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27/06/2016 | FRANCE | N°389797

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 juin 2016, 389797


Vu les procédures suivantes :

1° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 avril et 28 juillet 2015, sous le n° 389797, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national Force Ouvrière des cadres des organismes sociaux, la Fédération nationale des cadres des caisses de sécurité sociale, d'allocations familiales et des organismes assimilés CFE-CGC, la Fédération de la protection sociale et de l'emploi CFTC, la Fédération de la protection sociale, du travail et de l'emploi CFDT et la Fédération nationale CGT des perso

nnels des organismes sociaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annule...

Vu les procédures suivantes :

1° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 avril et 28 juillet 2015, sous le n° 389797, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national Force Ouvrière des cadres des organismes sociaux, la Fédération nationale des cadres des caisses de sécurité sociale, d'allocations familiales et des organismes assimilés CFE-CGC, la Fédération de la protection sociale et de l'emploi CFTC, la Fédération de la protection sociale, du travail et de l'emploi CFDT et la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes du 17 février 2015 fixant les conditions d'agrément des ingénieurs-conseils et des contrôleurs de sécurité des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, des caisses générales de sécurité sociale et de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 600 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 avril et 28 juillet 2015, sous le n° 389809, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes du 17 février 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat du Syndicat national Force Ouvrière des cadres des organismes sociaux, de la Fédération nationale des cadres des caisses de sécurité sociale, d'allocations familiales et des organismes assimilés CFE-CGC, de la Fédération de la protection sociale et de l'emploi CFTC, de la Fédération de la protection sociale, du travail et de l'emploi CFDT, de la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux et de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière ;

Considérant ce qui suit :

1. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, les syndicats requérants demandent l'annulation de l'arrêté du 17 février 2015 par lequel le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a fixé, en application de l'article R. 422-4 du code de la sécurité sociale, les conditions d'agrément des ingénieurs-conseils et des contrôleurs de sécurité chargés des enquêtes sur les conditions d'hygiène et de sécurité dans les entreprises, diligentées par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dans les conditions prévues par l'article L. 422-3 du même code.

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

3. En premier lieu, l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale dispose que : " Le conseil (...) de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (...) et la commission prévue à l'article L. 221-4 sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence et notamment des projets de loi de financement de la sécurité sociale. (...) ". Il résulte de l'article L. 221-4 du même code que la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles exerce pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles les compétences dévolues au conseil de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, notamment en matière de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. L'arrêté attaqué, qui a été soumis pour avis à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, concerne les conditions d'agrément des ingénieurs-conseils et des contrôleurs de sécurité, chargés des enquêtes sur les conditions d'hygiène et de sécurité dans les entreprises. Il intéresse ainsi non la branche maladie, maternité, invalidité et décès mais la seule branche accidents du travail et maladies professionnelles. Dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation du conseil de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés doit être écarté.

4. En second lieu, en vertu de l'article L. 6123-1 du code du travail, le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle est chargé notamment d'émettre un avis sur les dispositions législatives et réglementaires dans le domaine de la politique de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle initiale et continue. L'arrêté attaqué, qui se borne à prévoir le " parcours de formation " propre à la délivrance de l'agrément dont il fixe les conditions, ne peut être regardé, eu égard à sa portée, comme relevant des dispositions qui doivent être soumises pour avis au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle. Dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation de ce conseil doit être écarté.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

5. L'article 8 de l'arrêté attaqué dispose que : " L'agrément est automatiquement suspendu dans les cas suivants : / - suspension du contrat de travail ; / - affectation sur un nouvel emploi sans fonction de visites en entreprise. / L'agrément peut en outre être suspendu, par décision motivée de l'autorité qui l'a délivré, lorsque les garanties d'intégrité ou les aptitudes professionnelles ne sont plus avérées (...) / Lorsque la durée de la suspension excède deux années, l'employeur de l'agent amené à exercer à nouveau ses fonctions d'ingénieur-conseil ou de contrôleur de sécurité a l'obligation de vérifier les aptitudes professionnelles de celui-ci et de lui proposer un accompagnement dans ce cadre aux fins de confirmation de l'agrément ". Aux termes de l'article 9 du même arrêté : " L'agrément est automatiquement retiré dans les cas suivants : / - rupture du contrat de travail de l'agent, à l'exception des cas où cette rupture est occasionnée par une mobilité au sein du réseau des organismes de la même branche (...) ; / - communication de fausses informations ou de faux documents délivrés, conformément à l'article 3, par le candidat en vue de son recrutement par la caisse régionale. / L'agrément peut en outre être retiré, par décision motivée de l'autorité qui l'a délivré, lorsque les garanties d'intégrité ou les aptitudes professionnelles ne sont plus avérées (...) ".

6. En premier lieu, les pouvoirs de suspension et de retrait d'un agrément reconnus par l'arrêté attaqué au directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ont pour objet d'assurer le bon déroulement des enquêtes, en garantissant la compétence et l'intégrité des agents investis, à cet effet, de prérogatives de puissance publique, ainsi que de tirer les conséquences de la modification de la situation des agents qui ont cessé d'exercer de telles fonctions du fait de la suspension de leur agrément. Ainsi et quand bien même une décision de suspension ou de retrait peut être liée au comportement de l'agent voire à une faute qu'il aurait commise, l'exercice de ces pouvoirs, sauf à être détourné de leur objet, n'a pas de finalité répressive. Par suite, les syndicats requérants ne peuvent utilement se prévaloir, pour contester la légalité des articles 8 et 9 de l'arrêté attaqué, du principe de légalité des délits et des peines.

7. En deuxième lieu, ces dispositions ne méconnaissent pas non plus l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité du droit.

8. En troisième lieu, si ces dispositions ne prévoient pas de procédure contradictoire préalable, elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'exclure l'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, désormais codifié à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui, s'agissant notamment des mesures de police, garantissent à la personne intéressée d'être mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Elles ne sauraient davantage faire obstacle au respect du principe général des droits de la défense qui impose, en outre, à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations lorsqu'elle prend une décision en considération de sa personne. Dès lors, le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit être écarté.

9. En dernier lieu, si la suspension, à la différence du retrait, n'a qu'un effet provisoire, il était loisible au pouvoir réglementaire de prévoir que l'agrément de l'agent qui a été suspendu plus de deux ans doit être confirmé pour s'assurer que cet agent, qui doit se voir proposer par son employeur un accompagnement à cette fin, a conservé les compétences professionnelles propres à lui permettre d'exercer les prérogatives de puissance publique dont il est doté. Une telle exigence, qui est sans incidence sur les droits nés du contrat de travail de l'intéressé, notamment sur ses droits à réintégration, et qui est proportionnée à l'objectif légitime poursuivi, n'est pas entachée d'erreur de droit et ne peut notamment pas être regardée comme de nature à constituer une discrimination en raison de l'état de santé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes du 17 février 2015.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, les sommes demandées à ce titre par les syndicats requérants.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes du Syndicat national Force Ouvrière des cadres des organismes sociaux et autres et de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national Force Ouvrière des cadres des organismes sociaux, premier requérant dénommé dans la requête n° 389797, à la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Les autres requérants seront informés de la présente décision par Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 389797
Date de la décision : 27/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2016, n° 389797
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389797.20160627
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