La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2016 | FRANCE | N°390679

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 05 octobre 2016, 390679


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 juin et 30 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Boréalis Chimie et Yara France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant à l'abrogation de l'article 2 du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008, modifié par le décret n° 2012-382 du 19 mars 2012, en tant que cet article pose une définition restrictive de la noti

on de procédé de réduction chimique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le v...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 juin et 30 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Boréalis Chimie et Yara France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant à l'abrogation de l'article 2 du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008, modifié par le décret n° 2012-382 du 19 mars 2012, en tant que cet article pose une définition restrictive de la notion de procédé de réduction chimique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ;

- le code des douanes ;

- la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 ;

- le décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 ;

- le décret n° 2012-382 du 19 mars 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Borealis Chimie et de la société Yara France et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat du ministre de l'économie et des finances ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 septembre 2016, présentée par le Premier ministre et le ministre de l'économie et des finances ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 septembre 2016, présentée par les sociétés Boréalis Chimie et Yara France ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du paragraphe 4 de l'article 2 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité : " La présente directive ne s'applique pas : / (...) b) aux utilisations ci-après des produits énergétiques et de l'électricité : / (...) - produits énergétiques à double usage. / Un produit énergétique est à double usage lorsqu'il est destiné à être utilisé à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant ou de combustible. L'utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l'électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est considérée comme un double usage ". Il résulte de ces dispositions que les produits énergétiques qui sont utilisés dans des procédés de réduction chimique sont réputés être à double usage et ne sont, en conséquence, pas soumis aux dispositions de la directive 2003/96/CE.

2. Aux termes de l'article 265 C du code des douanes : " I. Les produits énergétiques mentionnés à l'article 265 ne sont pas soumis aux taxes intérieures de consommation : / (...) 2° Lorsqu'ils font l'objet d'un double usage, c'est-à-dire lorsqu'ils sont utilisés à la fois comme combustible et pour des usages autres que carburant ou combustible. / Sont notamment considérés comme produits à double usage les combustibles utilisés dans des procédés métallurgiques, d'électrolyse ou de réduction chimique. Le bénéfice de la présente mesure est limité aux seules quantités de produits énergétiques utilisés pour ce double usage. / II. Les modalités d'application du I ainsi que les modalités du contrôle de la destination des produits et de leur affectation aux usages qui y sont mentionnés sont fixées par décret ". Par ces dispositions, le législateur, ainsi que le confirment les travaux préparatoires de l'article 62 de la loi de finances rectificative du 25 décembre 2007 dont elles sont issues, a entendu transposer la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003, et adapter en conséquence le champ d'application des taxes intérieures de consommation. Il suit de là et de ce qui est dit au 1 qu'il doit être regardé comme ayant visé, en prévoyant que la taxe intérieure de consommation ne s'appliquait pas aux " combustibles utilisés dans des ... procédés de réduction chimique ", l'ensemble des procédés de réduction chimique.

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 24 septembre 2008, pris pour l'application des dispositions du code des douanes citées au point 2 : " Pour l'application du 2° du I de l'article 265 C du code des douanes, (...), un produit énergétique est employé à un double usage lorsqu'à la fois il est utilisé comme combustible et lorsque sa combustion est une étape nécessaire à sa transformation en vue d'obtenir un autre produit, recherché par l'opérateur, dans le but de l'utiliser ". Aux termes de l'article 2 du même décret, dans sa rédaction issue de l'article 2 du décret du 19 mars 2012 qui fait l'objet du présent litige : " Sont considérés comme employés à un double usage au sens de l'article 1er du présent décret les produits énergétiques mentionnés à cet article qui sont utilisés pour les besoins d'un procédé de production faisant intervenir une opération de réduction chimique indispensable à l'obtention du produit final recherché. / 1° Les procédés de réduction chimique mentionnés au 2° du I de l'article 265 C du code des douanes s'entendent des procédés d'oxydo-réduction comportant une réaction endothermique, utilisés pour les besoins des activités de production classées dans la nomenclature des activités économiques dans la Communauté européenne telle qu'elle résulte du règlement (CEE) n° 1893/2006 du 20 décembre 2006 du Parlement européen et du Conseil établissant la nomenclature statistique des activités économiques NACE rév. 2 et modifiant le règlement (CEE) n° 3037/90 du Conseil ainsi que certains règlements (CE) relatifs à des domaines statistiques spécifiques, sous les rubriques suivantes : / (...) 2015 - Fabrication de produits azotés et d'engrais ".

4. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 et 2 ci-dessus que le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour inclure dans le champ d'application de la taxe intérieure de consommation les combustibles utilisés dans des procédés de réduction chimique ne comportant pas de réaction endothermique. Les dispositions de l'article 2 du décret du 24 septembre 2008, dans leur rédaction issue de l'article 2 du décret du 19 mars 2012, sont ainsi entachées d'illégalité en tant qu'elles limitent les procédés de réduction chimique aux seuls procédés d'oxydoréduction comportant une réaction endothermique.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que les sociétés Boréalis Chimie et Yara France sont fondées à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté leur demande tendant à ce que soit abrogé l'article 2 du décret du 24 septembre 2008, en tant qu'il limite les procédés de réduction chimique exclus du champ d'application de la taxe intérieur de consommation aux seuls procédés d'oxydoréduction comportant une réaction endothermique.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 3 000 euros à verser aux sociétés Boréalis Chimie et Yara France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des sociétés requérantes, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite du Premier ministre refusant d'abroger l'article 2 du décret du 24 septembre 2008, issu de l'article 2 du décret du 19 mars 2012, en tant qu'il limite les procédés de réduction chimique exclus du champ d'application de la taxe intérieur de consommation aux seuls procédés d'oxydoréduction comportant une réaction endothermique est annulée.

Article 2 : L'Etat versera aux sociétés Boréalis Chimie et Yara France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du Premier ministre et du ministre des finances et des comptes publics au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Boréalis Chimie et Yara France, au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 390679
Date de la décision : 05/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 oct. 2016, n° 390679
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:390679.20161005
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award