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13/07/2016 | FRANCE | N°387711

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 13 juillet 2016, 387711


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février 2015 et 31 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 7 décembre 2014 par laquelle le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du préambule et du chapitre V du titre XIV de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels ;

2°) d'abroger le préambule et

le chapitre V du titre XIV de la deuxième partie de la nomenclature générale des acte...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février 2015 et 31 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 7 décembre 2014 par laquelle le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du préambule et du chapitre V du titre XIV de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels ;

2°) d'abroger le préambule et le chapitre V du titre XIV de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, ainsi que l'arrêté du 4 octobre 2000 modifiant cette nomenclature ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, l'article 16-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, désormais codifié à l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, dispose que : " L'autorité compétente est tenue, d'office ou à la demande d'une personne intéressée, d'abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ". L'autorité administrative compétente pour abroger un acte réglementaire est celle qui, à la date de l'abrogation, est compétente pour prendre cet acte.

2. D'autre part, l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale dispose que : " La prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé, dans le cadre d'un exercice libéral ou d'un exercice salarié auprès d'un autre professionnel de santé libéral, ou en centre de santé ou dans un établissement ou un service médico-social, ainsi que (. ..) d'un exercice salarié dans un établissement de santé, à l'exception des prestations mentionnées à l'article L. 165-1, est subordonné à leur inscription sur une liste établie dans les conditions fixées au présent article. L'inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect d'indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l'état du patient ainsi qu'à des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation (...) / (...) / Les conditions d'inscription d'un acte ou d'une prestation, leur inscription et leur radiation sont décidées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (...) / Les décisions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie sont réputées approuvées sauf opposition motivée des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, le collège des directeurs de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, par une décision du 11 mars 2005, a arrêté la liste des actes et prestations pris en charge ou remboursés par l'assurance maladie, en prévoyant à son livre III que les actes des auxiliaires médicaux continueraient de relever des dispositions de l'arrêté interministériel du 27 mars 1972 modifié relatif à la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux, sous réserve des modifications que cette décision y apporte. Ainsi, alors même que la liste des actes réalisés par les masseurs-kinésithérapeutes susceptibles d'être pris en charge ou remboursés par l'assurance maladie résulte de l'arrêté interministériel du 27 mars 1972 modifié, seule l'Union nationale des caisses d'assurance maladie a compétence pour l'abroger ou la modifier.

3. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., masseur-kinésithérapeute, a demandé au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, par un courrier reçu le 7 octobre 2014, d'abroger le préambule et le chapitre V du titre XIV de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels. Il doit être regardé comme demandant l'annulation du refus implicite de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, à laquelle le ministre est réputé avoir transmis sa demande en vertu de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 alors applicable, d'abroger les dispositions qu'il critique.

Sur les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision de refus d'abrogation :

4. En premier lieu, aux termes du préambule du titre XIV de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, concernant les actes de rééducation et de réadaptation fonctionnelles : " (...) Sauf exceptions prévues dans le texte, la durée des séances est de l'ordre de trente minutes (...) ".

5. Ces dispositions ont pour seul objet de fixer aux séances de rééducation et de réadaptation fonctionnelles, et non aux actes qui peuvent être pratiqués à leur occasion, une durée moyenne approximative de référence. Ni la circonstance qu'elles n'ont pas été modifiées depuis l'arrêté du 4 octobre 2000 modifiant la nomenclature générale des actes professionnels, ni celle que certains actes doivent avoir une durée inférieure ne sont par elles-mêmes de nature à établir qu'elles seraient devenues illégales. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard, en particulier, des données acquises de la science, telles qu'elles ressortent notamment des recommandations de bonnes pratiques élaborées par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, puis par la Haute Autorité de santé. Ces dispositions ne peuvent davantage, eu égard à leur objet, être regardées comme méconnaissant les dispositions de l'article R. 4321-59 du code de la santé publique, selon lesquelles le masseur-kinésithérapeute est, dans les limites fixées par la loi, libre de ses actes qui sont ceux qu'il estime les plus appropriés en la circonstance. Par suite, M. B..., qui ne demande pas l'introduction d'exceptions à cette règle mais en critique le principe, n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions, compte tenu de l'évolution des modalités et techniques gouvernant l'exercice des actes pratiqués par les masseurs-kinésithérapeutes, seraient désormais illégales.

6. En deuxième lieu, aux termes du même préambule : " (...) Hormis les modalités particulières de traitement prévues par le chapitre III, le masseur-kinésithérapeute (...) se consacre exclusivement à son patient (...) ".

7. Si ces dispositions excluent, en principe, la prise en charge simultanée de plusieurs patients, elles admettent toutefois des aménagements à cette règle. Ainsi, le chapitre III du titre XIV de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, auquel elles renvoient, prévoit la mise en oeuvre de traitements de groupe, ainsi que de traitements de deux ou trois patients conduits en parallèle. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces dispositions seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard, en particulier, des données acquises de la science.

8. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale citées au point 2 que la prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie des actes réalisés par les masseurs-kinésithérapeutes est soumise à la même exigence d'inscription à la nomenclature générale des actes professionnels ainsi que, le cas échéant, à un identique respect des conditions particulières de réalisation prévues par cette nomenclature, que le masseur-kinésithérapeute exerce dans un cadre libéral ou dans un centre de santé. A supposer que M. B...entende soutenir que l'existence de certaines règles de la nomenclature générale des actes professionnels applicables aux actes plus particulièrement accomplis dans des centres de rééducation, notamment le chapitre V du titre XIV, méconnaîtrait le principe d'égalité devant les charges publiques, il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé. En outre, s'il soutient qu'il ne serait pas fait une application identique des règles fixées au préambule et au chapitre V de ce titre XIV aux masseurs-kinésithérapeutes exerçant dans un cadre libéral et à ceux exerçant dans un centre de rééducation, cette circonstance, à la supposer établie, est par elle-même sans incidence sur la légalité des dispositions contestées.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision rejetant sa demande tendant à l'abrogation du préambule et du chapitre V du titre XIV de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels.

Sur les autres conclusions de M.B... :

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions par lesquelles M. B...demande l'abrogation des dispositions qu'il critique ainsi que de l'arrêté du 4 octobre 2000 modifiant la nomenclature générale des actes professionnels, qui doivent être regardées comme tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie de procéder à une telle abrogation, ne peuvent qu'être rejetées.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 387711
Date de la décision : 13/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2016, n° 387711
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387711.20160713
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