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27/06/2016 | FRANCE | N°386332

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 juin 2016, 386332


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 décembre 2014 et 24 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Laboratoire Glaxosmithkline (GSK) France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 octobre 2014 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ont refusé d'inscrire la spécialité Benlysta sur la liste des spécialités pharmaceutiques mentionnée à l'article L.

162-22-7 du code de la sécurité sociale ;

2°) d'enjoindre aux ministres compé...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 décembre 2014 et 24 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Laboratoire Glaxosmithkline (GSK) France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 octobre 2014 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ont refusé d'inscrire la spécialité Benlysta sur la liste des spécialités pharmaceutiques mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale ;

2°) d'enjoindre aux ministres compétents de procéder à cette inscription dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la société Laboratoire Glaxosmithkline France ;

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité de la décision attaquée :

1. Aux termes de l'article 6 de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie : " Les dispositions suivantes sont applicables lorsqu'un médicament n'est couvert par le système national d'assurance-maladie qu'après que les autorités compétentes ont décidé d'inclure le médicament en question dans une liste positive de médicaments couverts par le système national d'assurance-maladie. (...) 2) Toute décision de ne pas inscrire un médicament sur la liste des produits couverts par le système d'assurance-maladie comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables, y compris, si nécessaire, les avis ou recommandations des experts sur lesquels les décisions s'appuient. (...) 3) Les États membres publient dans une publication appropriée et communiquent à la Commission (...) les critères sur lesquels les autorités compétentes doivent se fonder pour décider d'inscrire ou non des médicaments sur les listes. (...) 5) Toute décision d'exclure un produit de la liste des produits couverts par le système national d'assurance-maladie comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables. De telles décisions (...) sont communiquées à la personne responsable, qui est informée des moyens de recours dont elle dispose selon la législation en vigueur ainsi que des délais dans lesquels ces recours peuvent être formés ".

2. Dans un arrêt C-271/14 et C-273/14 du 16 avril 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6 de la directive citée ci-dessus du Conseil du 21 décembre 1988 doit être interprété en ce sens que les points 3 et 5 de cet article sont applicables à une décision qui restreint les conditions de remboursement ou réduit le niveau de prise en charge d'un médicament en l'excluant de la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation dont la prise en charge est assurée dans le cadre de forfaits de séjour et de soins ; qu'il est clair que, de même, l'obligation prévue au point 3 de cet article est applicable à une décision qui refuse l'inscription d'un médicament sur la liste des spécialités pharmaceutiques ainsi prises en charge.

3. Le pouvoir réglementaire ne pouvait légalement, après l'expiration des délais impartis pour sa transposition, édicter des dispositions méconnaissant les objectifs définis par la directive du Conseil du 21 décembre 1988. Or il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que les points 2 et 3 de l'article 6 de cette directive imposaient la motivation, en fonction de critères préalablement publiés et communiqués à la Commission, d'une décision telle que celle attaquée par la société requérante, qui refuse d'inscrire la spécialité Benlysta sur la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation, mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale.

3. Il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que les critères sur lesquels les ministres se sont fondés pour décider de ne pas inscrire la spécialité Benlysta sur la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale n'ont fait l'objet ni d'une publication, ni d'ailleurs d'une communication à la Commission, avant l'adoption de la décision du 20 octobre 2014. Par suite, et alors même que cette décision indique les motifs sur lesquels elle se fonde et les critères qu'elle met en oeuvre, la société requérante est fondée à soutenir qu'elle a été prise en méconnaissance des prescriptions du point 3 de l'article 6 de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988.

4. Il résulte de ce qui précède que la société Laboratoire Glaxosmithkline France est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de la requête.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution de la présente décision implique nécessairement, eu égard à ses motifs, le réexamen de la demande de la société requérante. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit procédé à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Laboratoire Glaxosmithkline France d'une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 20 octobre 2014 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ont refusé d'inscrire la spécialité Benlysta sur la liste des spécialités pharmaceutiques mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des finances et des comptes publics et à la ministre des affaires sociales et de la santé de réexaminer la demande de la société Laboratoire Glaxosmithkline France dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la société Laboratoire Glaxosmithkline France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Laboratoire Glaxosmithkline France, au ministre des finances et des comptes publics et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 386332
Date de la décision : 27/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2016, n° 386332
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:386332.20160627
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