Vu les procédures suivantes :
1° Par une requête, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mars et 11 juin 2015 et les 5 avril et 17 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 388648, l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-21 du 12 janvier 2015 relatif à la composition du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 janvier 2015 du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes portant répartition des représentants des organisations syndicales au sein du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mars 2015 et 8 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 388659, la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) et M. A...B...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-21 du 12 janvier 2015 relatif à la composition du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ;
2°) subsidiairement, d'annuler l'article 1er de ce décret ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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3° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 avril 2015 et 4 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 389300, la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) et M. A...B...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 janvier 2015 du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes portant répartition des représentants des organisations syndicales au sein du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de l'Union nationale des professions libérales, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la Chambre nationale des professions libérales, et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Caisse autonome de retraite des médecins de France et de M.B... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 juin 2016, présentée par le ministre des affaires sociales et de la santé ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes présentées par l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) et la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) sont dirigées contre le même décret et l'arrêté pris pour son application. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes de l'article L. 641-4 du code de la sécurité sociale : " La Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales est administrée par un conseil d'administration composé des présidents de ses sections professionnelles et de six représentants des organisations syndicales interprofessionnelles des professions libérales. / (...) Un décret fixe les conditions d'application du présent article, et notamment les conditions de désignation des représentants des organisations syndicales et la fixation du nombre de voix de chacun des administrateurs. ". Aux termes du II de l'article D. 641-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret attaqué du 12 janvier 2015 : " Les six sièges des représentants des organisations syndicales interprofessionnelles des professions libérales sont répartis, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, en fonction des voix obtenues par chacune d'entre elles aux dernières élections mentionnées aux articles R. 611-28 et suivants. Il est affecté deux sièges à l'organisation ayant obtenu le plus grand nombre de voix, les autres sièges étant répartis suivant la règle de la plus forte moyenne (...) ". L'arrêté du 14 janvier 2015, également attaqué, attribue ainsi quatre de ces sièges à l'UNAPL et deux à la Chambre nationale des professions libérales (CNPL).
3. En application du II de l'article D. 641-2 du code de la sécurité sociale, les sièges dévolus aux organisations syndicales interprofessionnelles des professions libérales au sein du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) sont répartis sur la base des résultats des élections aux conseils d'administration des caisses de base propres aux professions libérales du régime social des indépendants (RSI), selon la formule définie par ces dispositions. Toutefois, il est constant que les praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés qui représentent une part significative des professionnels affiliés à la CNAVPL, de l'ordre de la moitié, ne sont pas affiliés au régime social des indépendants et ainsi ne participent pas aux élections des conseils d'administration des caisses de base de ce régime. Si, en application de l'article L. 641-4 du code de la sécurité sociale, le pouvoir réglementaire disposait d'une grande latitude pour arrêter la répartition adéquate des sièges entre les organisations syndicales interprofessionnelles des professions libérales appelées à siéger au sein du conseil d'administration de la CNAVPL, il a commis une erreur de droit en se fondant de façon exclusive, et au surplus par application de règles de répartition purement arithmétiques, sur les résultats de ces élections qui n'assurent pas la représentation d'une fraction substantielle des professionnels concernés, quand bien même aucun autre scrutin n'a pour corps électoral l'ensemble des professionnels affiliés à la CNAVPL.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes, que l'UNAPL et la CARMF sont fondés à demander l'annulation du décret du 12 janvier 2015 relatif à la composition du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2015 du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes portant, en application de ce décret, répartition des représentants des organisations syndicales au sein de ce conseil d'administration.
5. L'annulation rétroactive du décret et de l'arrêté attaqués serait susceptible d'affecter la légalité de l'ensemble des délibérations prises par le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, depuis la date de son installation, ainsi que de l'ensemble des actes réglementaires pris après avis de ce conseil. Compte tenu du caractère excessif de telles conséquences, il y a lieu, ainsi que le fait valoir le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et quel que puisse être le bien-fondé des autres moyens soulevés par les requérants, d'une part, de différer l'effet des annulations ainsi prononcées jusqu'au 1er octobre 2016 et, d'autre part, de prévoir que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, les effets du décret et de l'arrêté attaqués antérieurement à leur annulation doivent être regardés comme définitifs.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme 1 500 euros à verser respectivement à l'UNAPL et à la CARMF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret n° 2015-21 du 12 janvier 2015 relatif à la composition du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et l'arrêté du 14 janvier 2015 du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes portant répartition des représentants des organisations syndicales au sein du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales sont annulés. Cette annulation prendra effet le 1er octobre 2016.
Article 2 : Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, les effets produits par le décret du 12 janvier 2015 et l'arrêté 14 janvier 2015 antérieurement à leur annulation sont regardés comme définitifs.
Article 3 : L'Etat versera à l'UNAPL et à la CARMF une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des professions libérales, à la Caisse autonome de retraite des médecins de France et à la ministre des affaires sociales et de la santé.