossier que M.D..., bénéficiaire depuis le 29 septembre 2013 d'une pension de retraite servie par la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, a contesté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry le refus de cette caisse de prendre en compte, pour la détermination de la durée de service ouvrant droit à pension au titre de ce régime spécial de retraite, sa première année de scolarité à l'Ecole polytechnique, correspondant au temps de service national légal dû par sa classe d'âge, au motif qu'il avait, par ailleurs, droit à pension au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par un jugement du 10 février 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry a sursis à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur la question de la valeur juridique de la circulaire du ministre de l'emploi et de la solidarité du 3 mai 2002 relative à la validation des périodes de service national accomplies par des personnes ayant relevé successivement ou alternativement de plusieurs régimes de retraite des professions salariées et non salariées. Cette circulaire, prise " dans l'attente de la parution d'une disposition normative qui fixera les règles de coordination entre les divers régimes ", dispose que " (...) lorsque l'intéressé a droit à pension, d'une part, au titre du code des pensions civiles et militaires de retraites ou du décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et, d'autre part, au titre d'un autre régime spécial, le temps du service national légal est pris en compte prioritairement par le régime relevant dudit code ou dudit décret ".

Sur les fins de non-recevoir opposées par la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français :

2. En premier lieu, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry, en saisissant le Conseil d'Etat d'une question préjudicielle portant sur la " valeur juridique " de la circulaire du ministre de l'emploi et de la solidarité du 3 mai 2002, ne peut qu'être regardé comme ayant entendu renvoyer à la juridiction administrative la question de sa légalité et non une question portant sur son interprétation. Si, ainsi que le relève à juste titre la Caisse prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, ce jugement, intervenu antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles, n'a pu avoir, par lui-même, pour effet de saisir le Conseil d'Etat, M.D..., partie à l'instance judiciaire, a toutefois ultérieurement présenté devant le Conseil d'Etat des conclusions tendant à l'appréciation de la légalité de cette circulaire. Une telle requête, qui n'était au demeurant soumise à aucune condition de délai, était dispensée du ministère d'avocat au Conseil d'Etat en application du 2° de l'article R. 432-2 du code de justice administrative. Ainsi, la Caisse prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français n'est pas fondée à soutenir que le Conseil d'Etat ne serait pas régulièrement saisi.

3. En second lieu, il n'appartient pas à la juridiction administrative, saisie sur renvoi préjudiciel ordonné par l'autorité judiciaire, de trancher des questions autres que celles qui ont été renvoyées par cette autorité. En l'espèce, il ressort des énonciations du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry, ainsi qu'il a été dit, que celui-ci a entendu surseoir à statuer seulement jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité de la circulaire du ministre de l'emploi et de la solidarité du 3 mai 2002. Par suite, ne sont pas recevables les conclusions de la requête tendant à ce que le Conseil d'Etat déclare qu'il résulte de l'article 7 du décret du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français que la durée du service national légal doit être prise en compte dans le calcul des droits à pension au titre de ce régime spécial, et non au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Sur l'intervention de M.B... :

4. M.B..., qui a également contesté le refus de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français de prendre en compte, pour la détermination de la durée de service ouvrant droit à pension au titre de ce régime, sa première année de scolarité à l'Ecole polytechnique, justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de M.D.... Ainsi, son intervention est recevable dans la mesure où elle tend aux mêmes fins que les conclusions recevables de ce dernier. Elle est, en revanche, irrecevable pour le surplus.

Sur la légalité de la circulaire du 3 mai 2002 :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Les services pris en compte dans la constitution du droit à pension sont : / (...) 2° Les services militaires (...) ". Aux termes de l'article L. 11 du même code : " Les services pris en compte dans la liquidation de la pension sont : / 1° Pour les fonctionnaires civils, les services énumérés à l'article L. 5, exception faite des services militaires visés au 2° s'ils ont été rémunérés soit par une pension, soit par une solde de réforme (...) ". Il en découle que la période de service national légal peut être prise en compte pour la détermination des droits à pension au titre de ce code, sous réserve que cette même période ne soit pas simultanément prise en compte pour la détermination de droits à pension au titre d'un autre régime d'assurance vieillesse.

6. D'autre part, aux termes de l'article 7 du décret du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, dans sa rédaction antérieure au décret du 27 juin 2014 : " I. - La durée de service à prendre en compte pour la détermination du droit aux prestations définies par le présent règlement et pour le calcul de la pension est la durée de l'affiliation. / II. - Cette durée est augmentée : / 1° Du temps de service militaire ou de service national actif effectivement accompli par les intéressés dans la limite du temps de service légal dû par la classe à laquelle ils appartiennent par leur âge (...) ". Il résulte de ces dispositions que la période de scolarité accomplie sous statut militaire à l'Ecole polytechnique peut également être prise en compte pour la constitution et la liquidation des droits à pension au titre de ce régime spécial dans la limite du temps de service national légal dû par la classe d'âge.

7. Il résulte de ces dispositions, compte tenu en outre de ce qu'une même période ne saurait être prise en compte au titre de deux régimes de retraite différents, que la durée du service national légal, correspondant pour le requérant à la première année de sa scolarité à l'Ecole polytechnique, pouvait, dans l'état du droit applicable antérieurement à l'intervention du décret du 27 juin 2014, être prise en compte au choix du titulaire du droit à pension, soit pour la liquidation de la pension servie au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, soit pour la détermination des droits à pension au titre du régime spécial de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français. Dès lors, en l'absence de toute règle législative ou réglementaire de coordination entre les deux régimes de retraite en cause sur ce point, le ministre de l'emploi et de la solidarité n'avait pas compétence pour prescrire, par la circulaire litigieuse, qui n'était pas devenue caduque par l'effet du décret du 30 juin 2008, la prise en compte prioritaire de la durée du service national légal par le régime relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer que la règle de coordination entre régimes pour la prise en compte des périodes de service national lorsque l'intéressé a droit à pension, d'une part, au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, au titre du régime spécial de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, fixée par la circulaire litigieuse, était illégale. Le moyen, relevé d'office, tiré de l'incompétence du ministre de l'emploi et de la solidarité pour édicter une telle règle suffisant à l'entacher d'illégalité, il n'est pas nécessaire d'examiner les moyens de la requête de M.D....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de M. B...est admise dans la seule mesure où elle tend à ce que la circulaire du ministre de l'emploi et de la solidarité du 3 mai 2002 soit déclarée illégale.

Article 2 : Il est déclaré que la règle de coordination entre régimes pour la prise en compte des périodes de service national lorsque l'intéressé a droit à pension, d'une part, au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, au titre du régime spécial de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, fixée par la circulaire du ministre de l'emploi et de la solidarité du 3 mai 2002 relative à la validation des périodes de service national accomplies par des personnes ayant relevé successivement ou alternativement de plusieurs régimes de retraite des professions salariés et non salariés, était entachée d'illégalité.

Article 3 : Le surplus des conclusions la requête de M. D...est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...D..., à M. C...B..., à la Caisse prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 387940
Date de la décision : 07/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2016, n° 387940
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387940.20161007
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award