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29/06/2016 | FRANCE | N°390040

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 29 juin 2016, 390040


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 mai 2015 et 27 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur sa demande du 19 janvier 2015 tendant à l'édiction de l'arrêté prévu à l'article R. 4544-11 du code du travail ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de prendre ce texte dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à

intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 mai 2015 et 27 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur sa demande du 19 janvier 2015 tendant à l'édiction de l'arrêté prévu à l'article R. 4544-11 du code du travail ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de prendre ce texte dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2010-1118 du 22 septembre 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Confédération générale du travail ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 4111-6 du code du travail : " Des décrets en Conseil d'Etat déterminent : (...) 3° Les prescriptions particulières relatives soit à certaines professions, soit à certains modes de travail, soit à certains risques (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, le décret du 22 septembre 2010 relatif aux opérations sur les installations électriques ou dans leur voisinage a inséré dans le titre IV du livre V de la quatrième partie du même code du travail un chapitre IV " Opérations sur les installations électriques ou dans leur voisinage ", au sein duquel l'article R. 4544-11 dispose que : " Les travailleurs qui effectuent des travaux sous tension sont titulaires d'une habilitation spécifique. / Cette habilitation est délivrée par l'employeur après certification des travailleurs par un organisme de certification accrédité. / Un arrêté des ministres chargés du travail et de l'agriculture fixe : / 1° Les compétences requises pour les travailleurs qui effectuent des travaux sous tension ; / 2° Les critères d'évaluation qui sont utilisés par l'organisme de certification ; / 3° Les normes au vu desquelles sont accrédités les organismes de certification ". Le second alinéa de l'article 2 du décret du 22 septembre 2010 prévoit que : " Les dispositions de l'article R. 4544-11 s'appliquent à compter du 1er janvier 2013 ".

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier reçu le 20 janvier 2015, la Confédération générale du travail a demandé au Premier ministre, qui est réputé avoir transmis cette demande aux ministres chargés du travail et de l'agriculture, de prendre l'arrêté prévu à l'article R. 4544-11 du code du travail. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, l'article R. 4544-11 du code du travail cité ci-dessus implique que les ministres chargés du travail et de l'agriculture apportent un certain nombre de précisions relatives à la certification des travailleurs en vue de leur habilitation par l'employeur à effectuer des travaux sous tension et à l'accréditation des organismes de certification. Ses dispositions ne peuvent recevoir application sans l'intervention de l'arrêté qu'elles prévoient.

4. D'autre part, si le Premier ministre conservait la faculté d'abroger ou de modifier, s'il le jugeait opportun, les dispositions de l'article R. 4544-11, les ministres chargés du travail et de l'agriculture avaient en revanche, en l'absence d'une telle mesure d'abrogation ou de modification, l'obligation d'assurer la pleine application de ces dispositions en prenant dans un délai raisonnable l'arrêté qu'elles prévoient. Le refus implicite en litige est intervenu quatre ans et demi après la publication du décret du 22 septembre 2010 et plus de deux ans après la date prévue par son article 2 pour l'entrée en vigueur des dispositions de l'article R. 4544-11. Ainsi, et en dépit des difficultés rencontrées par l'administration pour l'élaboration de ce texte, le délai raisonnable au terme duquel cet arrêté aurait dû être adopté était dépassé à la date à laquelle la demande de la confédération requérante a été rejetée.

5. Par suite, la Confédération générale du travail est fondée à soutenir que la décision implicite par laquelle les ministres chargés du travail et de l'agriculture ont refusé de prendre l'arrêté prévu à l'article R. 4544-11 du code du travail est illégale et doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Selon l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite (...) d'une astreinte (...) ".

7. En l'absence de modification des dispositions de l'article R. 4544-11 du code du travail depuis l'intervention de la décision attaquée, l'annulation de cette décision implique nécessairement que soit pris l'arrêté qu'elles prévoient. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre aux ministres chargés du travail et de l'agriculture de prendre cet arrêté dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la Confédération générale du travail.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la Confédération générale du travail, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle les ministres chargés du travail et de l'agriculture ont refusé de prendre l'arrêté prévu à l'article R. 4544-11 du code du travail est annulée.

Article 2 : Il est enjoint aux ministres chargés du travail et de l'agriculture de prendre l'arrêté prévu à l'article R. 4544-11 du code du travail, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la Confédération générale du travail une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail, à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 390040
Date de la décision : 29/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2016, n° 390040
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:390040.20160629
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