Vu la procédure suivante :
M. K...D...et Mme J...C...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le second tour des opérations électorales qui se sont déroulées les 22 et 29 mars 2015 en vue de l'élection au conseil départemental dans le canton d'Orange (Vaucluse). Par un jugement n° 1501030 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif a annulé ces opérations électorales.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre et 9 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...F...et Mme L...G...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la protestation de M. D...et Mme C...;
3°) de mettre à la charge de M. D...et de Mme C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. F...et de Mme G...et à la SCP Le Griel, avocat de M. D...et de Mme C...;
1. Considérant qu'à l'issue du second tour de scrutin des opérations électorales qui se sont déroulées les 22 et 29 mars 2015 en vue de la désignation des conseillers départementaux du canton d'Orange (Vaucluse), le binôme de candidats formé par M. B...F...et Mme L...G...a été proclamé élu après avoir obtenu 4 489 voix contre 4 483 voix pour le binôme formé par M. K...D...et Mme J...C... ; que M. F...et Mme G...relèvent appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a, sur la protestation de M. D...et Mme C...tendant à l'annulation du second tour de scrutin, annulé l'ensemble des opérations électorales ;
2. Considérant que l'annulation des opérations du second tour de scrutin devant, pour l'élection des conseillers départementaux, entraîner d'office l'annulation de l'ensemble des opérations électorales du premier et du second tour, le tribunal administratif n'a, contrairement à ce que soutiennent M. F...et MmeG..., pas entaché son jugement d'irrégularité en annulant le premier tour de scrutin, alors même que les protestataires n'avaient pas présenté de conclusions expresses en ce sens ;
3. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : " Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que huit suffrages ont été enregistrés par les machines à voter des bureaux de vote n° 1, 3, 4, 13, 16 et 21 en plus du nombre de signatures apposées sur les listes d'émargement de ces bureaux ; que c'est, dès lors, à bon droit que le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, a jugé qu'il y avait lieu de retrancher hypothétiquement ces suffrages du nombre total de voix obtenues par le binôme de candidats proclamé vainqueur ; qu'est, à cet égard, sans incidence la circonstance qu'aucune manoeuvre ne serait à l'origine de ces différences ou qu'elles s'expliqueraient par des erreurs commises au moment de l'émargement ;
5. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 64 du code électoral : " Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : " l'électeur ne peut signer lui-même " " ; qu'aux termes de l'article L. 74 du même code, relatif au vote par procuration : " Le ou la mandataire participe au scrutin dans les conditions prévues à l'article L. 62 (...) / Son vote est constaté par sa signature apposée à l'encre sur la liste d'émargement en face du nom du mandant " ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur ou de son mandataire est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d'impossibilité dûment mentionnée sur la liste d'émargement ; qu'ainsi, la constatation d'une signature qui présente des différences manifestes entre les deux tours de scrutin sans qu'il soit fait mention sur la liste d'émargement d'un empêchement de l'électeur de signer lui-même ou d'un vote par procuration pour l'un de ces tours de scrutin ne peut être regardée comme garantissant l'authenticité du vote ;
6. Considérant que les signatures des électeurs enregistrés respectivement sous les numéros 405 et 682 dans les bureaux de vote numéros 12 et 19 ne présentent pas des différences manifestes entre les deux tours de scrutin de nature à laisser présumer leur absence d'authenticité ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que ces deux suffrages étaient irréguliers ;
7. Considérant, en revanche, que si la différence manifeste de signature entre les deux tours de scrutin pour l'électrice enregistrée sous le numéro 978 dans le bureau de vote n° 21 s'explique, selon M. F...et MmeG..., par la circonstance que la personne ayant voté au second tour bénéficiait d'une procuration de la part de celle-ci, la seule production, par cette électrice, du récépissé de son mandat et d'une attestation faisant état de ce qu'elle avait bien donné procuration pour le second tour ne saurait établir, en l'absence notamment de l'inscription, requise par les dispositions de l'article R. 76 du code électoral, du nom de la personne mandataire sur la liste d'émargement, que la signature portée sur cette liste au second tour était bien celle de ce mandataire ; que les requérants ne sont, par suite, alors même qu'aucune manoeuvre ne serait établie ni même alléguée, pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que ce suffrage était irrégulier ; que, ce faisant, le tribunal s'est borné à examiner l'un des griefs invoqués dans la protestation initiale et n'a ainsi, contrairement à ce que soutiennent également les requérants, pas accueilli un grief nouveau invoqué après expiration du délai fixé par l'article R. 119 du code électoral ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le nombre de suffrages devant être retranchés hypothétiquement du total des suffrages exprimés et des voix obtenues par le binôme formé par M. F...et Mme G...doit, par rapport au calcul opéré par le tribunal administratif, être ramené de douze à dix voix ; que néanmoins, eu égard à l'écart de six voix ayant séparé les candidats des deux binômes concurrents au second tour de scrutin, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 22 et 29 mars 2015 en vue de la désignation des conseillers départementaux du canton d'Orange ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. D...et Mme C...qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par ces derniers au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. F...et de Mme G...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. D...et de Mme C...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... F..., à Mme L... G..., à M. H...E..., à M. I...A..., à M. K... D...et à Mme J...C....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.