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30/06/2016 | FRANCE | N°394768

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 30 juin 2016, 394768


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 23 novembre 2015, 4 février et 21 mars 2016, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 17 août 2015 accordant son extradition aux autorités russes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du

dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européen...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 23 novembre 2015, 4 février et 21 mars 2016, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 17 août 2015 accordant son extradition aux autorités russes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. B...;

1. Considérant que, par le décret attaqué du 17 août 2015, le Premier ministre a accordé aux autorités de la Fédération de Russie l'extradition de M.B..., ressortissant russe, aux fins de poursuites de faits d'homicide volontaire, en exécution d'un mandat d'arrêt décerné le 21 février 2002 par le procureur du district de Sovettsky de la ville de Voronej ;

2. Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen a rendu un avis favorable à l'extradition le 24 mars 2011 ; que si M. B...soutient que le décret attaqué est irrégulier en raison du long délai qui s'est écoulé entre l'avis de la chambre de l'instruction et l'intervention du décret, il ne fait valoir aucune circonstance de droit nouvelle non plus qu'aucune modification de sa situation personnelle, autre que celle résultant de l'écoulement du temps, qui auraient justifié que la chambre de l'instruction soit à nouveau saisie ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur évidente aurait été commise en ce qui concerne la participation de M. B...aux faits qui lui sont reprochés ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que prétend le requérant, ni l'énoncé des faits qui lui sont reprochés, ni les documents joints à la demande d'extradition ne portent atteinte au principe de la présomption d'innocence prévu notamment par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, auquel renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, et par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que si M. B...soutient qu'en cas d'exécution du décret attaqué, les conditions dans lesquelles il viendrait à être jugé en Russie, ne pourraient que méconnaître le droit de bénéficier d'une procédure impartiale et équitable au sens du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces allégations ne suffisent pas à établir qu'il risquerait d'être privé du droit à un procès équitable ; qu'il ressort, au demeurant, des pièces versées au dossier que les autorités russes se sont engagées, dans le cadre de la procédure d'extradition, à ce qu'il bénéficie d'un procès équitable, incluant notamment l'assistance d'un avocat ;

7. Considérant, en sixième lieu, que si le requérant soutient que les conditions de détention sont de nature à l'exposer à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir les risques personnels qu'il allègue ; qu'au demeurant, les autorités russes se sont également engagées à ce que les stipulations de cet article, en vertu duquel " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", ne soient pas méconnues ;

8. Considérant, en septième lieu, que l'atteinte qu'une décision d'extradition est susceptible de porter au droit au respect de la vie familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, trouve, en principe, sa justification dans l'intérêt qui s'attache au bon fonctionnement de l'entraide judiciaire internationale auquel participe, par sa nature même, la procédure d'extradition ; qu'en l'espèce, la situation familiale de M.B..., qui fait valoir que son ex-épouse et leurs deux enfants vivent en France avec lui, n'est pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'extradition de l'intéressé ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention susvisée ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 17 août 2015 accordant son extradition aux autorités de la Fédération de Russie ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B...demande à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 394768
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2016, n° 394768
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Luc Briand
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:394768.20160630
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