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22/07/2016 | FRANCE | N°400655

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 22 juillet 2016, 400655


Vu la procédure suivante :

M. A...B..., à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2016 de la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Metz, a produit un mémoire, enregistré le 3 juin 2016 auprès du secrétariat du Haut conseil du commissariat aux comptes, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une décision du 9 juin 2016, enregistrée le 14 juin 2016 au secrétariat du

contentieux du Conseil d'Etat, le Haut conseil du commissariat aux comptes...

Vu la procédure suivante :

M. A...B..., à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2016 de la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Metz, a produit un mémoire, enregistré le 3 juin 2016 auprès du secrétariat du Haut conseil du commissariat aux comptes, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une décision du 9 juin 2016, enregistrée le 14 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Haut conseil du commissariat aux comptes, avant qu'il soit statué sur la demande de M. B..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 822-6, L. 822-7 et L. 822-8 du code de commerce.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-6 du code de commerce, alors en vigueur : " La commission régionale d'inscription, constituée en chambre régionale de discipline, connaît de l'action disciplinaire intentée contre un commissaire aux comptes membre d'une compagnie régionale, quel que soit le lieu où les faits qui lui sont reprochés ont été commis " ; qu'aux termes de l'article L. 822-7 du même code, alors en vigueur : " La chambre régionale de discipline peut être saisie par le garde des sceaux, ministre de la justice, le procureur de la République, le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ou le président de la compagnie régionale. / Outre les personnes déterminées par décret en Conseil d'Etat, le président de l'Autorité des marchés financiers peut saisir le procureur général aux fins d'exercice de l'action disciplinaire. Lorsqu'il a exercé cette faculté, il ne peut siéger dans la formation disciplinaire du Haut Conseil saisi de la même procédure. / Les décisions de la chambre régionale de discipline sont susceptibles de recours devant le Haut Conseil du commissariat aux comptes, à l'initiative des autorités mentionnées au présent article ainsi que du professionnel intéressé. / Un magistrat de l'ordre judiciaire, désigné par le garde des sceaux, ministre de la justice, appartenant au parquet général ou au parquet, exerce les fonctions de ministère public auprès de chaque chambre régionale et auprès du Haut Conseil statuant en matière disciplinaire. / Les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 822-8 du même code, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction temporaire pour une durée n'excédant pas cinq ans ; / 4° La radiation de la liste. / Il peut être aussi procédé au retrait de l'honorariat. / L'avertissement, le blâme ainsi que l'interdiction temporaire peuvent être assortis de la sanction complémentaire de l'inéligibilité aux organismes professionnels pendant dix ans au plus. / La sanction de l'interdiction temporaire peut être assortie du sursis. La suspension de la peine ne s'étend pas à la sanction complémentaire prise en application de l'alinéa précédent. Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la sanction, le commissaire aux comptes a commis une infraction ou une faute ayant entraîné le prononcé d'une nouvelle sanction disciplinaire, celle-ci entraîne, sauf décision motivée, l'exécution de la première sanction sans confusion possible avec la seconde. / Lorsqu'ils prononcent une sanction disciplinaire, le Haut Conseil et les chambres régionales peuvent décider de mettre à la charge du commissaire aux comptes tout ou partie des frais occasionnés par les inspections ou contrôles ayant permis la constatation des faits sanctionnés " ;

3. Considérant que M. B...soutient qu'en ne proscrivant pas que les sanctions disciplinaires qu'elles prévoient puissent se cumuler avec d'autres sanctions disciplinaires, des sanctions administratives et des sanctions pénales, ces dispositions, par leur silence sur ce point, méconnaissent le principe non bis in idem et le principe de nécessité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

4. Considérant, en premier lieu, que le requérant, qui se borne à critiquer le silence des dispositions législatives citées au point 2 quant aux modalités de cumul des sanctions disciplinaires applicables aux commissaires aux comptes avec d'autres sanctions, ne critique pas, par le même mémoire, les dispositions législatives instituant des poursuites ou des sanctions spécifiques dont il estimerait qu'elles tendent à réprimer le même comportement en méconnaissance des principes constitutionnels qu'il invoque ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le principe de nécessité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature disciplinaire, administrative ou pénale en application de corps de règles distincts ; qu'il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que des dispositions législatives ne proscrivant pas, comme les dispositions critiquées, le cumul de sanctions prononcées par diverses juridictions disciplinaires, une juridiction administrative et une juridiction pénale ne sont pas, de ce seul fait, contraires au principe de nécessité des délits et des peines dès lors, notamment, qu'il appartient aux autorités juridictionnelles et disciplinaires compétentes de veiller au respect de l'exigence selon laquelle, lorsque plusieurs sanctions de même nature prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ;

6. Considérant, enfin, d'une part, que les dispositions du titre II du livre VIII du code de commerce soumettent les commissaires aux comptes à l'obligation de respecter un ensemble d'obligations légales, réglementaires et déontologiques qui constitue un corps de règles propre à la profession ; qu'en vertu de l'article L. 821-1 du code de commerce le Haut conseil du commissariat aux comptes, autorité publique indépendante, a pour mission d'assurer la surveillance de cette profession et de veiller, au regard de ce corps de règles, au respect de la déontologie et de l'indépendance des commissaires aux comptes ; que les sanctions disciplinaires prononcées à ce titre par les chambres régionales de discipline et le Haut conseil statuant en matière disciplinaire mentionnés au point 2 visent ainsi à protéger les intérêts sociaux propres à la profession ;

7. Considérant, d'autre part, que ces sanctions sont d'une nature spécifique et ne sauraient être prononcées par d'autres autorités disciplinaires ou juridictions pénales ou administratives ; que par suite, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions litigieuses ne méconnaissent pas le principe non bis in idem en n'interdisant pas, notamment, le cumul des sanctions qu'elles prévoient avec des sanctions disciplinaires susceptibles d'être prononcées par un autre ordre professionnel, dès lors que les organes disciplinaires sont spécifiques aux professions en cause et contrôlent, chacun, le respect des règles propres à la profession qu'ils représentent ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au Haut conseil du commissariat aux comptes.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 400655
Date de la décision : 22/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2016, n° 400655
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:400655.20160722
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