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27/07/2016 | FRANCE | N°394518

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 27 juillet 2016, 394518


Vu la procédure suivante :

La caisse de retraite Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la retenue à la source à laquelle ont été soumis les dividendes de source française qu'elle a perçus en 2003 et 2004 et, à titre subsidiaire, de prononcer la restitution partielle de cette imposition en appliquant le taux réduit prévu par la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance

administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu...

Vu la procédure suivante :

La caisse de retraite Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la retenue à la source à laquelle ont été soumis les dividendes de source française qu'elle a perçus en 2003 et 2004 et, à titre subsidiaire, de prononcer la restitution partielle de cette imposition en appliquant le taux réduit prévu par la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 21 juillet 1959. Par un jugement nos 0704632, 0808091 du 11 février 2010, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions principales de cette demande et fait droit à ses conclusions subsidiaires.

Par un arrêt n°s 10VE01167, 10VE01909 du 3 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours du ministre délégué, chargé du budget, contre ce jugement et, sur l'appel de la caisse de retraite, annulé ce jugement en tant qu'il rejeté ses conclusions principales et prononcé la restitution du solde de la retenue à la source litigieuse.

Par une décision n° 361842 du 30 décembre 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Versailles.

Par un arrêt n° 15VE00141 du 29 septembre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de la caisse de retraite ainsi que le recours du ministre délégué, chargé du budget, contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 novembre 2015 et le 16 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté son recours.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la caisse de retraite Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du a) du 4 du (1) de l'article 2 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 : " Au sens de la présente Convention, on entend par " résident d'un Etat contractant " toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère ". Aux termes de l'article 9 de la même convention : " (1) Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. / (2) Chacun des Etats contractants conserve le droit de percevoir l'impôt sur les dividendes par voie de retenue à la source, conformément à sa législation. Toutefois, ce prélèvement ne peut excéder 15 p. cent du montant brut des dividendes. (...) ".

2. Les stipulations de l'article 2 de la convention franco-allemande citées ci-dessus doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but. Il résulte des termes mêmes de ces stipulations, qui définissent le champ d'application de la convention, conformément à son objet principal qui est d'éviter les doubles impositions, que les personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt en cause par la loi de l'Etat concerné à raison de leur statut ou de leur activité ne peuvent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations. D'ailleurs, le (4) de l'article 25 b de cette convention précise, s'agissant des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, qu'ils peuvent bénéficier de certaines stipulations de celle-ci, alors même qu'ils ne seraient pas assujettis à un impôt visé à l'article 1er de la convention. Les stipulations de cet article 1er, selon lesquelles son but est " de protéger les résidents de chacun des Etats contractants contre les doubles impositions qui pourraient résulter de la législation de ces Etats en matière d'impôts prélevés directement sur le revenu ", qui se bornent à constater que des situations de double imposition pourraient, selon les règles fiscales adoptées par chaque Etat partie, résulter de l'application combinée de celles-ci, n'impliquent pas, contrairement à ce qui est soutenu en défense, que ses auteurs aient entendu la rendre applicable à un contribuable, exonéré d'impôt dans l'Etat où il est établi, qui pourrait faire l'objet d'une double imposition s'il y était effectivement assujetti. Dès lors, une personne exonérée d'impôt dans un Etat contractant à raison de son statut ou de son activité ne peut être regardée comme assujettie à cet impôt au sens du a) du 4 du (1) de l'article 2 de cette convention, ni, par voie de conséquence, comme résident de cet Etat pour l'application de la convention.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin (VZB), organisme de retraite des dentistes de Berlin, ayant son siège en Allemagne, a perçu, en 2003 et 2004, des dividendes de sociétés françaises qui ont été soumis à une retenue à la source au taux de 25 % en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et du 1 de l'article 187 du code général des impôts. Il a demandé le remboursement de ces retenues en invoquant une méconnaissance de la libre circulation des capitaux et, à titre subsidiaire, leur restitution partielle en se prévalant du taux de 15 % prévu par les stipulations de l'article 9 de la convention franco-allemande citées au point 1 ci-dessus. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 29 septembre 2015, rendu sur le renvoi du Conseil d'Etat statuant au contentieux, en tant qu'après avoir rejeté l'appel du VZB tendant au remboursement total de ces retenues, il a rejeté son recours dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 11 février 2010 en tant qu'il a, faisant application des stipulations conventionnelles, fait droit à la demande subsidiaire de restitution partielle qu'il avait présentée.

4. Devant la cour, le ministre soutenait que le VZB ne pouvait pas être regardée comme étant résident d'Allemagne au sens des stipulations de l'article 2 de cette convention dès lors que, exonéré d'impôt sur les sociétés dans cet Etat, il n'y était pas effectivement assujetti à l'impôt. Pour confirmer, par l'arrêt attaqué, le jugement du 11 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil avait fait droit à la demande de restitution partielle présentée par le VZB, la cour a jugé que cette convention ne contenait aucune définition de la notion de résident subordonnant l'assujettissement à l'impôt dans un Etat contractant au fait de ne pas en être exonéré et que la qualité d'assujetti à l'impôt devait être appréciée au regard de la loi de l'Etat dont la personne qui revendique le bénéfice de ces stipulations soutient être le résident. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu'en statuant ainsi, elle a commis une erreur de droit. Par suite, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a rejeté son recours.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 4 ci-dessus que le VZB, qui, n'étant pas assujetti à l'impôt en Allemagne, ne peut être regardé comme résident de cet Etat au sens de l'article 2 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959, ne peut dès lors invoquer le bénéfice des stipulations de l'article 9 de cette convention, citées au point 1. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Montreuil a accordé au VZB la restitution partielle des retenues litigieuses par application du taux réduit de 15 % prévu par cet article.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 29 septembre 2015 est annulé en tant qu'il a rejeté le recours du ministre des finances et des comptes publics.

Article 2 : La retenue à la source à laquelle ont été soumis les dividendes de source française perçus en 2003 et 2004 par le Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin est remise à sa charge à hauteur des montants de 1 811 euros pour l'année 2003 et 48 698 euros pour l'année 2004 dont le tribunal administratif de Montreuil lui avait accordé la restitution.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 11 février 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Les conclusions présentées par la Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la caisse de retraite Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 394518
Date de la décision : 27/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2016, n° 394518
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon Chassard
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:394518.20160727
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