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27/06/2016 | FRANCE | N°388602

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 juin 2016, 388602


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mars 2015, 10 juin 2015 et 3 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail Force ouvrière demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-13 du 8 janvier 2015 relatif à la procédure de mise en concurrence des organismes dans le cadre de la recommandation prévue par l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
>- le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- le code de la sécurité sociale ;

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mars 2015, 10 juin 2015 et 3 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail Force ouvrière demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-13 du 8 janvier 2015 relatif à la procédure de mise en concurrence des organismes dans le cadre de la recommandation prévue par l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Confédération générale du travail Force ouvrière ;

Considérant ce qui suit :

1. Le I de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dispose que des accords professionnels ou interprofessionnels peuvent prévoir l'institution de garanties collectives qui présentent un degré élevé de solidarité et comprennent à ce titre des prestations à caractère non directement contributif, telle une prise en charge partielle ou totale de la cotisation pour certains salariés ou anciens salariés, en recommandant un ou plusieurs organismes mentionnés à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou une ou plusieurs institutions de retraite professionnelle. Le II du même article prévoit que : " La recommandation mentionnée au I doit être précédée d'une procédure de mise en concurrence des organismes ou institutions concernés, dans des conditions de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre les candidats et selon des modalités prévues par décret. / Le ou les organismes ou institutions ne peuvent refuser l'adhésion d'une entreprise relevant du champ d'application de l'accord. Ils sont tenus d'appliquer un tarif unique et d'offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et pour tous les salariés concernés ".

2. Le décret attaqué insère dans le code de la sécurité sociale des articles D. 912-1 à D. 912-13 qui déterminent les modalités de cette procédure de mise en concurrence. L'article D. 912-3 prévoit notamment qu'un avis d'appel à la concurrence est inséré dans une publication à diffusion nationale et une publication spécialisée dans le secteur des assurances. L'article D. 912-5 prévoit que tout candidat peut se faire communiquer un cahier des charges qui " comporte les éléments suivants : / 1° Les garanties souhaitées et, le cas échéant, les services attendus ; / 2° La durée maximale de la clause de recommandation ; / 3° L'assiette et la structure des cotisations ; / 4° Les conditions de révision des cotisations ; / 5° Les objectifs de sécurité et de qualité recherchés ; / 6° Les modalités d'organisation et de financement des éléments de solidarité ; / 7° Les obligations qui incombent à l'organisme ou aux organismes recommandés, notamment en ce qui concerne l'information en direction des entreprises et des salariés relevant de la branche, ainsi que les modalités de suivi du régime pendant la durée de la clause de recommandation et préalablement à son réexamen ". Enfin, aux termes de l'article D. 912-6 du même code : " La sélection des candidats s'effectue selon les phases successives définies ci-après : / 1° Seuls sont ouverts les plis des candidats reçus au plus tard à la date et à l'heure limites fixées dans l'avis d'appel à la concurrence. Tout dossier reçu hors délai ou incomplet est irrecevable ; / 2° Les candidatures recevables en application du 1° du présent article sont examinées au regard des conditions d'éligibilité définies dans l'avis d'appel à la concurrence ; / 3° Les candidatures éligibles en application du 2° du présent article sont analysées au regard du cahier des charges et classées en fonction des critères d'évaluation. Le ou les candidats évalués le plus favorablement sont retenus ".

3. En premier lieu, par les dispositions du II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, le législateur a entendu soumettre à des exigences de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre candidats la procédure de mise en concurrence des entreprises régies par le code des assurances, institutions de prévoyance, mutuelles et autres organismes susceptibles d'être recommandés par un accord instituant des garanties collectives mentionnées au I du même article, alors même que, tirant les conséquences des décisions n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 et n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013 du Conseil constitutionnel, il prévoyait une simple recommandation et non plus une désignation de tels organismes, ni n'assortissait d'un avantage fiscal ou social le choix des entreprises de s'assurer auprès du ou de l'un des organismes recommandés. Les dispositions critiquées du décret mettent en oeuvre ces principes de façon à garantir une publicité suffisante de l'intention des partenaires sociaux de choisir un organisme en vue de sa recommandation, une complète connaissance par les candidats des critères de sélection et des obligations qui incomberont à l'organisme ou aux organismes retenus et une sélection selon un processus transparent de ce ou de ces organismes. Eu égard, d'une part, à l'intérêt que cette désignation est susceptible de représenter pour les organismes candidats et, d'autre part, à l'importance de ce choix pour les entreprises et les salariés entrant dans le champ de l'accord collectif, ces modalités ne sont pas manifestement disproportionnées par rapport au but poursuivi par le législateur. Par suite, la confédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au motif qu'il assortirait de contraintes excessives la procédure qu'il prévoit.

4. En second lieu, aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : " Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ". Aux termes du huitième alinéa de ce Préambule : " Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ".

5. Le second alinéa de l'article D. 912-9 inséré dans le code de la sécurité sociale par le décret attaqué qualifie de situation de conflit d'intérêts, pour les membres de la commission paritaire ou de la commission paritaire spéciale chargée de la procédure de mise en concurrence, le fait d'exercer une activité salariée ou d'exercer ou avoir exercé, au cours des cinq dernières années, des fonctions délibérantes ou dirigeantes, au sein des organismes candidats ou du groupe auquel appartiennent ces organismes. L'article D. 912-10 dispose que : " Les membres de la commission paritaire ou, le cas échéant, de la commission paritaire spéciale qui déclarent une situation de conflit d'intérêts ne peuvent prendre part à aucune réunion ni délibération en lien avec la phase de sélection des offres définie au 3° de l'article D. 912-6. Le ou les membres concernés peuvent toutefois être remplacés à l'initiative de l'organisation syndicale de salariés ou de l'organisation professionnelle d'employeurs dont ils relèvent ".

6. D'une part, pour la mise en oeuvre de l'exigence, résultant de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, d'impartialité des instances chargées de la sélection des organismes recommandés, le pouvoir réglementaire pouvait, sans porter illégalement atteinte à la liberté syndicale et notamment au droit qu'ont les organisations syndicales de s'administrer librement, préciser les situations de conflit d'intérêts faisant obstacle à ce qu'une personne participe à l'évaluation et au choix des organismes candidats, alors même que de telles dispositions peuvent conduire les organisations syndicales parties à l'accord considéré à devoir remplacer le ou les représentants qu'elles avaient désignés pour siéger au sein de la commission chargée de la procédure de mise en concurrence.

7. D'autre part, en qualifiant de situation de conflit d'intérêts, pour les membres de la commission chargée de la sélection, le fait d'avoir exercé des fonctions délibérantes ou dirigeantes au sein des organismes candidats ou du groupe auquel ils appartiennent, et ce au cours des cinq années précédant la procédure de mise en concurrence, le pouvoir réglementaire n'a pas, contrairement à ce que soutient la confédération requérante, adopté des dispositions imposant des contraintes manifestement excessives au regard de l'objectif poursuivi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la Confédération générale du travail Force ouvrière n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Confédération générale du travail Force ouvrière est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail Force ouvrière, au Premier ministre et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 388602
Date de la décision : 27/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2016, n° 388602
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388602.20160627
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