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27/07/2016 | FRANCE | N°393272

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 juillet 2016, 393272


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 septembre 2015 et 1er mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'étendre l'avenant n° 38 du 6 mai 2013 à la convention collective nationale de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagi

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 septembre 2015 et 1er mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'étendre l'avenant n° 38 du 6 mai 2013 à la convention collective nationale de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale : " A moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé ". Aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail, applicable à l'avenant objet du présent litige en vertu de l'article L. 911-3 du code de la sécurité sociale : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, répondant aux conditions particulières déterminées par la sous-section 2, peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective. (...) ".

2. D'autre part, aux termes de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à sa modification par la loi du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 : " Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l'article L. 911-1 prévoient une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture auprès d'un ou plusieurs organismes mentionnés à l'article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou d'une ou plusieurs institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances, auxquels adhèrent alors obligatoirement les entreprises relevant du champ d'application de ces accords, ceux-ci comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités d'organisation de la mutualisation des risques peuvent être réexaminées. La périodicité du réexamen ne peut excéder cinq ans. / Lorsque les accords mentionnés ci-dessus s'appliquent à une entreprise qui, antérieurement à leur date d'effet, a adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, les dispositions du second alinéa de l'article L. 132-23 du code du travail sont applicables ".

3. Par sa décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors en vigueur, contraire à la Constitution. Il a énoncé que cette déclaration d'inconstitutionnalité prenait effet à compter de la publication de sa décision mais n'était pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité.

4. Le Conseil constitutionnel a ainsi entendu préserver l'application jusqu'à leur terme, tel qu'il résulte de leurs stipulations et des dispositions du premier alinéa de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, des actes contractuels déjà conclus sur le fondement de cet article, en vertu desquels les entreprises ont une obligation d'adhésion à un organisme ou une institution chargé de la mutualisation des risques dont ces accords organisent la couverture. En revanche, sa décision fait obstacle à ce que l'autorité ministérielle puisse légalement, après la date à laquelle sa déclaration d'inconstitutionnalité a pris effet, étendre les stipulations d'un accord prévoyant une telle obligation d'adhésion et ainsi l'imposer à des entreprises qui, n'étant pas adhérentes à l'une des organisations d'employeurs signataires de l'accord, n'étaient pas liées par celui-ci.

5. Les parties à l'avenant n° 38 du 6 mai 2013 à la convention collective nationale de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978 ont introduit dans cette convention un article 26 ter dont les points 8 et 9 désignent l'institution de prévoyance AG2R Prévoyance comme organisme assureur du régime institué par l'avenant en matière de remboursement de frais de soins de santé, en précisant que : " La désignation sera réexaminée dans un délai maximum de cinq ans à compter de la date d'effet du présent régime ", que : " l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la présente convention collective nationale (...) et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné ont un caractère obligatoire " et que : " ces dispositions s'appliquent y compris pour les entreprises ayant déjà souscrit un contrat de frais de soins de santé auprès d'un autre organisme assureur au jour de l'entrée en vigueur du présent régime, quel que soit le niveau de garantie appliqué ".

6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, contrairement à ce que soutient la confédération requérante, le ministre chargé du travail, à la date du 21 août 2015 à laquelle il s'est prononcé, postérieure à la publication de la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, était tenu de refuser d'étendre l'avenant n° 38 prévoyant l'obligation, pour les entreprises relevant du champ d'application de la convention, d'adhérer à l'organisme assureur qu'il désigne, alors même que cet avenant a été conclu le 6 mai 2013. Il suit de là que les autres moyens de la requête sont sans incidence sur la légalité de la décision de refus attaquée.

7. Il résulte de ce qui précède que la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée du 21 août 2015.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 393272
Date de la décision : 27/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2016, n° 393272
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:393272.20160727
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