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08/07/2016 | FRANCE | N°376344

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 08 juillet 2016, 376344


Vu la procédure suivante :

L'association chabannaise pour la qualité de vie, M. I...-K...G..., M. C... B..., Mme F...D...et Mme E...H...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 février 2007 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a délivré un permis de construire à la société Eco Delta Développement pour la construction de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Par un jugement n° 0705546 du 25 février 2009, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 09MA01499 du 31 ma

rs 2011, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie en appel par les m...

Vu la procédure suivante :

L'association chabannaise pour la qualité de vie, M. I...-K...G..., M. C... B..., Mme F...D...et Mme E...H...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 février 2007 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a délivré un permis de construire à la société Eco Delta Développement pour la construction de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Par un jugement n° 0705546 du 25 février 2009, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 09MA01499 du 31 mars 2011, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie en appel par les mêmes requérants, a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté litigieux.

Par une décision nos 349747-349895 du 13 juillet 2012, le Conseil d'Etat a, sur la requête de la société Eco Delta Développement et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un arrêt n° 12MA03203 du 16 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a, d'une part, rejeté la requête de l'association chabannaise pour la qualité de vie et de M. B...et, d'autre part, annulé le jugement du tribunal administratif ainsi que l'arrêté litigieux.

Par un pourvoi, enregistré le 13 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eco Delta Développement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 janvier 2014 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'association chabannaise pour la qualité de la vie, de MM. B...et G...et J...A...D...etH..., une somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Guilhemsans, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Eco Delta Développement et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'association chabannaise pour la qualité de vie ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 juin 2016, présentée par la société Eco Delta Développement ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 23 février 2007, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a délivré à la société Eco Delta Développement un permis de construire un parc éolien composé de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donnat ; que, par un jugement du 25 février 2009, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de l'association chabannaise pour la qualité de vie, MM. B...et G...et A...D...et H...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ; que, par une décision nos 349747-349895 du 13 juillet 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 31 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 23 février 2007 ; que la société Eco Delta Développement se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, sur renvoi du Conseil d'Etat, a annulé ce jugement et cet arrêté ;

Sur le pourvoi principal :

2. Considérant qu'en prenant en compte, pour apprécier si M.G..., Mme D... et Mme H...justifiaient d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour contester l'arrêté litigieux, la visibilité des éoliennes depuis le quartier du Thoron, où résidaient M. G...et MmeD..., et depuis la place du village de Châteauneuf-Val-Saint-Donnat, où se situait la propriété de MmeH..., et non depuis l'habitation de chacune de ces personnes, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Eco Delta Développement est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il annule, sur leur requête, le jugement et l'arrêté litigieux ;

Sur le pourvoi provoqué :

3. Considérant qu'un pourvoi provoqué est recevable, dès lors que le pourvoi principal est accueilli, que les conclusions ne soulèvent pas un litige distinct et que la décision rendue sur le pourvoi principal est susceptible d'aggraver la situation de l'auteur du pourvoi provoqué ; que, d'une part, les conclusions du pourvoi provoqué de l'association chabannaise pour la qualité de vie, qui tendent à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation du jugement et de l'arrêté litigieux, ne soulèvent pas un litige distinct du pourvoi principal, tendant à l'annulation du même arrêt en tant qu'il annule le même jugement et le même arrêté ; que, d'autre part, l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il annule le jugement et l'arrêté litigieux, est susceptible de conduire au rejet des conclusions présentées en appel par l'association et, par suite, d'aggraver sa situation ; que, dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par la société Eco Delta Développement doit être écartée ;

4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'association chabannaise pour la qualité de vie ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté du 23 février 2007, la cour s'est fondée sur la circonstance que l'objet de cette association, tel que défini par ses statuts, ne précisait pas de ressort géographique, ce dont elle a déduit que l'association avait un champ d'action " national " et qu'elle n'était donc pas recevable à demander l'annulation d'un arrêté ayant des effets " exclusivement locaux " ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, en l'absence de précisions sur le champ d'intervention de l'association dans les stipulations de ses statuts définissant son objet, d'apprécier son intérêt à agir au regard de son champ d'intervention, en prenant en compte les indications fournies sur ce point par les autres stipulations de ses statuts, notamment par le titre de l'association et les conditions d'adhésion, éclairées, le cas échéant, par d'autres pièces du dossier qui lui était soumis, la cour a commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé, sauf en tant qu'il rejette la requête en tant qu'elle émane de M. B...;

6. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire. " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond dans cette mesure ;

Sur la requête d'appel ;

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par la société Eco Delta Développement :

7. Considérant, en premier lieu, que les photomontages produits par M. G..., Mme D...et Mme H...devant le Conseil d'Etat permettent d'établir que les éoliennes seront directement visibles depuis leurs propriétés respectives ; qu'ils justifient, dès lors, d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire délivré à la société Eco-Delta Développement ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que l'association chabannaise pour la qualité de vie, qui a son siège à Châteauneuf-Val-Saint-Donnat, est ainsi dénommée par référence aux " Chabannes ", qui désignent à la fois un quartier de ce village ainsi que le vallon où il se situe ; qu'elle a pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts : " la protection de la nature et de l'environnement, la défense concernant la mise en valeur du patrimoine et la protection contre les nuisances diverses " ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la société, elle justifie, au regard de son champ d'intervention, géographique comme matériel, d'un intérêt lui donnant qualité pour contester l'arrêté accordant un permis de construire un parc éolien sur le territoire de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donnat et, en conséquence, pour relever appel du jugement attaqué ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le jugement du 25 février 2009 du tribunal administratif de Marseille a été notifié le 10 mars suivant à l'association chabannaise pour la qualité de vie ; que, dès lors, la société Eco Delta Développement n'est pas fondée à soutenir que sa requête d'appel, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 27 avril 2009, serait tardive faute d'avoir été introduite dans le délai de recours prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'association chabannaise pour la qualité de vie a adressé, par lettre recommandée avec accusé de réception, une copie de la requête d'appel le 27 avril 2009 au préfet des Alpes-de-Haute-Provence et, le lendemain, à la société Eco Delta Développement ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, qui n'imposent pas que soient jointes à la requête les pièces qui y sont annexées, doit être écartée ;

En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :

11. Considérant qu'aux termes de l'article ND1-b du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donnat : " Ne sont admises que les occupations et utilisations du sol suivantes : (...) Excepté dans les secteurs NDa et NDv, les ouvrages techniques d'intérêt public, à condition qu'ils soient compatibles avec les occupations du sol destinées à l'exploitation du milieu, notamment vis à vis des nuisances engendrées (...). " ; qu'aux termes de l'article ND2 : " Sont interdites toutes les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article ND1 " ; qu'aux termes de l'article ND13, intitulé " Espaces libres, plantations, espaces boisés classés " : " Les plantations existantes doivent être maintenues, sauf si elles entravent la pratique agricole ou pour les besoins d'une bonne gestion forestière " ;

12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que sont admis en zone ND du plan d'occupation des sols les ouvrages techniques d'intérêt public, sous réserve, d'une part, qu'ils soient compatibles avec les occupations du sol destinées à l'exploitation du milieu, et, d'autre part, qu'ils soient conciliables avec les prescriptions du plan d'occupation des sols applicables à cette zone naturelle à protéger ; que si le projet envisagé, qui a pour objet de satisfaire un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public, peut être regardé comme un ouvrage technique d'intérêt public, il ressort des pièces du dossier que sa réalisation nécessite la suppression, sur l'emprise de la future construction, de trois hectares de plantations protégées au titre de l'article ND 13 du règlement du plan d'occupation des sols ; que, dès lors, et alors même que l'absence de revégétalisation de certains espaces après travaux constituerait un choix technique opéré par la société Eco Delta Développement dans l'intérêt de la protection du milieu naturel, l'arrêté contesté méconnaît les prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols citées ci-dessus ; qu'eu égard à la portée de l'article ND 13, et à l'ampleur des destructions nécessitées par le projet litigieux, il n'est pas établi que ce vice pourrait être régularisé par un permis modificatif ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2007 ; que, pour l'application de l'article L.600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature, en l'état du dossier soumis au Conseil d' Etat, à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué ;

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association chabannaise pour la qualité de vie et de M. G..., Mme D...et MmeH..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Eco Delta Développement, au titre du même article, la somme de 1 000 euros chacun, à verser à l'association chabannaise pour la qualité de vie, à M. G..., à Mme D...et à Mme H...;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 16 janvier 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille, sauf en tant qu'il rejette la requête d'appel en tant qu'elle émane de M.B..., et le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 février 2009 sont annulés.

Article 2 : L'arrêté du 23 février 2007 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence est annulé.

Article 3 : La société Eco Delta Développement versera une somme de 1000 euros chacun, à l'association chabannaise pour la qualité de vie, à M. G..., à Mme D...et à MmeH..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Eco Delta Développement, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Eco Delta Développement, à l'association chabannaise pour la qualité de vie, à M. I...-C...G..., à Mme E...H...et à Mme F...D.... Copie en sera adressée à M. C...B...et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 376344
Date de la décision : 08/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 376344
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Françoise Guilhemsans
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:376344.20160708
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